Face à la venue annoncée de collectifs d’extrême droite ou soutien d’Israël, les collectifs du 8 mars s’étaient organisés pour faire de cette journée de lutte pour les droits des femmes un moment de lutte antifasciste.

Les féministes ont retardé le départ de leur manif et occupé longtemps la Place de la République pour empêcher des collectifs d’extrême droite ou soutien d’Israël de rejoindre leur cortège.
© Pauline Migevant
Il fait grand soleil en ce début d’après-midi du 8 mars. Place de la République, l’effervescence est classique avant que la manifestation ne commence. Une fanfare s’entraîne. Les Rosies sont déjà debout sur leurs chars. Des cortèges distribuent des pancartes. Au milieu des milliers de personnes rassemblées pour la journée internationale de lutte pour les droits des femmes, des personnes grimpent sur la statue de la république histoire de la revêtir d’un gilet violet : « Patriarcat / écocide / féminicide. »
8 mars on arrête tout. Surtout les fascistes et les sionistes.Appel en amont de la manifestation
Mais dans ce rassemblement annuel, les pancartes appelant à lutter contre le fascisme sont plus nombreuses que les années précédentes. La lutte contre l’extrême droite est le mot d’ordre de la manifestation, alors que la dissolution de l’Assemblée en juin dernier a laissé entrevoir la possibilité de l’arrivée au pouvoir du fascisme. Mais l’enjeu est aussi d’empêcher certains collectifs d’intégrer les cortèges de la manifestation. Sous des couvertures de survie transformées en drapeaux, certains manifestants inverti.es, collectif LGBT marxiste, portent une pancarte « Pas de manif pour les fachos, pas de fachos dans nos manifs ». « Antifascistes tant qu’il le faudra », affirme leur banderole.
Au recto des pancartes d’Urgence Palestine, un appel à la libération de prisonnières palestiniennes. Sur l’autre face, un slogan : « 8 mars on arrête tout. Surtout les fascistes et les sionistes. » C’était l’intitulé d’un texte écrit par les militantes de Samidoun et Urgence Palestine, signé par de nombreux collectifs et diffusé sur les réseaux sociaux en amont de la manifestation. Il s’indignait du fait que le 23 novembre dernier, lors de la marche Nous Toutes, aient défilé « le cortège sioniste de Nous vivrons et le cortège fasciste de Némésis », pendant plus de 4 heures. « On a pu penser que ces fascistes n’étaient qu’une cinquantaine à défiler et que leur manifestation semblait moins importante que la bonne tenue de la mobilisation. En réalité, ce renoncement dit beaucoup de notre faillite face à la montée des idées racistes et fascistes qui gagnent en légitimité lorsqu’elles défilent sans encombre avec nous. »
On voit que d’années en années, Némésis prend de la confiance. (…) Si on les laisse faire, l’année prochaine il se passe quoi ?Lisa
Pour Sofia, militante d’Urgence Palestine, le but de ce texte était « d’affirmer que la présence de ces groupes racistes et suprémacistes dans les manifestations féministes n’était plus ni une surprise ni un piège. Il fallait réfléchir à une réponse massive afin de pouvoir faire en sorte que des milliers de personnes disent à ces collectifs racistes et à ces collectifs qui soutiennent un État génocidaire qu’on est pour l’émancipation de tous les corps et de tous les peuples ».
De ce constat commun aux différents groupes présents à la marche est né une stratégie : « Pour nous, la seule réponse possible si elles arrivent, c’est que les cortèges s’arrêtent et que tout le monde chante des slogans antifascistes et antisionistes jusqu’à ce qu’elles partent. »
Lisa, militante à « Féministes révolutionnaires » abonde : « On voit que d’années en années, Némésis prend de la confiance. Avant elles faisaient des happenings de quelques minutes avant de se faire virer, elles étaient 15. Aujourd’hui, elles annoncent qu’elles vont avoir des cortèges au sein de la manifestation, pour représenter une partie de la population et non être des perturbatrices marginales. Si on les laisse faire, l’année prochaine il se passe quoi ? Ce sont elles qui déclarent la manif en préfecture ? »
Le matin du 8 mars, le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, avait vilipendé sur X le refus assumé des cortèges du 8 mars de défiler auprès de Némésis et de Nous vivrons, les accusant du « pire des sectarismes » et d’employer des « méthodes néototalitaires ». Il avait pourtant exprimé son soutien à Laurent Nunez, le préfet de police de Paris pour interdire la marche de nuit féministe et radicale, invoquant la présence de collectifs pro-palestiniens. Une marche finalement autorisée, à la dernière minute, par le tribunal administratif.

Pour Lisa des Féministes révolutionnaires, « ce n’est pas étonnant qu’un ministre de l’Intérieur qui a déjà manifesté son soutien à Némésis ait pris position pour interdire cette marche en raison de groupes de solidarité avec la Palestine ». « Ce qui fait peur à la préfecture et au gouvernement, c’est je cite ‘une convergence des luttes intersectionnelles contre le fémonationalisme‘. Cette interdiction était une décision politique », estime Sofia.
Quelques jours avant la manifestation, le collectif Némésis avait publié plusieurs vidéos sur ses réseaux sociaux appelant à constituer au sein de la manifestation « le plus gros cortège jamais réalisé par Némésis ». Dans une vidéo reprenant les codes de la série Bref, le groupe d’extrême droite avait affirmé : « Bref. On prend la main sur le 8 mars. » « Que vous soyez un homme ou une femme vous êtes tous les bienvenus », avait déclaré l’une de ses porte-parole, dans une des vidéos destinées à remplir leur cortège.
Le 8 mars, les points de rassemblement de « Nous vivrons » et de « Némésis » sont en dehors de la place de la République. Le premier est encadré par les forces de l’ordre dans la rue Meslay, à quelques dizaines de mètres de la place. Némésis et ses sympathisants sont réunis un peu plus loin en descendant le boulevard, dans le square du Temple. L’entrée du square est gardée par des CRS. Assises sur un banc, deux femmes se protègent du soleil en plaçant sur leur tête une pancarte. Cette dernière énonce une statistique censée prouver une des idées phares de ce groupe : les violences sexuelles seraient le fait des étrangers.

Une bonne moitié des personnes sont des hommes. Certains ont des crânes rasés et des vestes en cuir. Bruno Attal passe une tête. Elles et ils portent avec fierté un autocollant sauce trumpiste : « Make feminism great again. » À deux hommes qu’il vient de rencontrer, un troisième parle stratégie : « Comme je disais sur la conv, faut pas trop qu’on traîne avec des mecs qui ont des tatouages avec des croix, type croix celtiques », un symbole d’extrême droite, prisé des groupes fascistes et associé au suprémacisme blanc. Mais voilà.

La manifestation à République ne part pas et les militants de Némésis passent plus de deux heures dans le parc. L’eurodéputée Sarah Knafo (Reconquête !) arrive et fait une bise chaleureuse à Alice Cordier, présidente du collectif Némésis, avant de s’exprimer : « Je suis ravie de voir des françaises qui n’ont pas peur des intimidations et de voir Rima Hassan qui propose tout simplement de dissoudre le collectif Némésis à l’acide. » Puis, elle propose d’applaudir les CRS dont elle attend qu’ils disent quand leur groupe pourra rejoindre la manifestation. Alice Cordier complète : « On attend les ordres de la police pour pouvoir partir. On va voir si ça leur fait peur, peut-être. »
Sur la place de la République, le cortège général déterminé à occuper la place, part avec beaucoup de retard. Vers 16 h 30, la fin de cortège est toujours sur la place, avec des militants antifas, et les membres de services d’ordre qui se tiennent les bras sur plusieurs lignes. Le but : freiner le plus possible la manif, pour éviter que Némésis et Nous vivrons n’arrivent. « Siammo tutti antifascisti », crient-ils. Ou encore « Paris, banlieues, antifa ». Devant une rangée de CRS deux femmes, portant des keffieh et un drapeau palestinien reprennent les slogans.

De l’enceinte du camion des Féministes révolutionnaires s’échappe un message préenregistré : « Ceci est un message à l’attention de toutes les manifestantes et les manifestants. Des militants d’extrême droite essaient de s’infiltrer dans la manifestation. » La voix poursuit, prévenant que la manifestation ne repartira pas tant que l’extrême droite serait présente.
Boulevard Voltaire, les CRS lancent des charges pour faire avancer la marche plus rapidement. Près du Bataclan, un homme tombe, manifestement inconscient, il est traîné au sol sur plusieurs mètres par les policiers. Quelques centaines de mètres derrière, les militants de Némesis crient quelques slogans – « Siammo tutti antigauchisti », « Application des OQTF » – sans pouvoir rejoindre le cortège. Leur petite troupe, maximum deux cents militants, s’arrête à peine à mi-trajet du parcours.

Les derniers manifestants du cortège arrivent quant à eux à 19h40 à Nation. Il leur aura finalement fallu plus de cinq heures pour parcourir 3 km. « Ça y est on l’a fait aujourd’hui le 8 mars 2025, le mouvement féministe a repoussé l’extrême droite dans la rue. » Keffieh sur les épaules, autocollant « Féministes révolutionnaires sur le torse », Lisa ajoute : « Si on a réussi, c’est parce que la manifestation, dans son ensemble était un bloc massif antifasciste. » Limpide.


Cette marche visait à revendiquer « les droits et libertés menacés par un Etat fasciste et la montée de l’extrême droite », d’après les organisateurs.
Article rédigé parfranceinfo avec AFP
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Le tribunal administratif a suspendu l’interdiction de la marche « nocturne féministe radicale », vendredi 7 mars, dans la soirée à Paris, estimant que « les risques de troubles à l’ordre public invoqués ne sont pas suffisamment justifiés ». Le préfet de police de Paris, Laurent Nuñez, avait interdit mercredi cette manifestation prévue entre la gare de l’Est et la place de l’Hôtel de ville.
Cette marche vise à revendiquer « les droits et libertés menacés par un Etat fasciste et la montée de l’extrême droite », d’après les organisateurs. La préfecture de police estimait que cette manifestation était « de nature à troubler l’ordre public », notamment en raison d’appels à rejoindre la marche de la part des collectifs propalestiniens, qui demandent « la libération de la Palestine de la mer au Jourdain ».
Or, selon le tribunal administratif, cette marche a lieu chaque année depuis 2020 et ne s’est jamais accompagnée « de violences ou de la diffusion de messages incitant à la haine ou à la discrimination, y compris lorsque des collectifs de soutien à la Palestine y avaient participé ».
Le juge des référés a également relevé que si le préfet craignait des heurts avec les collectifs Nous vivrons et Némésis, ceux-ci n’avaient pas été présents, par le passé, à la marche organisée le 7 mars. Ils ont cette année annoncé leur participation au cortège du 8 mars, à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes. Le tribunal a par ailleurs estimé que le préfet de police ne justifiait pas de l’insuffisance des moyens matériels et humains dont il dispose pour assurer le respect de l’ordre public, étant donné le nombre de participants prévus (environ 1 000 personnes) et la présence d’un service d’ordre interne.
Au final, plusieurs milliers de personnes, des jeunes et des femmes en majorité, se sont rassemblées vendredi soir devant la gare de l’Est, à Paris, pour participer à cette marche. Le cortège, dont les deux banderoles de tête clamaient « une autodétermination totale des corps, des identités, des peuples », pour la première, et « gloire aux résistantes palestiniennes » pour la seconde, a débuté sa marche vers 19h30 en direction de l’Hôtel de ville. La manifestation a rassemblé 3 500 personnes, d’après la préfecture de police.
Lors de la manifestation pour les droits des femmes à Paris, les Femen reprennent des symboliques nazies pour alerter sur « l’épidémie fasciste » aux États-Unis, en Europe et aux États-Unis. Elles ont ciblé plusieurs dirigeants.Par Le Parisien avec AFP
Le 8 mars 2025 à 17h04
Nouveau coup d’éclair des Femen. À l’occasion de la manifestation pour les droits des femmes à Paris, qui a rassemblé plusieurs milliers de personnes ce samedi 8 mars, une trentaine de militantes du collectif féministe ont repris à l’unisson les codes et symboliques du nazisme pour protester contre « l’épidémie fasciste », comme l’indique une inscription peinte sur leur corps.
Les militantes, alignées par rangs de cinq, avaient la tête coiffée d’un képi militaire et le torse nu peint de drapeaux américains, européens ou russes, tous bardés d’une croix gammée. Elles ont réalisé des saluts nazis, leur bras droit peint d’un rouge vif. « Heil Donald Trump », « Heil Vladimir Poutine », « Heil Elon Musk », « Heil Viktor Orbán », « Heil Giorgia Meloni », « Heil Marine Le Pen », ont-elles scandé.
Vidéo »Heil Donald Trump » : coup d’éclat des Femen à la manifestation du 8 mars
« Pour une riposte féministe, pas fasciste ! » ont-elles ensuite repris en chœur, en allumant des fumigènes noirs.
Le cortège du 8-mars, majoritairement féminin, comprenant beaucoup de jeunes et des familles sous un soleil printanier, a rallié la place de la Nation, à l’occasion de la Journée internationale pour les droits des femmes. Une cinquantaine d’organisations, dont des associations et des syndicats (CGT, CFDT, CFE-CGC, FSU, Solidaires, Unsa), appellent à manifester dans plus d’une centaine de villes. 120 000 manifestants étaient présents à Paris et 250 000 en France, selon les organisateurs
En tête des revendications : la réduction des écarts de revenus entre les femmes et les hommes. À temps de travail identique, le salaire moyen des femmes reste inférieur à celui des hommes de 14,2 % en 2023, selon l’Insee. « C’est une lutte, ce n’est pas fini, ça va dans le bon sens, Trump, les masculinistes, font beaucoup de bruit mais ils sont moins forts que nous », a clamé Sabine, 49 ans, responsable d’une association professionnelle, accompagnée de son fils de sept ans.
À Paris, la présence du collectif identitaire Némésis a été unanimement dénoncée par les associations féministes et antiracistes. Vendredi soir, plusieurs milliers de personnes, dont de nombreux militants propalestiniens, ont défilé dans la capitale lors d’une marche « féministe radicale », autorisée in extremis par la justice après avoir été d’abord interdite par les autorités.