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Le patron de la SNCF limogé, l’étatisme néolibéral de Macron confirmé !

Par Romaric Godin et Martine Orange

Prévu après les Jeux olympiques, le départ annoncé du président de la SNCF, Jean-Pierre Farandou, coupable d’avoir passé un accord contournant la réforme des retraites, est le symptôme d’une politique néolibérale qui utilise à plein la violence étatique.

La décision gouvernementale de remercier le président de la SNCF, Jean-Pierre Farandou, après les Jeux olympiques jette une lumière crue sur la réalité de l’État en France sous Emmanuel Macron. Car ce ne sont ni les prix excessifs des billets de train, ni les retards continuels, ni l’état du réseau qui ont conduit l’exécutif à prendre cette décision, mais l’accord sur les retraites conclu avec les syndicats.

Cet accord permet de « contourner » l’impopulaire et inutile réforme des retraites imposée au pays au printemps 2023. La direction de la SNCF, qui doit lutter contre la perte d’attractivité de ses métiers, avait pris acte du caractère nocif de cette mesure pour ses effectifs et était parvenue à un accord sur ce point avec les organisations syndicales.

Seulement voilà, le gouvernement n’a pas supporté ce désaveu implicite. Comme il en a désormais l’habitude, il a utilisé la polémique déclenchée par une extrême droite visant tout ce qui ressemble à une entreprise publique pour régler ses comptes.

Cette anecdote permet de mettre en avant un des traits caractéristiques de l’État sous l’impulsion d’Emmanuel Macron : son action ne vise pas à assurer un équilibre entre le capital et le travail, pas davantage à défendre les intérêts de la population, mais bien plutôt à soutenir une politique gouvernementale profondément antisociale. En quelque sorte, l’État néolibéral français est le principal acteur de la destruction de l’État social.

C’est un des traits du néolibéralisme dont le chef de l’État n’a jamais abandonné la doctrine : placer l’État au service de l’accumulation du capital. Mais avec Emmanuel Macron, il semble que l’on ait affaire à une version extrémiste, dans laquelle l’État poursuit une idéologie antisociale de façon aveugle.

La destruction de l’État social par l’étatisation

Cette évolution est d’ailleurs cohérente avec deux autres : la dérive sécuritaire et autoritaire du gouvernement et l’augmentation massive des dépenses liées au capital au détriment du social. Pour sauvegarder sa politique contre-redistributive, l’État néolibéral d’Emmanuel Macron veut imposer à toutes et tous et dans tous les contextes sa politique de destruction massive des droits des travailleurs et des travailleuses. Pour cela, il est prêt à utiliser la violence d’État et à brutaliser celles et ceux qui entravent sa fuite en avant.

Derrière un discours autour du « retour de l’État », se trouve une intensification de la guerre sociale menée sans relâche par l’exécutif depuis 2017. Il est donc essentiel de ne pas se laisser tromper par des actions d’étatisation de l’économie qui ne sont en rien comparables avec des nationalisations, ces dernières visant en théorie à gérer des activités dans l’intérêt commun, ou avec une socialisation qui permet de donner aux citoyens un contrôle sur l’économie.

Ici, l’étatisation est une politique brutale de mise au pas de la société. Dans le domaine des assurances sociales, cette politique passe par le remplacement des cotisations sociales, un instrument de socialisation, par l’impôt, qui permet à l’État de prendre le contrôle et de mener sa politique. Cette tendance avait déjà commencé avant l’arrivée d’Emmanuel Macron au pouvoir, mais elle a été fortement aggravée depuis 2017.

En 2018, sous prétexte d’ « améliorer le pouvoir d’achat », les cotisations salariales chômage et santé ont ainsi été supprimées. La conséquence logique de cette décision est que le paritarisme, qui prévoyait des décisions communes entre patronat et salariat, n’est plus que de façade.

Puisque l’État paie la part des salariés et une grande partie de la part patronale, compte tenu des immenses réductions de cotisations qu’il consent, il devient absolument logique qu’il décide. Certes, on maintient, pour la forme, les discussions paritaires, mais, dans les faits, c’est le gouvernement qui prépare et impose les réformes. Les trois dernières réformes de l’assurance-chômage sont venues le prouver et, en début d’année, le premier ministre, Gabriel Attal, a annoncé, à la télévision, un nouveau tour de vis contre les chômeurs et chômeuses au mépris de tout paritarisme.

La nationalisation des assurances sociales permet de mener une politique active de destruction de l’État social de l’intérieur, en faisant pression sur les salaires. C’était aussi la fonction de la réforme des retraites, imposée sans souci de concertation et avec la plus grande brutalité.

Discipliner la société

Étatisation et brutalisation de la société vont donc de pair. Un autre exemple permettra de s’en convaincre, la « taxe lapin » annoncée par le premier ministre pour sanctionner celles et ceux qui ne se rendent pas à des rendez-vous médicaux. Avec cette décision, les médecins, en théorie inscrits dans le cadre de l’assurance-maladie, deviennent les agents de la volonté de l’État néolibéral de discipliner le peuple.

Le discours permanent du chef de gouvernement sur le « retour de l’autorité » prend alors tout son sens. Devant l’affaiblissement de la croissance et de la productivité, le capital a un impérieux besoin de discipline, qu’il impose par la violence étatique à travers des dizaines de mesures répressives. La décision d’imposer des heures travaillées aux titulaires du revenu de solidarité active (RSA) entre parfaitement dans ce schéma.

C’est dans ce même cadre que doit être comprise la réforme de l’audiovisuel public. La suppression de la redevance télévisuelle relève d’un expédient connu, trop connu des méthodes néolibérales : affamer la bête pour lui faire perdre toute vitalité. Soumises désormais au bon vouloir de Bercy, les chaînes et les radios publiques enchaînent plan d’économie sur plan d’économie, s’appauvrissant de plus en plus.

Au nom de la bonne gestion, dont ce gouvernement ne cesse de se targuer et dont on constate les résultats depuis sept ans, il a désormais le projet de recréer l’ORTF, afin de reprendre le contrôle des esprits et de détruire un service public supplémentaire, seul patrimoine de ceux qui n’en ont pas.

La fausse nationalisation d’EDF

Le processus d’étatisation peut ainsi déjouer l’opposition entre nationalisations et privatisations. La reprise de contrôle de la totalité du capital d’EDF en juillet 2023 s’inscrit dans ce même schéma : il ne s’agit pas d’une nationalisation pour redonner vie et dynamisme à un grand service public de l’électricité, mais d’une étatisation afin de contraindre l’entreprise publique à entrer dans les vues et les plans décidés jusque dans les moindres détails à l’Élysée, et de mettre cet outil industriel hors norme au service du capital.

Dans cette opération, le pouvoir n’en a pas été à un paradoxe près. Lui, le chantre du marché, en a profité pour éliminer les actionnaires privés, qui détenaient 17 % de l’entreprise publique, jugés trop gênants parce qu’ils demandaient des comptes à l’exécutif sur les décisions qu’il avait imposées – du chantier de Hinkley Point, ordonné par Emmanuel Macron, alors ministre des finances, au bouclier tarifaire porté en grande partie par EDF pour le plus grand profit de ses concurrents – et que l’entreprise a payées au prix fort, par un endettement stratosphérique.

Ayant désormais les mains libres, le pouvoir peut poursuivre son œuvre : mettre EDF au service des intérêts privés, en laissant tous les risques à l’État. Ayant recours à un micro-management des plus précis, la mise au pas a commencé avec une réorganisation interne de toute la production nucléaire, pour laquelle une partie de l’entreprise publique – ingénieurs, techniciens, bureau d’études – n’est plus considérée que comme un prestataire de service, travaillant pour un donneur d’ordre. Pour l’instant, on parle d’EDF. Mais rien n’empêche de passer à des donneurs d’ordre privés : le PDG de TotalEnergies a déjà déclaré qu’il était vivement intéressé par l’idée de construire des centrales nucléaires en France.

Quant au service public, au transfert des gains de production à l’ensemble de la nation, le pouvoir s’active à l’éradiquer, au nom du marché européen de l’électricité. Le prix de l’électricité est déjà supérieur de 45 % aux coûts de production. Et il est appelé à augmenter encore. Il n’y a donc pas de contradiction entre un exécutif privatisant la Française des jeux et celui prenant le contrôle d’EDF.

Le limogeage brutal de Jean-Pierre Farandou vient illustrer un phénomène plus profond du macronisme : son étatisme néolibéral, c’est-à-dire sa volonté d’utiliser la violence de l’État au service d’une politique de répression sociale.

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Cette entrée a été publiée le 16 Mai 2024 par dans anticapitalisme.