
Jusqu’ici, Blois n’avait jamais vu d’amas de jeunes multicolores déferler dans ses rues, sur du Mylène Farmer poussé à plein volume. À 24 ans, Annaïg vit aussi sa première marche des fiertés, 46 ans après la toute première en France, organisée par le Mouvement de libération des femmes (MLF) en 1981. « Je viens en soutien à ma sœur, qui a fait son coming out il y a plusieurs années, et aussi parce que j’ai découvert récemment ma bisexualité », confie la Blésoise, des paillettes arc-en-ciel plein les joues. « Il y a l’air d’avoir du monde », se réjouit-elle à l’approche du point de rendez-vous de la manifestation, au port de la Creusille.

« Tant que des gens meurent, on continuera »

Quelques minutes plus tard, le long des quais, l’allégresse retombe et la voix de David Bowie se tait. Un temps de silence est observé devant le commissariat, en solidarité avec les personnes LGBTQIA + (1) victimes de violences, en augmentation de 28 % entre 2021 et 2022.

En Loir-et-Cher, aucune plainte en ce sens n’a jamais été recensée. Animatrice au Planning familial 41, organisateur de l’événement, Claire Lopez objecte « pourtant rencontrer régulièrement des personnes LGBTQIA + victimes dans les bureaux de l’association ». « Les policiers ne sont pas encore assez formés sur le sujet et certaines personnes continuent de ne pas porter plainte par peur », déplore ainsi Liam, 19 ans, drapeau aux couleurs transgenres sur les épaules.

Blois porte à 86 la liste de villes françaises accueillant des marches des fiertés en 2023.
« Rien n’est jamais acquis »

Habitant près d’Orléans, iel est venu soutenir la première marche des fiertés blésoise, à l’image des Centres LGBTI du Loiret et de Tours, dont l’attaque à la bouteille explosive le 22 mai dernier est dans tous les esprits. « Tant que des gens meurent encore à cause de leur sexualité ou que des centres LGBTI sont caillassés, on continuera », assène Laure, une participante, qui avec Aragon rappelle que « rien n’est jamais acquis ».

Marie (2) et Zineb en sont la preuve. Venues de Tours, « on a dit à nos parents qu’on partait visiter Blois pour pouvoir venir à la Pride », avouent-elles. « Mon père est assez vieux jeu et je n’ai pas envie qu’on fasse mon coming out à ma place en me croisant dans la rue », explicite Zineb, le visage rayonnant sous son voile. Pratiquante, il lui importe de « montrer » que la religion n’entre en rien en incompatibilité avec son orientation sexuelle.

Plus insidieuses que les violences, les discriminations augmentent elles aussi, en corrélation avec celle de la visibilité des LGBTQIA +. Lycéenne à Camille-Claudel, Nora raconte « les mots blessants », qui l’ont poussé à mentir sur son attirance pour les filles : « Une camarade de classe racontait qu’elle était mal à l’aise de se changer dans les vestiaires quand j’étais là ». C’était au collège. Aujourd’hui, Nora marche avec une pancarte intimant en anglais à « être fier de qui l’on est ».
(1) Lesbienne, gay, bi, trans, queer, intersexe, asexuel et autres.
(2) Le prénom de l’intéressée a été modifié.
