Malgré les risques de rebond de l’épidémie de Covid-19 en milieu scolaire, les ministres de l’éducation et de la santé ont réaffirmé, lundi, leur volonté de « sanctuariser l’école ».
Par Mattea Battaglia
« L’école est la dernière chose à fermer dans une société », selon la formule un peu galvaudée martelée, depuis bientôt deux ans de crise sanitaire, au ministère de l’éducation. Même face à la déferlante du variant Omicron, le gouvernement entend maintenir le cap : la rentrée des classes se fera bien, comme prévu, lundi 3 janvier.
« Nous resterons dans la ligne fixée depuis le début de la pandémie : ne fermer [les établissements] qu’en dernier recours, a défendu le premier ministre, Jean Castex, lundi 27 décembre en conférence de presse. Nous ne reporterons pas la rentrée, nous ne basculerons pas les collèges et lycées en distanciel. » Le protocole sanitaire en milieu scolaire reste fixé au niveau 2 (sur 4) dans le secondaire, au niveau 3 en élémentaire.
L’hypothèse d’un allongement des vacances avait pourtant trouvé, ces derniers jours, des relais, et pas seulement dans les cercles politiques où Valérie Pécresse, candidate Les Républicains à l’élection présidentielle, s’en était saisie : parmi les médecins et les scientifiques, aussi, des voix se sont élevées pour mettre en garde contre le risque de contamination en milieu scolaire, alors qu’un rebond est généralement observé à chaque retour des vacances.
« Vague inédite »
« Le ministre de l’éducation doit cesser son négationnisme inacceptable : oui, les enfants se contaminent à l’école », s’est agacé, dimanche, l’épidémiologiste William Dab dans les colonnes du Journal du dimanche. Et de poursuivre : « Jean-Michel Blanquer refuse de fermer les établissements, mais n’est pas en mesure de sécuriser les classes. Or, ce virus n’est pas sans conséquence sur les plus jeunes. »
Même diagnostic mis en avant, dans le même hebdomadaire, par une cinquantaine de professionnels de santé signataires d’une lettre ouverte au ministre de la santé, Olivier Véran : « Nous nous attendons à une vague inédite (…) de prise en charge d’enfants atteints du syndrome inflammatoire multisystémique pédiatrique, ainsi que de séquelles liées à l’évolution, dans certains cas, d’une forme durable de la maladie », écrivent-ils.
Ils y livrent, entre autres chiffres, celui de 300 000 enfants contaminés depuis novembre par le Covid-19 ; ou de 800 enfants (de moins de 10 ans) et de 300 adolescents hospitalisés en six semaines. A ce jour, 190 enfants sont hospitalisés en France en raison du Covid-19, dont 35 en réanimation, leur a opposé, lundi, M. Véran, prenant la parole à la suite du chef du gouvernement. Des chiffres à mettre en regard des 23 000 hospitalisations annuelles du fait de la bronchiolite, ou des 14 000 dues à la gastro-entérite.
« Oui, nous assumons de sanctuariser l’école pour les enfants », a conclu le ministre de la santé en conférence de presse. Mais comment ? Le dépistage des cas positifs sur lequel l’éducation nationale mise désormais pour conserver les classes ouvertes, se heurte, sur le terrain, à de nombreux obstacles. D’un média à l’autre, M. Blanquer l’a reconnu lui-même : sur les 600 000 tests promis chaque semaine dans les écoles, 400 000 sont proposés, mais rarement plus de la moitié sont réalisés – faute de tests livrés, faute d’équipes disponibles ou faute de l’accord des parents.
Capteurs de CO2 insuffisants
L’équipement des salles de classe en capteurs de CO2, du ressort des collectivités, demeure aussi très en deçà des besoins : environ 53 % des lycées en sont dotés, à ce stade, quand c’est le cas de seulement 38 % des collèges et de 20 % des écoles, selon des indications récemment fournies par le ministère aux organisations syndicales. Des chiffres qui ne disent rien du nombre de capteurs par établissement, ont réagi ces syndicats.
Dans ce contexte, le statu quo en matière de calendrier et de protocole, s’il satisfait des parents qui auraient été pris de court par des annonces communiquées au cœur des vacances, ne lève pas les réserves qui s’expriment dans les cercles d’enseignants. Avant Noël, déjà, une intersyndicale s’était rapprochée de M. Castex pour réclamer « un plan d’investissement exceptionnel dans les écoles ».
L’éducation nationale ne recensait, alors, « que » 3 150 classes fermées dans toute la France – après un changement de protocole portant de 1 à 3 cas par classe le seuil de fermeture –, mais elle comptabilisait dans le même temps près de 50 000 contaminations chez les élèves (tous niveaux confondus), encore très peu vaccinés avant 12 ans. Pas sûr que l’ouverture de la vaccination aux 5-11 ans, depuis le 22 décembre, change la donne d’ici à la rentrée de janvier.
Avec Omicron, c’est aussi la contamination des personnels d’éducation, pourtant très majoritairement vaccinés, que les épidémiologistes redoutent : selon le conseil scientifique, plus d’un tiers des enseignants pourraient être absents d’ici à la fin de janvier, qu’ils soient touchés directement ou indirectement (quand leurs propres enfants le sont) par le Covid-19. Et ce, alors que les problèmes de remplacement étaient déjà aigus avant les vacances.
Mattea Battaglia
Delta + Omicron : On ne change toujours rien ! IL FAUT QUE LES ENTREPRISES TOURNENT !
« On reste dans la ligne que l’on s’est fixée : ne fermer les écoles qu’en dernier recours ». Alors que le variant Omicron se répand et que, selon le ministre de la Santé, il faut s’attendre à 250 000 contaminations par jour à la rentrée, le gouvernement choisit, le 27 décembre, de ne rien changer dans les écoles. Comme si elles n’étaient pas un lieu par où le virus gagne les familles. Et comme si les enseignants acceptaient toujours le risque.
Immobilisme pour l’Ecole
« On doit adapter nos mesures pour faire face aux deux vagues, delta et omicron, en même temps ». Pourtant Jean Castex n’a rien annoncé de nouveau pour les écoles et les établissements scolaires le 27 décembre. Toutes les mesures concernent les activités économiques qui semblent la seule préoccupation du gouvernement.
» On reste dans la ligne que l’on s’est fixée : ne fermer les écoles qu’en dernier recours », a dit le premier ministre. « Nous ne reporterons pas la rentrée ni ne basculeront les collèges et les lycées en distanciel. Maintenir les écoles ouvertes est dans l’intérêt des enfants », ajoute-il en s’appuyant sur un avis de la Société française de pédiatrie.
« Oui le virus circule chez les enfants à l’école et à la maison », a ajouté Olivier Véran. » Oui nous assumons de sanctuariser l’éducation des enfants. Un enfant qui ne va pas à l’école peut rencontrer de grandes difficultés ».
Pour le reste, O Véran « continue à travailler avec le ministre de l’éducation nationale sur des mesures » comme l’aération, des capteurs de Co2 et « le dépistage systématique déjà mis en place ». J Castex a parlé « d’amplifier à la rentrée notre politique de dépistage » sans donner d’autres indications.
Les mesures en dehors de l’Ecole
Les mesures prises par le gouvernement en conseil des ministres le 27 décembre ne concernent donc pas l’Ecole. Le gouvernement va déposer un projet de loi prévoyant de faire passer le passe sanitaire en passe vaccinal : il faudra être vacciné pour accéder à des lieux publics, un test négatif ne suffira plus. Le rappel de vaccin pourra avoir lieu dès 3 mois. Le masque fera sa réapparition en extérieur en centre ville. Les grands rassemblements seront limités à 2000 personnes en intérieur et 5000 en extérieur, sauf les meetings politiques et les cérémonies religieuses. La consommation d’aliments sera interdite dans les transports, cinémas, salles de sport etc. Le télétravail sera obligatoire là où il est possible au moins 3 jours par semaine. Surtout, et cela pourrait concerner aussi les enseignants, la durée de l’isolement des cas contacts et des cas de maladie sera revue. Des décisions seront annoncées le 31 décembre sur ce point. L’intention du gouvernement est clairement de réduire la durée de l’isolement coute que coute.
La fermeture des écoles freine actuellement l’épidémie
L’immobilisme gouvernemental par rapport à la situation sanitaire dans l’Ecole ne cesse de surprendre. D’abord parce que le virus est nettement plus actif chez les jeunes que dans le reste de la société. Au 23 décembre, alors que le variant delta est encore dominant, le taux d’incidence des 6-10 ans est de 807 pour la France avec 18 départements où il est supérieur à 1000. C’est deux fois moins de départements que le 17 décembre. Autrement dit l’impact positif de la fermeture des classes sur la contagion des plus jeunes est démontré. On observe d’ailleurs cette baisse des taux d’incidence après la fermeture des classes pour les congés scolaires dans la très grande majorité des départements pour le premier degré et le collège. C’est moins net pour les lycées.
Olivier Véran remarque le 27 décembre qu’Omicron touche principalement les jeunes. Par conséquent le fait que les écoles et établissements scolaires soient le lieu premier de transmission de la maladie dans l’ensemble de la société devrait rester vrai avec Omicron. Même si ce variant va se diffuser très rapidement partout.
De fausses annonces
Le 17 décembre, Olivier Véran avait pointé nettement l’école comme lieu de transmission de la maladie. Il est surprenant de voir que 10 jours plus tard il n’en est plus question.
Le gouvernement prétend travailler à des mesures pour protéger les enfants comme l’aération, les capteurs de Co2 ou le dépistage. Or il n’en est rien. JM Blanquer a dit à l’Assemblée disposer de 20 millions pour l’équipement des salles de classe en capteurs de Co2 et tenir ces sommes à disposition des élus locaux en promettant même des rallonges. Les communes qui ont équipé leurs écoles l’ont fait à leurs frais et elles sont rares. Le ministre n’a jamais répondu aux questions sur l’utilisation de cette somme.
Sur le dépistage dans les écoles, le ministère fait du sur place depuis des mois avec 200 000 à 250 000 dépistages par semaine. On reste très loin des 600 000 dépistages promis. Et ce serait très peu pour 12 millions d’élèves. Dans d’autres pays, l’Allemagne, l’Autriche, le Royaume Uni, les élèves et les personnels sont testés deux fois par semaine.
L’urgence de tenir compte des situations locales
On aurait pu attendre du gouvernement qu’il tienne compte des situations très dégradées dans certains départements ou pour certaines tranches d’âge. Il y a des départements avec de très forts taux d’incidence dès maintenant à l’école et au collège , par exemple dans le sud est ou l’est du pays. Cela justifierait des mesures spécifiques. Il y a des départements où un jeune de 20 à 29 ans sur trente est contaminé ce qui devrait rendre impossible la réouverture des universités. Silence là aussi.
Le gouvernement mise sur l’acceptation du risque par les enseignants
Visiblement le gouvernement mise sur la vaccination pour atténuer les effets du variant Delta. Mais cela ne concerne pas les écoliers et ne touche qu’une partie des élèves du second degré. Face à Omicron le protocole actuel ne peut en rien freiner le développement de la maladie, les fermetures de classe et la diffusion de la maladie dans les familles. De nouvelles mesures d’allègement du protocole pourraient même être annoncées à la fin du mois, même si les enseignants sont très rarement déclarés cas contacts.
Le gouvernement mise aussi sur l’acceptation du risque par les enseignants. Il ne parle même pas de changer les masques en tissu de l’éducation nationale par des masques FFP2 qui seraient les seuls capables de freiner la diffusion d’Omicron. Il envisage encore moins des demi jauges pour limiter la propagation de la maladie.
Pourtant le gouvernement ne peut pas s’en tenir au protocole actuel. Ne serait ce que parce que le maintien du protocole allégé actuel n’empêchera pas la multiplication des fermetures de classe. A court terme l’immobilisme gouvernemental ne freinera pas Omicron dans les établissements. Une fermeture des classes en début d’épidémie pourrait avoir un effet. Il semble que pour le gouvernement il soit déjà trop tard. Est ce vraiment le cas pour Omicron ?
François Jarraud