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La CGT appelle à la grève le 12 décembre, face à une vague de plans sociaux !

La deuxième organisation syndicale estime que « près de 250 plans de licenciements [sont] en préparation, concernant entre 170 000 et 200 000 emplois ».

Des pompiers manifestent avec des drapeaux de la CGT, à Paris, le 16 mai 2024.
Des pompiers manifestent avec des drapeaux de la CGT, à Paris, le 16 mai 2024. DIMITAR DILKOFF / AFP

La secrétaire générale de la Confédération générale du travail (CGT), Sophie Binet, a appelé, mercredi 27 novembre, « les salariés à se mettre en grève et occuper leurs usines pour empêcher les licenciements », ainsi qu’à une journée de mobilisations devant usines et préfectures le 12 décembre.

La CGT appelle également « les salariés à l’action pour défendre l’emploi et l’industrie », a-t-elle poursuivi, estimant que « près de 250 plans de licenciements en préparation, concernant entre 170 000 et 200 000 emplois » sont en cours. Michelin, ArcelorMittal, Auchan, MA France… Les plans sociaux se multiplient depuis plusieurs semaines en France, touchant l’ensemble des régions. Le Conseil national des administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires chiffrait à quelque 150 000 le nombre d’emplois menacés en octobre.

Une mobilisation « ouverte » aux autres syndicats

« Il y a un discours extrêmement fataliste qui est entretenu », a jugé Mme Binet, mais « la mobilisation des salariés change toujours la donne, il n’y a jamais rien d’inéluctable en matière d’emploi ». « Il n’y a rien de pire que le chômage », a-t-elle insisté.

Le 12 décembre, la deuxième organisation syndicale nationale − derrière la CFDT − appelle ainsi les salariés « à se mobiliser dans l’unité pour défendre leurs emplois et l’industrie ».

Interrogée sur la position de l’intersyndicale sur la journée du 12 décembre et la volonté des autres organisations syndicales de rejoindre cette mobilisation, Sophie Binet a précisé que cette journée était « ouverte à toutes et tous ». « J’espère qu’elle va s’élargir », a-t-elle dit. « Aujourd’hui, les mobilisations sont unitaires dans les entreprises qui s’organisent contre les suppressions d’emplois et à chaque fois il y a une intersyndicale soudée » sur les sites concernés, a-t-elle assuré.

AFP

La France menacée par une vague de plans sociaux : construction, commerce, automobile…

Le Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires dénombrait, en octobre, 52 214 procédures collectives ouvertes d’entreprises en difficulté depuis le début de l’année, en nette accélération depuis 2023.

Lors d’une assemblée générale des salariés de l’usine Michelin, à Cholet (Maine-et-Loire), le 5 novembre 2024.
Lors d’une assemblée générale des salariés de l’usine Michelin, à Cholet (Maine-et-Loire), le 5 novembre 2024. JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP

Annoncés début novembre, les plans sociaux d’Auchan (2 500 emplois) et de Michelin (1 250 emplois) ouvrent-ils une saison en enfer sur le front social ? Me Philippe Druon, associé chez Hogan Lovells, spécialiste des procédures collectives et des restructurations, admet avoir une vision « peu réjouissante » de l’avenir : « Nous sommes face à une crise profonde, structurelle, des modes de vie, de consommation, du travail. A cela s’ajoutent des mutations comme celle vers la voiture électrique. Cela touche presque tous les secteurs : la distribution, l’automobile, la construction, l’immobilier, la tech… »

Dans les cabinets tels que le sien, les dossiers d’entreprises en difficulté arrivent d’autant plus nombreux que les prêts garantis par l’Etat accordés pendant la pandémie de Covid-19 doivent désormais être remboursés, sur fond d’instabilité politique et sociale. Et ce n’est pas fini : « Si Trump applique son programme, on va déguster… », ajoute Me Druon dans un soupir.

Le secteur de l’automobile est emblématique. Concentré de mutations structurelles et de fragilités plus conjoncturelles, il est frappé à la fois par la baisse des ventes de voitures particulières, toujours 15 % en dessous de leur niveau d’avant-Covid-19, la transformation technologique avec le passage à l’électrique et des prix de l’énergie plus élevés que ceux payés par les concurrents chinois.

Les constructeurs automobiles sous pression

Ajoutez à cela le durcissement de la réglementation européenne sur les émissions de CO2 en 2025, qui met les constructeurs sous pression et, souvent, un prêt garanti par l’Etat, obtenu pendant la pandémie, qu’il faut rembourser.

A l’arrivée, une cohorte d’entreprises se retrouve en grande difficulté. L’annonce de la fermeture de deux usines Michelin, à Vannes et à Cholet (Maine-et-Loire), avec plus de 1 250 emplois, mardi 5 novembre, montre que la situation n’épargne pas les groupes les plus solides et mondialisés. Valeo avait auparavant annoncé chercher des repreneurs pour trois de ses sites en France, avec 1 120 emplois à la clé. L’équipementier Forvia, autre géant français, a annoncé 10 000 suppressions de postes en Europe dans les cinq ans qui viennent.

Les petits équipementiers sont au cœur de la tourmente : dans les Ardennes, Walor, qui fabrique notamment des bielles pour poids lourds – avec 245 emplois sur deux sites – est en redressement judiciaire. Dans la Loire, Anderton Castings, qui usine des pièces en aluminium avec 53 salariés, vient d’être mis en liquidation judiciaire. Le groupe belge Dumarey aurait pu déposer une offre de reprise. Mais il est lui-même en difficulté. Il supprime 248 emplois à Strasbourg dans sa filiale Powerglide (ex-Punch) qui produit des boîtes de vitesses pour l’équipementier allemand ZF, lequel a mis fin à son contrat

La liquidation judiciaire a aussi été prononcée en mai pour MA France, sous-traitant de Stellantis, qui employait 280 personnes à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) et plus d’une centaine d’intérimaires. En juin, c’était Impériales Wheels, à Diors (Indre), le dernier fabricant français de jantes en aluminium, 176 salariés. La litanie n’est pas finie…

« Les effectifs de la filière automobile étaient de 200 000 en 2018 et sont tombés à 176 000 en 2023, avant même cette dernière vague d’annonces », récapitule Alexia Visca, responsable du secteur automobile chez Secafi, société du groupe Alpha, spécialisée dans le conseil aux comités sociaux et économiques.

Président de la Fédération des industries des équipements pour véhicules, Jean-Louis Pech, lui-même à la tête d’Actia, une société spécialisée dans l’électronique qui s’est diversifiée dans l’aéronautique, s’inquiète d’un autre phénomène : « Beaucoup d’entreprises réduisent leurs effectifs sans publicité, en ne renouvelant pas les contrats, en laissant partir les gens sans les remplacer, pour ne pas avoir à annoncer un plan qui précipiterait les difficultés. »

« Beaucoup de défaillances en même temps »

A ces plans sociaux s’ajoutent les défaillances. Après une pause de trois ans, marquée par un fort recul des faillites, les administrateurs et mandataires judiciaires regroupés au sein du Conseil national des administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires (CNAJMJ)ont vu leur activité repartir de plus belle. En octobre, la profession dénombrait 52 214 procédures collectives ouvertes depuis le début de l’année, en nette accélération depuis 2023 : les secteurs de la construction et du commerce sont les plus touchés. Un plan social à bas bruit : au total, 150 000 emplois sont menacés, essentiellement dans des petites structures. « 94 % des entreprises concernées par une procédure collective emploient moins de dix salariés », précise le CNAJMJ.

« Que des entreprises disparaissent, c’est habituel, rappelle Denis Ferrand, directeur général de l’institut d’études économiques Rexecode. Le problème, c’est qu’il y en ait beaucoup en même temps. L’important est aussi la capacité du tissu économique à recréer de l’emploi, et c’est là qu’il faut faire preuve de prudence. »

Car cette capacité semble s’éroder au fil des mois. Selon les chiffres publiés jeudi 7 novembre par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), plus de 53 000 emplois ont été détruits au cours des deux derniers trimestres, alors que l’économie en créait encore en début d’année. « L’emploi privé a atteint son pic au premier trimestre et, depuis, le marché du travail est un peu à l’arrêt », résume Yves Jauneau, responsable de la division synthèse et conjoncture du marché du travail.

Avec des secteurs plus mal en point que d’autres : la construction, sinistrée par la hausse des coûts et les taux d’intérêt, a vu ses effectifs reculer de 2 % sur un an. Quant à la reprise observée dans l’industrie depuis la pandémie de Covid-19, elle s’essouffle : la hausse des effectifs n’y était plus que de 0,6 % au troisième trimestre.

Contre-feu ou pas aux annonces de plans sociaux du début de semaine, le ministère de l’économie a présenté, le 7 novembre, les résultats de son « baromètre de la réindustrialisation » mis en place par la direction générale des entreprises en début d’année. Il atteste de ce coup de frein : le solde entre les créations et les fermetures d’usine reste positif pour le premier semestre, avec 36 ouvertures nettes. Mais ce chiffre est de très loin inférieur à ceux de 2022 et de 2023, qui étaient de 176 et 189 usines respectivement. « La tendance est au ralentissement par rapport aux années précédentes », reconnaît-on à Bercy.

Des coûts de production en hausse

Parmi les secteurs les plus touchés par des fermetures figurent les transports et l’automobile (dix-huit fermetures d’usine contre onze créations depuis le début de l’année), la plasturgie (cinq fermetures pour deux ouvertures) et l’industrie du papier (deux fermetures pour une seule création d’usine). Ces secteurs sont particulièrement exposés à la concurrence internationale, notamment asiatique, et à la hausse des coûts de l’énergie. A l’inverse, les industries « vertes » (éolien, batteries électriques, solaire…) et les biens de consommation sont plutôt dans une dynamique favorable.

« En trois ans, les prix de production ont augmenté en moyenne de 5 % en Chine, contre 25 % en Europe, si on tient compte de la très forte dépréciation du yen, décrypte M. Ferrand. En somme, nous avons un secteur industriel pris en étau entre la Chine pour les prix, et les Etats-Unis pour l’investissement. »

Nombre d’entreprises, dont la situation commençait à se fragiliser du fait du ralentissement de l’activité, risquent de ne pas résister à cette double pression. Souvent présentée comme une bouffée d’oxygène pour l’économie, la baisse des taux d’intérêt ne pourra pas tout, compte tenu de la nature des difficultés : elle n’aidera pas les distributeurs comme Auchan, par exemple, à contrer la déferlante des plateformes d’e-commerce chinoises, ni le secteur de l’immobilier à négocier la transition vers des bureaux moins grands mais plus centraux ou mieux adaptés au télétravail. En 2025, le chômage devrait repartir à la hausse. Fin 2025, il atteindrait 8 % de la population active, contre 7,3 % à la mi-2024, selon les prévisions de l’Observatoire français des conjonctures économiques.

Béatrice Madeline, Bastien Bonnefous et Sophie Fay

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Cette entrée a été publiée le 27 novembre 2024 par dans ANTISOCIAL, CGT, EMPLOI, LUTTES SOCIALES.