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En pleine crise climatique, les groupes pétroliers réduisent leurs ambitions environnementales

Le premier sommet africain sur le climat s’est achevé ce 6 septembre à Nairobi au Kenya. Dans leur déclaration finale, les dirigeants du continent appellent à la création d’une taxe carbone sur les énergies fossiles pour financer les investissements dans le renouvelable. Cet appel intervient alors que les entreprises pétrolières ont enregistré des profits record en 2022, mais ont aussi récemment revu à la baisse leurs ambitions climatiques.

Les patrons des groupes BP et Shell ont revu leur copie quant à la baisse de leur production de pétrole (photo d'illustration).Les patrons des groupes BP et Shell ont revu leur copie quant à la baisse de leur production de pétrole (photo d’illustration). © REUTERS/Jim Tanner

Pendant la crise du Covid-19 et sous l’impulsion des scientifiques, plusieurs grandes entreprises pétrolières avaient pris des engagements pour limiter leur production et réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. L’objectif fixé par l’accord de Paris sur le climat en 2015 est de limiter à +1,5°C le réchauffement de la planète d’ici à 2050. Sauf que, cette année, BP et Shell ont discrètement abandonné leurs engagements. Le Britannique BP ne va plus réduire de 40% sa production de pétrole et de gaz d’ici à 2030 mais seulement de 25%. Soit bien en dessous des recommandations des scientifiques. Son patron l’a annoncé en février 2023.

En juin, Shell lui a emboité le pas. Le groupe anglo-néerlandais s’était engagé à réduire de 1 à 2% par an sa production d’énergies fossiles. Finalement, son nouveau patron a décidé de ne plus baisser la production du tout avant 2030. Pour Lucie Pinson, directrice de l’ONG Reclaim Finance qui milite pour que les banques et fonds d’investissement arrêtent de financer les projets qui contribuent au dérèglement climatique, ces décisions confirment que les groupes pétroliers sont très loin de prendre leur part dans les efforts pour limiter le réchauffement de la planète

« Déjà avant ces revirements, la stratégie des grands groupes pétroliers ne leur permettait pas de s’aligner sur l’objectif de 1,5°C. Or nous sommes dans un contexte d’urgence écologique dans lequel nous devons baisser tous les ans notre production de pétrole et de gaz », explique celle qui a obtenu en 2020 le prix Goldman, souvent présenté comme le Nobel de l’environnement. En effet, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) souligne qu’il ne faut développer aucun nouveau projet pétrolier et gazier si l’on veut espérer limiter à 1,5°C le réchauffement de la planète d’ici à 2050.  

L’extraction, le raffinage et le transport des énergies fossiles représentent 15% des émissions de gaz à effet de serre de la planète. Après cela, la consommation de ces énergies représente 40% des émissions de gaz à effet de serre. 

Comment expliquer que ces entreprises continuent d’investir massivement dans le pétrole et le gaz ?

La guerre en Ukraine a fait exploser les prix du pétrole et du gaz, a rappelé Olivier Appert, conseiller énergie à l’Institut français des relations internationales (Ifri). « Dans le contexte actuel de crise russo-ukrainienne dans la mesure où la demande restait toujours significative, il a fallu trouver des alternatives. Ces alternatives sont venues du gaz naturel liquéfié (GNL) importé du Qatar ou – très majoritairement – des États-Unis », souligne-t-il, en référence aux investissements de groupes européens dans le gaz de schiste américain, très polluant. [L’Ifri compte parmi ses donateurs le groupe TotalEnergies, NDLR].

Hausse de la demande mondiale

Si les investissements dans de nouveaux projets de pétrole et de gaz continuent, c’est que la demande mondiale augmente, avancent les groupes pétroliers. Patrick Pouyanné, le patron de TotalEnergies a de nouveau utilisé cet argument lors de la rentrée du patronat français, la semaine dernière, face à Jean Jouzel, membre du groupe d’experts international sur le climat, le Giec. « Je respecte l’avis des scientifiques, a commencé par assurer Patrick Pouyanné. Le problème, c’est qu’il y a la vie réelle. Malheureusement pour Jean, la demande continue d’augmenter : 102 millions de barils par jour cette année, 100 l’an dernier. C’est massif […]. C’est une erreur de croire que l’on va régler le problème du changement climatique en affamant d’énergie nos concitoyens, d’un coup. »

Pour lui, si la production baisse, les prix exploseront et entraineront de graves crises sociales. Pour autant, dans la vie réelle aussi, les inondations, les sécheresses, ou encore les incendies, rendus plus fréquents et plus graves par le réchauffement de la planète, sont déjà une question de vie ou de mort pour des millions de personnes en Afrique, au Pakistan ou encore à Hawaï.

Rentabilité et effet boomerang

Les prix élevés du pétrole et du gaz – le baril a dépassé ce mardi la barre des 90 dollars, au plus haut depuis novembre 2022 – expliquent aussi que les groupes pétroliers et gaziers continuent d’investir autant dans les énergies fossiles. Cependant, selon Lucie Pinson de l’ONG Reclaim Finance, cette recherche de profits des groupes pétroliers et de leurs actionnaires n’est pas tenable. « C’est une stratégie extrêmement court-termiste de la part des acteurs financiers, qui ne prennent pas les mesures nécessaires pour pousser les entreprises du secteur énergétique à se transformer profondément. Or dans le contexte actuel de dérèglement climatique, cette stratégie génère des risques qui vont avoir un effet boomerang sur le secteur financier », assure-t-elle. Selon l’ONG, ces projets risquent d’être affectés eux-mêmes par les catastrophes climatiques. 

En 2022, deux fois plus d’argent a été investi dans les énergies fossiles que dans les énergies renouvelables. Or, d’après l’Agence internationale de l’énergie (AIE), pour limiter à +1,5°C le réchauffement de la planète, il faudrait investir neuf fois plus dans les énergies propres que dans le pétrole, le gaz et le charbon. 

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Cette entrée a été publiée le 7 septembre 2023 par dans écologie, BIODIVERSITE, CRISE ECOLOGIQUE, DEMOCRATIE, DROITS HUMAINS, ECOLOGIE.