A l’issue d’une réunion de son collège de commissaires, mercredi, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a jugé qu’une mise en service de l’EPR en construction à Flamanville (Manche) pouvait être envisagée, en dépit d’une anomalie sur la cuve et son couvercle. « Les caractéristiques mécaniques du fond et du couvercle de la cuve sont suffisantes au regard des sollicitations auxquelles ces pièces sont soumises, y compris en cas d’accident », a indiqué l’ASN. « Une très bonne nouvelle », a salué Laurent Thieffry, directeur du projet Flamanville 3 à EDF.
Pour autant, a précisé son président, Pierre-Franck Chevet, « les marges sont réduites par rapport à une cuve normale », ce qui nécessite de « mettre en place des contrôles en service ». « Pour le fond de la cuve, de tels contrôles existent, on peut donc se prononcer favorablement sur l’utilisation pérenne », a-t-il jugé. En revanche, la faisabilité technique de contrôles sur le couvercle n’étant « pas acquise », « l’ASN considère donc que l’utilisation de ce couvercle doit être limitée dans le temps ». Notant que la fabrication d’un couvercle prendra « de l’ordre de sept ans » et pourrait donc être disponible d’ici à fin 2024, l’ASN « considère que le couvercle actuel ne pourra être utilisé au-delà de cette date ». Selon une source industrielle, la fabrication d’un couvercle prendrait de trois à quatre ans, mais l’ASN a indiqué avoir laissé « quelques marges »
EDF a déjà commandé à Areva un nouveau couvercle, que lui-même a sous-traité au japonais JSW. Mais il se donne deux ans pour proposer et faire valider par l’ASN une méthode de contrôle satisfaisante pour le couvercle. Contrairement au fond de cuve, celui-ci est percé de 107 traverses qui servent à contrôler la réaction nucléaire. Pour bâtir sa position, le collège de l’ASN s’est appuyé sur le rapport de son expert, l’IRSN, puis sur un groupe d’experts (GPESPN), réunis lundi et mardi à l’ASN. Les deux avis rendus préconisaient, pour leur part, qu’EDF développe un programme pour assurer le contrôle du couvercle de la cuve, et qu’à défaut il soit remplacé.
EDF affichait depuis des mois sa « confiance » sur la validation du circuit primaire du réacteur. Le coût d’un couvercle instrumenté est loin d’être négligeable, autour de 100 millions d’euros, mais de fait, il ne remet pas en cause le projet. L’électricien avait déjà dû, dans les années 1990, remplacer les couvercles de 54 de ses 58 réacteurs en exploitation en France, à la suite d’un problème de corrosion. En Chine, l’autorité de sûreté et l’électricien CGN, qui construit avec EDF deux EPR, dont les cuves et les couvercles ont aussi été forgés par Areva, décideront des suites à donner.