Nous l’écrivions le 23 octobre1 : « Avec leur discours sur les « signaux faibles », Macron, Castaner et compagnie ont légitimé les positions les plus radicalement islamophobes et les amalgames les plus délétères. Au vu de la liste des signaux faibles (voile, barbe, djellaba, nourriture halal, etc.), un trait d’égalité a en effet été tracé entre musulman pieux et individu « radicalisé » et, partant, entre musulman et personne « radicalisable ». » Nous ne savions pas alors que, quelques jours plus tard, un ex-candidat du Front national passerait à l’acte en tirant sur des fidèles musulmans devant une mosquée qu’il avait l’intention d’incendier… Un passage à l’acte qui n’a rien d’un coup de tonnerre dans un ciel serein, mais qui n’est rien d’autre que l’expression de la « radicalisation » des islamophobes en tout genre, facilitée, voire encouragée par les plus hauts sommets de l’État.
La responsabilité de Macron
La déferlante islamophobe à laquelle nous assistons depuis plusieurs semaines est en effet une étape supplémentaire dans le développement des discours et des politiques stigmatisantes et discriminatoires à l’égard des musulmanEs, jetés en pâture dans le débat public et rendus responsables de tous les maux. Le choix d’Emmanuel Macron d’accorder un entretien à l’hebdomadaire d’extrême droite Valeurs actuelles est à cet égard éloquent, véritable appel du pied même pas dissimulé aux franges les plus réactionnaires et racistes de la société. A fortiori lorsque l’on se résout à ouvrir ledit magazine et que l’on y découvre, entre autres, que Macron fait sienne la théorie complotiste de la fachosphère concernant « l’affaire » du conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté… Le président de la République explique ainsi doctement, et sans aucune preuve, que la mère d’élève qui a été humiliée par un conseiller RN lui intimant de sortir en raison de son voile, aurait « coincé » ledit conseiller et qu’elle serait « plus proche des milieux de l’islam politique qu’on ne le croyait ».
Une théorie venue de l’extrême droite et largement démentie depuis, qui inverse la charge de la culpabilité dans cette « affaire », et qui s’inscrit en réalité dans un discours rabâché depuis de longues, longues années : si les musulmanEs sont stigmatisés, voire violentés, c’est parce qu’ils et elles le cherchent, dans le cadre d’une stratégie de victimisation. Et lorsque certains musulmanEs « innocents » sont pris pour cible, la cause se trouverait du côté de « l’islamisme » et non de l’islamophobie. Exactement le type de raisonnement que l’on a pu entendre sur les plateaux de chaînes d’information le soir de l’attentat contre la mosquée de Bayonne, avec des « débats » glissant plus ou moins brutalement vers la question du « communautarisme »…
Une riposte large, unitaire et déterminée
Dans un tel contexte, une riposte large et unitaire était indispensable, qui commence à se dessiner avec la marche du 10 novembre, dont l’importance est proportionnelle au déchaînement de haine qu’elle suscite du côté de la droite et de l’extrême droite, mais aussi de nombre de défenseurs auto-proclamés d’une « laïcité » transformée en arme de discrimination massive contre les musulmanEs. Les pressions sont fortes sur certaines des personnalités et organisations signataires, de La France insoumise à Philippe Martinez en passant par la FSU et Génération.s, que l’on traite allègrement de « collabos de l’islamisme » sous prétexte qu’ils ont fait le choix de signer un appel à se mobiliser au côté des premierEs concernéEs et de plusieurs collectifs luttant de longue date contre l’islamophobie, comme le CCIF ou la plateforme L.E.S. Musulmans.
Pour contre-balancer ces pressions, il faut faire de la journée du 10 novembre un succès et une démonstration de force. Une démonstration d’unité face à une violente offensive raciste, de solidarité avec les populations qui en sont victimes, et de refus de se laisser entraîner sur le terrain de la haine et des divisions face à un gouvernement dont les politiques visent l’ensemble des salariéEs, des classes populaires et des jeunes. Sans toutefois tomber dans la rhétorique de la « diversion », qui voudrait que la lutte contre l’islamophobie soit un piège qui nous détournerait de la « véritable » lutte des classes. La lutte contre l’islamophobie, comme la lutte contre tous les racismes, est au cœur de la lutte des classes, et elle doit être une tâche essentielle pour tous ceux et toutes celles qui, aujourd’hui, veulent en finir avec toutes les politiques antisociales du pouvoir. La contre-offensive antiraciste est en effet non seulement nécessaire pour faire cesser les discriminations et les violences, mais elle participe en outre pleinement de l’unification et du renforcement de notre camp social, indispensables pour infliger une défaite globale à Macron et son monde.
NPA Loiret
Tribune. Depuis bien trop longtemps, les musulmanes et les musulmans en France sont la cible de discours venant parfois de «responsables» politiques, d’invectives et de polémiques relayés par certains médias, participant ainsi à leur stigmatisation grandissante.
Depuis des années, la dignité des musulmanes et des musulmans est jetée en pâture, désignée à la vindicte des groupes les plus racistes qui occupent désormais l’espace politique et médiatique français, sans que soit prise la mesure de la gravité de la situation.
Depuis des années, les actes qui les visent s’intensifient : qu’il s’agisse de discriminations, de projets ou de lois liberticides, d’agressions physiques de femmes portant le foulard, d’attaques contre des mosquées ou des imams, allant même jusqu’à la tentative de meurtre.
L’attentat contre la mosquée de Bayonne le 28 octobre, en est la manifestation la plus récente et les services de l’Etat savent que la menace terroriste contre les lieux de culte musulmans est grande.
Il a fallu que cette violence jaillisse aux yeux de tous, à travers l’humiliation d’une maman et de son enfant par un élu RN au conseil général de Bourgogne-Franche-Comté, pour que tout le monde réalise ce que des associations, des universitaires, des personnalités, des syndicats, militants et au-delà, des habitants, dénoncent à juste titre depuis des années : l’islamophobie en France est une réalité. Quel que soit le nom qu’on lui donne, il ne s’agit plus ici de débats d’idées ou de critique des religions mais d’une forme de racisme explicite qui vise des personnes en raison de leur foi. Il faut aujourd’hui s’unir et se donner les moyens de la combattre, afin que plus jamais, les musulmanes et les musulmans ne puissent faire l’objet de tels traitements.
Puisque les discours et déclarations d’intention ne suffisent plus, parce que l’heure est grave : le 10 novembre à Paris nous marcherons pour dire :
– STOP aux discours racistes qui se déversent sur nos écrans à longueur de journée, dans l’indifférence générale et le silence complice des institutions étatiques chargées de lutter contre le racisme.
– STOP aux discriminations qui visent des femmes portant le foulard, provoquant leur exclusion progressive de toutes les sphères de la société.
– STOP aux violences et aux agressions contre les musulmanes et les musulmans, qui se retrouvent progressivement déshumanisés et stigmatisés, faisant d’eux des terroristes potentiels ou des ennemis de l’intérieur.
– STOP aux délations abusives jusqu’au plus haut niveau de l’Etat contre des musulmans dont le seul tort serait l’appartenance réelle ou supposée à une religion.
– STOP à ces dispositifs de surveillance de masse qui conduisent à une criminalisation pure et simple de la pratique religieuse.
Les conséquences, notamment pour des salariés licenciés et des familles déstabilisées, sont désastreuses et ne peuvent plus être tolérées. Cette criminalisation se fait au détriment des libertés fondamentales et des principes les plus élémentaires d’égalité censés guider notre pays.
Nous, musulmans ou non, disons STOP à l’islamophobie et nous serons nombreux pour le dire ensemble le 10 novembre prochain à Paris.
Nous appelons toutes les organisations, toutes les associations, tous les collectifs, toutes les fédérations de parents d’élèves, tous les partis politiques, toutes les personnalités, tous les médias, toutes les personnes solidaires à se joindre à cet appel solennel et à répondre présent à la marche du 10 novembre prochain.
Il en va des libertés fondamentales de tous. Il en va de la dignité et de l’intégrité de millions de concitoyens. Il en va de notre unité à tous, contre le racisme sous toutes ses formes qui, aujourd’hui, menace une nouvelle fois la France.
Premiers signataires: Jean-Luc Mélenchon et l’ensemble du groupe parlementaire La France insoumise ; Benoît Hamon, Génération.s ; Esther Benbassa, sénatrice EE-LV de Paris ; André Chassaigne, député, président du groupe GDR ; Elsa Faucillon, députée PCF ; Olivier Besancenot, NPA ; Laura Slimani, élue de Rouen, direction nationale de Génération.s ; Leïla Chaibi, eurodéputée LFI ; David Cormand, secrétaire national d’EE-LV ; Stéphane Peu, député PCF ; Azzédine Taibi, maire PCF de Stains ; Younous Omarjee, eurodéputé ; Manon Aubry, eurodéputée ; Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT ; Jérôme Rodrigues, Gilet jaune ; Assa Traoré, comité Adama ; Aurélie Trouvé porte parole d’Attac; Maryam Pougetoux et Mélanie Luce, Unef ; Marwan Muhammad, auteur et statisticien ; Caroline De Haas, militante féministe ; Nora Hamadi, journaliste ; Aida Touihri, journaliste ; Edwy Plenel, journaliste ; Rokhaya Diallo, journaliste et réalisatrice, Pierre Jacquemain, rédacteur en chef de Regards ; Taha Bouhafs, journaliste ; Alain Gresh, journaliste ; Pouria Amirshahi, directeur de publication de Politis ; Dominique Vidal, journaliste et historien ; Éric Fassin, sociologue ; Julien Salingue, docteur en science politique ; Étienne Balibar, universitaire ; Sylvie Tissot, sociologue ; Ludivine Bantigny, historienne ; Vincent Geisser, politologue ; Geneviève Garrigos, féministe, militante des droits humains ; Mathilde Larrère, historienne ; Laurence De Cock, enseignante ; Arié Alimi, avocat ; Fianso, artiste ; Mathieu Longatte (Bonjour Tristesse) ; Vikash Dhorasoo, ancien de joueur de foot, parrain d’Oxfam et président de Tatane ; Fédération syndicale unitaire (FSU) ; Union syndicale Solidaires ; Action Antifasciste Paris Banlieue (AFA) ; Michèle Sibony et l’Union juive française pour la paix (UJFP) ; Front uni des immigrations et des quartiers populaires (FUIQP) ; Yassine Belattar, humoriste. Un appel initié par Madjid Messaoudene (élu de Saint-Denis), le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), le Comité Adama, le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA), la Plateforme L.E.S. Musulmans, l’Union nationale des étudiants de France (Unef), l’Union communiste libertaire (UCL)