Une conception de l’écologie, un rapport au monde
Il faut commencer par dire que nous ne voulons pas « sauver la planète ». car si nous nous exprimions ainsi, nous nous situerions en extériorité, comme des dieux surplombants qui auraient la liberté de détruire ou de sauver.
Pendant les incendies catastrophiques de l’été 2021, les photos de Thomas Pesquet montrant les panaches de fumées, l’astronaute qui regardait la terre depuis la navette spatiale, étaient plus populaires aux journaux télévisés que les reportages sur les habitants concernés ou sur les pompiers qui devaient travailler dans des combinaisons par 40° voire 50° de température. Ainsi va le regard contemporain : qu’il veuille sauver le monde ou qu’il soit en passe de le détruire, l’humain est toujours à l’extérieur.
Les parcs naturel soutenus par des organisations telles que WWF en Afrique sont parfois d’anciens territoires de chasse de l’époque des colonies. Leur conception en est une nature sans humains (image de paradis terrestre), et les habitants, s’il en reste, sont expulsés, au mieux employés comme guides pour touristes ou gardiens. Chez nous, nous avons les Cévennes c’est une belle région, riche de biodiversité : mais nous viendrait-il à l’idée d’en expulser les habitants pour préserver « la nature » ? L’écologie surplombante, c’est aussi inévitablement une écologie coloniale.
Il faudra nous faire à l’idée de l’anthropocène, cette nouvelle ère géologique dans laquelle les humains sont devenus une force géologique. Le terme n’est utilisé que dans un sens négatif, pour parler des destructions infligées par les humains. L’irruption de la puissance humaine dans l’histoire de la Terre est un fait, comme l’apparition de la photosynthèse il y a deux milliards d’années, l’apparition de la vie terrestre sortie de la mer, l’apparition des champignons mangeurs de bois qui ont mis fin à la fabrication de charbon par les arbres morts, l’apparition conjointe des plantes à fleurs et des insectes pollinisateurs.
C’est donc dans un monde transformé par nous mêmes que nous devrons vivre. Il n’est qu’à regarder la terre depuis un avion pour voir des champs, des voies de circulation, des villes, et des forêts carrées.
La protection de la nature façon « parcs naturels » c’est le maintien de la séparation entre la nature qu’on exploite et la nature qu’on protège. Et la séparation de nous mêmes en deux : celles qui produit et consomme (pour la nature qu’on exploite) et celle qui jouit du monde (pour la nature qu’on préserve). Non qu’il ne faille pas des parcs naturels, au stade de dégradation où nous en sommes c’est un moindre mal. Mais la séparation ne peut pas être un projet.
C’est la production et la consommation que nous devons interroger et que nous devons transformer pour que notre monde soit pérenne, habitable, riche. L’écologie n’est donc pas la protection de la nature mais elle est la transformation de nous-mêmes et de notre rapport au monde. Pour le dire en terme plus politiques : l’écologie c’est la transformation des rapports de production.
Production et reproduction
Le capitalisme est le premier système économique où l’acte primordial, celui qui lance le cycle de la vie économique et sociale, est « produire ». Ensuite,il faut vendre et là ça peut devenir difficile. Alors, tout un éventail de moyens sont déployés : publicité, crédits,mode, mimétisme, obsolescence programmée. Des appareils ont été conçus, à l’aide d’ingénieurs, à grand renfort d’études, pour cesser de fonctionner au bout d’un certain temps.
Un tel mode de production implique que ce qui n’est pas produit pour être vendu n’a pas de valeur. On nous explique à longueur de journaux et d’émissions de télé que l’enseignement, l’hôpital, la garde des enfants, etc. coûtent cher. On nous explique aussi que la production automobile doit augmenter, que la vente de 60 avions Rafale est une bonne nouvelle, qu’on ne peut pas arrêter les pesticides néonicotinoïdes sous peine de faire baisser la production de betteraves.
Produire, produire, produire.
Et comme, grâce au progrès technique, les prix baissent, il faut produire toujours davantage pour maintenir le chiffre d’affaire et les bénéfices. Il faut plus de matière qui coûte moins cher : creuser, creuser, toujours plus. On a des machines pour ça. Des machines qui coûtent moins cher, on peut les acheter plus grosses et plus puissantes. Ça tombe bien : le pétrole qui reste est à 3000 mètres sous la mer, les nouveaux minéraux sont sur les fonds marins.
Produire en détruisant la source de toute les vraies richesses les travailleurs et la nature.
Un aliment acheté au supermarché participe à l’économie, il crée du PIB. Un aliment qu’on cultive soi-même n’a pas de valeur économique. Un hôpital public est une charge dont il faut « réduire les coûts », mais la même activité en clinique privée est une aubaine pour les actionnaires.
J’ai trouvé une pub : « investir dans les EHPAD : rendement jusqu’à 7,98 % ». Quand on sait comment y sont traités les vieux on a la recette du rendement financier.
Tout est fait pour que l’activité humaine concernant la reproduction (soin aux personnes, éducation, santé) soit, ou bien dévalorisée, ou bien privatisée.
La reproduction, dans l’imaginaire comme dans les structures sociales, est dévolue aux femmes. Tâches ménagères, soins aux enfants, soins aux personnes dépendantes sont totalement invisibilisée et non reconnues. Quand ces activités sont effectuées professionnellement, ce sont majoritairement des métiers féminins sous payés : santé publique, enseignement primaire, garde d’enfants …
Le travail effectué directement pour la reproduction, biologique ou sociale, est principalement féminin et il est symboliquement associé au féminin (on dit infirmière, et il n’y a pas si longtemps, on disait « la maîtresse » des enfants).
L’homme gagne l’argent du ménage, la femme tient la maison. Ma mère n’a eu le droit de signer un chèque qu’en 1962, j’avais 10 ans.
La dévalorisation de l’activité de reproduction sociale, son assimilation à une charge pour la société, va de pair avec la dévalorisation des femmes dans le patriarcat. Pour que cesse cette aberration, « prendre soin est un coût et produire est la seule chose qui compte », pour que « prendre soin » passe en premier, que « la production » soit subordonnée à la reproduction il faudra en même temps subvertir les rapports de genre dans l’imaginaire, dans l’économie, dans les rapports personnels.
Prendre soin, faire passer la reproduction avant la production, c’est ce que traditionnellement le socialisme exprimait par « produire en fonction des besoins ». Malheureusement sans y inclure de manière explicite les rapports de genre
La reproduction ne concerne pas seulement la société humaine prise isolément : elle concerne la nature dans son ensemble avec nous dedans. Comme d’autres humains continueront à vivre après nous, de même l’environnement naturel devra se reproduire : les arbres, l’air, les insectes, les fleuves. Toutes nos interactions avec le monde naturel, devront se faire comme si c’était notre corps extérieur, un prolongement de nous-mêmes. Le seul rapport possible que nous puissions avoir avec le monde est celui de prendre soin. Aucune mesure monétaire de l’impact (les droits à polluer), des dégâts (la compensation en plantant des arbres), de l’emprise (champs sans vie+ parcs naturels) ne peut remplacer le prendre soin, de chaque lieu, de chaque être vivant, de chaque rivière.
Inverser l’ordre production et reproduction c’est altérer à la fois la symbolique du masculin et du féminin et la réalité des rapports matériels du patriarcat dans la vie : salaires, travail ménager, métiers genrés …
Écologie éco-féministe et Anti coloniale
René Descartes voulait que les hommes, grâce à la science et la technique combinées, deviennent « comme maîtres et possesseurs de la nature ». Francis Bacon assimilait la nature à une « femme publique » que les hommes doivent « mater, […] et enchaîner selon [leurs] désirs ». Le programme d’Isaac Newton était tout aussi prosaïque : « Il faut faire rendre gorge à la nature ». Ces pensées ne sont pas l’œuvre de quelques pervers marginaux, ce sont celles de philosophes majeurs du 17ème siècle, fondateurs de notre forme de rationalité et de la science moderne, elles sont la base idéologique de l’imaginaire capitaliste moderne, c’est à dire de la pensée qui a accompagné les plantations de cane à sucre aux Antilles, la traite négrière, la colonisation, l’extractivisme du pétrole du charbon, du gaz et des minerais, le commerce contemporain des droits à polluer.
Posséder, violer, tuer la nature (et les populations qui y vivent). Newton et les compagnies pétrolières : la théorie et la pratique.
L’esclavage et la colonisation accompagnent historiquement la monoculture et l’extractivisme. Aujourd’hui, les pays dépendants n’ont souvent comme seule production tolérée que des matières premières (extractivisme). Leur agriculture a été anéantie par le marché mondial, une industrialisation centrée sur leurs propres besoins, y est impossible.
Les rapports à la nature sont aussi, toujours, des rapports sociaux.. L’écologie ne peut être qu’anticoloniale.
Enfin, la distinction entre nature et culture est historiquement genrée : les hommes seraient du côté de la culture (la loi, l’art, la science) et les femmes du côté de la nature (reproduction biologique, prétendue influence des hormones, la beauté). Le féminin comme la nature ont été construits comme des catégories inférieures à l’authentique culture masculine. La nature comme les femmes ont en commun d’avoir été constituées comme des ressources de production dans le système productiviste.
Pour que notre monde ne soit plus celui des hommes mâles qui seraient les maîtres, les violeurs ou tueurs de la nature, c’est à dire tueurs et violeurs d’une partie de notre humanité, l’écologie doit donc être aussi anti-patriarcale, elle doit être un éco-féminisme. Et le féminisme ne trouvera son accomplissement que par la subversion des rapports de production, des rapports aux choses matérielle, à la fabrication, et donc à la nature (qui inclut aussi nos propres corps).
Notre misère ou notre puissance ?
Depuis la fameuse phrase de Rosa Luxemburg, « Socialisme ou barbarie », ils devenu presque banal d’opposer la nécessité de transformer la société à l’évitement de la catastrophe qui vient. Ma jeunesse militante a été confrontée au risque d’apocalypse nucléaire. Ernest Mandel, un économiste et militant communiste révolutionnaire, théoricien des crises du capitalisme, voyait dans les années 70 l’automation généralisée de la production comme le germe d’une nouvelle barbarie : une minorité de personnes productives vivraient à côté d’un monde misérable et désœuvré, d’où la nécessité du socialisme sous peine de sombrer dans un monde invivable ; Une militante féministe nord Américaine, Andrea Dworkin, écrivait qu’avec les nouvelles techniques de procréation assistée, la condition des femmes allait se dégrader pour les ramener à de simples supports de reproduction, des esclaves biologiques au service du patriarcat ; Dans son livre sur l’écologie « Écosocialisme, l’alternative radicale à la catastrophe écologique du capitalisme », Michel Lowy termine par une petite BD évoquant une grand-mère de la fin du XXIème siècle, accompagnée de sa petite fille, regardant la plaine inondée et le clocher de la cathédrale d’Amsterdam qui seul dépasse des flots.
Revenons sur cette image : En réalité, la catastrophe climatique qui se dessine pour la fin du siècle conduirait à une élévation du niveau de la mer pouvant aller jusqu’à 1 mètre, 7 à 8 mètres dans 3 ou 4 siècles. Un mètre, au temps de la grand-mère dont je viens de parler, ce sera très grave : les plaines côtières, qui sont des ressources agricoles essentielles dans le monde, deviendraient salées et donc incultivables, sans compter les inondations récurrentes ; de nombreux quartiers des principales villes du monde disparaîtraient. C’est presque inéluctable. Un mètre c’est une catastrophe, alors pourquoi 40 mètres ? A quoi bon exagérer le danger bien réel ? Et je ne parle même pas de théoriciens de l’effondrement qui annoncent la possible fin de l’humanité, voire même de la vie sur terre.
Ce besoin d’évoquer la catastrophe la plus gigantesque qu’on puisse imaginer pour convaincre d’agir ressemble un peu trop à l’annonce religieuse de l’apocalypse et de la rédemption. Ou alors c’est un aveu d’impuissance : ce qui nous ne pouvons pas obtenir par nos luttes, la catastrophe qui vient le provoquera mécaniquement, telle est la base du raisonnement des effondristes.
La menace répétée, depuis plus d’un siècle, des catastrophes inéluctables, de « la barbarie qui vient si nous ne renversons pas le capitalisme », c’est la posture presque immuable de tous les révolutionnaires. Il semble même parfois que la surenchère catastrophiste soit un gage de radicalité.
Je ne me lance pas ici dans une répétition de la fable antique (Ésope) de l’enfant qui crie « au loup » alors qu’il n’y a pas de loup ; un jour, voilà le loup et personne ne lui vient au secours malgré les cris et les appels. Non ce n’est de ce scénario dont je parle car les catastrophes sont chaque fois plausible, elles ne sont pas un mensonge d’enfant au sujet d’un loup imaginaire : elles sont inscrites dans le potentialités du présent. A part quelques exagérations dont je viens de parler, ce n’est pas des choses irréalistes qu’ont craint Rosa Luxemburg, Dworkin, le mouvement de la Paix, Mandel etc.
Mais, quelles qu’en furent les atrocités, les guerres du 20ème siècle n’ont pas été un désastre de la même ampleur que les conquêtes coloniales des siècles précédents : 95 % de la population d’Amérique du Nord avait été détruite, plus de 80 % de la population d’Amérique du Sud. En Nouvelle Calédonie, il ne restait plus que 2000 Kanaks vers 1900. Considérons aussi la traite des esclaves ou la construction du chemin de fer Congo-Océan où on dit qu’il y eut un mort par traverse. Les dégâts mondiaux du capitalisme naissant et colonial furent plus graves encore que la grande Peste qui au 14ème siècle détruisit un tiers de la population européenne.
Vous vous demandez où je veux en venir : je ne me lance pas dans une éloge du progrès ni des bienfaits de la démocratie moderne. L’époque moderne a généré un potentiel de destructions sans précédent. Mais elle a aussi connu, peut-être pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, une énorme potentiel de résistance. La première guerre mondiale a été stoppée par des révolutions sur les deux front, La révolution Russe et la révolution en Allemagne (en 1917, des insurrections ouvrières dans les grandes villes allemandes). La 2ème guerre a vu la montée en puissance de guerres de partisans sur tout le continent et la peur de la révolution, par la bourgeoisie et par Staline. (on y a gagné lé sécu, il fallait bien lâcher quelque chose pour enlever les fusils de 350 000 partisans en France …). La décolonisation a (partiellement) gagné, L’apartheid a été vaincu, les luttes des femmes ont été de victoire en victoire depuis 50 ans.
Le capitalisme que nous connaissons aurait pu être autre : la guerre de sécession aurait pu être gagnée par les esclavagistes du Sud, l’apartheid Sud Africain aurait pu devenir un modèle mondial, les camps de concentration Nazis un mode d’exploitation de la main d’œuvre.
Or nous travaillons deux fois moins qu’il y a cent ans, nous vivons 2 fois plus longtemps en moyenne et nous avons le chauffage dans nos appartements. L’élévation du niveau de vie et de l’espérance de vie concerne le monde entier (sauf les zones de guerre). Personne ne nous a fait ce cadeau, ni la bourgeoisie, ni « le progrès » dont les forces destructives ne sont plus à démontrer.
Décolonisation, progrès de la libération des femmes, santé et protection sociale, …. C’est faux de dire que la misère et l’exploitation vont en augmentant.
C’est nous, le peuple, les travailleurs, qui l’avons gagné. Certes, nous n’avons pas fait la révolution mais nous avons façonné le monde. C’est toujours à recommencer : les périls de la guerre, de bombe atomique, de la régression des acquis féministes, l’exclusion d’une partie de travailleurs, et maintenant le péril climatique, sont toujours là. Et rien ne garantit que nous gagnerons les prochains combats, ni même que nous pourrons seulement limiter les dégâts.
Mais pour lutter, plutôt que d’invoquer nos misères, exprimons plutôt notre puissance. Plusieurs fois nous (ou nos ancêtres) avons gagné des choses fondamentales. Mettons nous en position de offensive plutôt que de nous situer systématiquement sur le terrain qu’a choisi l’ennemi en répondant seulement aux attaques (contre les libertés, contre la protection sociale, contre le droit à l’avortement). Sur la question sociale, la théorie militaire de la défensive et de l’offensive n’est peut-être pas opérante. Ce n’est pas parce que nous nous sentons faibles que nous devons rester sur la défensive : ou alors nous nous affaiblirons encore davantage.
De là découle l’idée que pour mener la lutte, pour construire un mouvement durable et cohérent, nous devrons exprimer la volonté d’un autre monde dont il s’agira de définir les contours. Et ensemble, de le vouloir.
Forces de l’Histoire versus volonté politique.
Dans l’imaginaire révolutionnaire, la crise va provoquer des luttes, les luttes vont mettre le capitalisme en crise. Ainsi surviendra la révolution qui, confrontée aux nouveaux problèmes mettra en place les nouvelles formes politiques et économiques, le socialisme. Penser comment sera le socialisme, lui donner un contenu, apparaît soit impossible, soit non souhaitable. « Le communisme n’est pas un état auquel on devrait se conformer, il est le mouvement des travailleurs pour leur émancipation » disait Marx.
L’idée que je veux développer ici est à contre courant de cela, que je critique comme une mécanique de l’histoire, un côté presque inéluctable d’un mouvement dont il suffirait d’enclencher les bons engrenages, le mouvement de l’Histoire. Ce avec quoi je suis aujourd’hui en rupture, c’est l’anticapitalisme, comme état préalable du mouvement avant de passer à autre chose. Je développe ici l’idée que le socialisme et la révolution doivent être pensés dès maintenant, les cibles des luttes doivent autant que possible être en conformité avec le but ; les moyens doivent être en relation avec une stratégie révolutionnaire.
Décroissance de la production matérielle, réduction du temps de travail, extension de la gratuité, contrôle de la production par les travailleurs et les citoyens et en préalable, re-localisation des activités productives ….
Et voici donc des pistes pour les luttes :
Les transports gratuits
C’est un combat nécessaire d’un point de vue social (les déplacements représentent un coût élevé pour les faibles revenus) et écologique (régression de la voiture). Par l’extension de la gratuité que cela signifie, on montre un exemple de ce que serait un société où le rôle de l’argent diminue. La gratuité existe pour une part importante de la vie : santé, école … Les trottoirs sur lesquels on marche sans payer n’ont pas été tracés par les sangliers.
S’organiser et se battre pour la gratuité des transports, c’est non seulement une réponse à des problèmes actuels, c’est aussi une identité militante pour qui veux exprimer le combat pour une société où ce n’est pas l’argent qui structure la vie. C’est mettre en perspective une société sans argent, un service public démocratique et gratuit.
Sur la manière de se battre : nous n’adressons pas une requête à des représentants, ni à des candidats. C’est la raison pour laquelle les manifestations de rue ou les pétitions ne seront pas la première forme de lutte. Il s’agit de rendre inopérants les systèmes de paiement et de contrôle du paiement. Si un jour on avance sur ce sujet, j’ai quelques propositions qui pourraient fonctionner sans risques excessifs et dont pourraient s’emparer un grand nombre de gens. Nous obtiendrons les transports gratuits si nous les rendons nous-mêmes gratuits. Une fois rendu impossible le paiement et le contrôle, les politiques n’auront plus qu’à légiférer pour entériner la situation. Ce ne sont pas nos interlocuteurs.
La question des transports gratuits est mûre : des grandes villes commencent à le mettre en place, le débat public est lancé. Il faut lui donner une impulsion en l’inscrivant non pas dans un agenda électoral mais dans des luttes réelles.
Le transports gratuits, on le prend !
Décroissance et réduction du temps de travail
Toutes les innovations technologiques ont conduit jusqu’à ce jour soit à augmenter la production, soit se débarrasser des travailleurs dits « excédentaires ». Très peu et à la marge à améliorer les conditions de travail.
Or produire plus pour compenser la baisse des prix et maintenir le chiffre d’affaire, c’est le fondement de la destruction des ressources, de l’extractivisme, de la pollution, du réchauffement climatique. C’est la base du capitalisme qui ne peut pas exister sans croissance.
Proposition : Le vendredi on travaille pas. Le mouvement pour le climat a lancé l’idée des grèves du vendredi. Les Gilets Jaunes on montré la possibilité de blocages. Les manifestations de ces dernières années ont exprimé une certaine radicalité : NDDL, Bure, manifestations de rue avec les « cortèges de tête ». Si nous sommes capables d’être 5000 ou 10000 dans des manifs, pourquoi pas pour bloquer des lieux de travail « Le vendredi on travaille pas ».
La réduction du temps de travail ne doit pas s’exprimer à la manière Laroutouroux, ou comme certaines entreprises qui ont adopté la semaine de 4 jours « parce que le productivité est améliorée ». Le but est de soulager le travail,de travailler tous, toutes et moins. Et au final, de faire baisser la production.
Pour que le temps libéré ne soit pas un espace comblé par de nouveaux emplois ou des heures supplémentaires, il faut s’attaquer aux inégalités : 300 € d’augmentation de tous les salaires et pensions. En même temps, suppression du plafond de la sécurité sociale : au-delà de ce seuil, aujourd’hui il n’y a pas de cotisation à l’assurance maladie (8,5%). Donc pas de proportionnalité (c’est pourtant le principe de l’impôt sur le revenu). Malgré les 300€,au delà d’un certain seuil, les salaires baisseraient.
Enfin, la réduction massive du temps de travail sera un point d’appui (nécessaire mais pas suffisant) pour l’égalité hommes femmes : temps partiels dévolus aux femmes, travail ménager inégalitaire, pression sur les couples en fonction de l’évolution de carrière du mieux placé. Ramener le temps de travail au niveau du temps partiel, c’est une bonne manière de supprimer le temps partiel. Il faudrait donc aller au-delà de la semaine de 4 jours, et ce ne serait pas difficile en supprimant la pub, le gaspillage, le contrôle obsessionnel des gens dans et hors des entreprises, l’industrie d’armement …
Tiens un truc simple : la sécu gère les remboursements, chaque acte, chaque médicament. Ils sont traités une deuxième fois par les assurances complémentaires. La santé totalement gratuite supprime tout ça , et par conséquent les complémentaire. Que de travail gagné ! Plus que 3 jours de travail pour les travailleurs de la sécu, renforcés par les travailleurs des complémentaires. Et un travail utile de prévention et d’accompagnement.
Des revendication faciles à expliquer et qui changeraient la vie.
Le vendredi on travaille pas !
Alimentation relocalisée et gratuite .
Chaque jour, des centaines de camions de légumes et de fruits en provenance du Sud de l’Espagne sillonnent l’Europe. Nous connaissons les conditions de travail déplorables et les dégâts écologiques de la mer de plastique en Andalousie, sans parler de la mauvaise qualité de ces produits. Pendant ce temps les maraîchers des périphérie urbaines ou les producteurs de fruits de la vallée du Rhône font faillite ou cessent leur activité.
La libre circulation des marchandises,principe devenu parait-il intangible, provoque des dégâts sociaux et écologiques immenses. Un mouvement écologiste révolutionnaire et puissant, devra arrêter cette circulation de camions, les bloquer, perturber les marchés de gros.
La bonne cible et les bons moyens : c’est ce qu’il faut pour entraîner un soutien massif et des forces militantes grandissantes. Sur la cible et les moyens, nous n’avons pas à innover : les protestations paysannes nous ont habitués à de telles actions. Mais sans efficacité car elles se situent sur le terrain de la concurrence, des prix, s’adressent aux élus, s’inscrivent dans la PAC, sans projet alternatif et même bien souvent réactionnaires avec la FNSEA.
Notre projet serait la défense d’une agriculture de proximité, de qualité, et en lien direct avec les consommateurs. Des militants ont travaillé sur l’idée de sécurité sociale alimentaire. Dans l’immédiat, nous pourrions défendre l’idée d’une attribution gratuite d’aliments produits localement et dans de bonnes condition. Les paysans seraient payés directement par un organisme qui allouerait ensuite les produits via les circuits de distribution existants ou de nouveaux circuits.
De telles idées avaient été suggérées, sans que personne n’y donne suite évidemment, par certains élus écolos et même par Macron, pour distribuer gratuitement des paniers alimentaires aux familles qui étaient le plus dans le besoin pendant le confinement. Ce serait bien plus prometteur que le système actuel de distribution des surplus ou des « presque périmés » par les Restau du Cœur ou le Secours Populaire.
Stop aux camions de tomates !
Conclusion
Comme vous pouvez le constater, ces propositions de lutte sont ancrées dans des problématiques largement discutées et des méthodes d’action déjà expérimentées. Le nouveau est que nous demandons pas à des représentants de nous les accorder, nous cherchons à créer une situation de fait. Nous ne sommes pas seulement préoccupés par la « satisfaction des besoins » ou la résolution de problèmes actuels : nous traçons en pointillé les perspectives d’une nouvelle société.
C’est cette articulation entre les problèmes actuels (indissociablement sociaux et écologiques) , la manière de lutter (nous ne demandons pas aux élus, nous ne faisons pas une mise en scène médiatique), et le projet de société (régression de l’argent, services publics démocratiques, gratuité) qui constituerait l’armature politique d’une ECOLOGIE RÉVOLUTIONNAIRE.
Encadré :
Luttes de masse et luttes radicales
Contre la « non violence stratégique
Contre la stratégie radicale minoritaire qui se substitue
Pour une articulation entre un mouvement de masse légal et public et des actions radicales, parfois hors de la légalité.
Exemple de la lutte pour les droits civiques aux USA : Malcom X versus Luther King. L’un ne va pas sans l’autre. C’est parce que le gouvernement US avait peur de la radicalisation qu’il a accepté de négocier avec le mouvement légal des droits civiques. Le fait que le mouvement des droits civiques était le seul interlocuteur du gouvernement US n’invalide pas l’action des Black Panthers.
Les deux leaders s’étaient progressivement rapprochés. Ils ont été tous deux assassinés.
On peut considérer que cette articulation est un modèle universel.
Donc : ni action minoritaire type Action Directe ou « la propagande par l’exemple » des anarchistes du début du 20ème siècle, ni pacifisme stratégique. Construire les deux mouvements simultanément, même si ça ne va pas sans conflits potentiels