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À l’Assemblée, les forces politiques se déchirent sur le rapport à Israël !

Pauline Graulle, Ilyes Ramdani


Pendant plus de trois heures, mercredi 25 juin, la représentation nationale a débattu de ce que devrait être, de ce qu’était ou de ce que n’était pas la voix de la France dans les bouleversements géostratégiques à l’œuvre au Proche et au Moyen-Orient. Un « débat de qualité », a salué le député macroniste Roland Lescure, vice-président de l’Assemblée nationale, en levant la séance peu avant une heure du matin.

L’assertion n’est pas surfaite si l’on veut bien prendre l’exercice pour ce qu’il est : plutôt qu’un véritable débat, une succession de discours, encadrés par une introduction du premier ministre, François Bayrou, et une conclusion de ses ministres des affaires étrangères et des armées, Jean-Noël Barrot et Sébastien Lecornu. Le tout sans vote ni portée concrète, tant les affaires diplomatiques sont le privilège quasi exclusif du pouvoir exécutif et, pour être plus précis, du président de la République.

Il n’empêche : la discussion a donné à voir, dans une atmosphère grave et parfois tendue, la profondeur des divergences qui séparent les groupes politiques en matière diplomatique et géopolitique. La lecture des douze jours de guerre qui ont opposé l’Iran à Israël, puis aux États-Unis, n’a fait l’objet d’aucun consensus dans l’hémicycle. Si les oppositions ont toutes dénoncé l’inconstance d’Emmanuel Macron sur la scène internationale, elles l’ont fait pour des raisons très différentes. Les députés Marine Le Pen (RN), Éric Ciotti (UDR) et Mathilde Panot (LFI), le 25 juin 2025, à l’Assemblée nationale, lors du débat sur la situation au Proche et au Moyen-Orient. © Photomontage avec Stephane Lemouton / Sipa

À gauche, Mathilde Panot a ouvert le bal, succédant à François Bayrou à la tribune, en accusant l’exécutif d’avoir fait de la France, par son positionnement, « le laquais de [Benyamin] Nétanyahou et [Donald] Trump », les dirigeants israélien et américain. « Il fut un temps où l’obsession de la diplomatie française était de parler au monde entier », a regretté la présidente du groupe La France insoumise (LFI), avant d’expliquer qu’elle et ses collègues avaient été « stupéfaits » par l’incapacité du pouvoir à condamner l’agression israélienne contre l’Iran, ou à s’empresser d’invoquer « le droit d’Israël à se défendre ».

En droit international, « la guerre préventive n’existe pas », a rappelé l’élue insoumise, dressant un parallèle entre le responsable du bourbier irakien de 2003, George W. Bush, et Emmanuel Macron. « Vous devez refuser la guerre ! », a-t-elle répété face à un premier ministre parfois goguenard, « car c’est le sort du monde qui est en jeu ». Mais aussi parce que « la libération du peuple iranien ne viendra certainement pas d’un gouvernement commettant un génocide à Gaza ».

« Il revient au peuple iranien de déterminer son gouvernement. Pas à Israël, pas aux États, pas à l’Union européenne, pas à la France et pas par la force. L’Afghanistan, l’Irak, la Libye, ça ne vous a pas suffi ? », s’est également étranglé le communiste Jean-Paul Lecoq, qui a rappelé au passage qu’Israël détenait l’arme nucléaire en violation des traités internationaux. « Et que lui dit-on ? Rien ! », s’est-il insurgé.

L’union des droites… derrière Trump et Nétanyahou

La socialiste Ayda Hadizadeh, à l’unisson avec les autres intervenant·es de gauche, a appelé la France à « mettre fin à l’impunité des criminels de guerre ». « Une nation, elle est grande quand elle est juste », a lancé la députée socialiste, elle-même fille d’exilés politiques iraniens. Sa collègue écologiste Sabrina Sebaihi a insisté sur le fait que « bombarder un peuple ne [l’avait] jamais libéré », jugeant « la force légitime que quand elle protège le droit ».

C’est le rapport à Israël qui a marqué la ligne de fracture la plus nette dans l’hémicycle, mercredi soir. Si l’ensemble des groupes a exprimé sa condamnation du régime iranien et de son programme nucléaire, la droite et l’extrême droite ont affiché leur désaccord total avec les critiques émises contre l’État hébreu. Dans un ballet devenu habituel, elles ont affiché un front uni dans la défense d’Israël.

« Il n’y a aucune raison de condamner l’action d’Israël et des États-Unis », a résumé Michèle Tabarot, l’oratrice du groupe Droite républicaine (DR). Éric Ciotti, pour l’Union des droites pour la République (UDR), a multiplié les outrances et dépeint Emmanuel Macron en « Daladier » qui « préfère parler au président iranien plutôt qu’au président américain », tandis que Marine Le Pen, pour le Rassemblement national (RN), a tenté de présidentialiser son intervention, transformée en une sorte de déclaration générale de politique internationale.

Sur le fond, en revanche, les trois formations – DR, UDR et RN – ont emprunté ensemble le sillon d’un atlantisme total et assumé. « Il faut restaurer la confiance avec un principe clair : nos alliés ont notre soutien, a lancé Marine Le Pen. Israël et les États-Unis sont nos alliés. »

Sans un mot pour la situation à Gaza ni pour le droit international foulé aux pieds par Tel-Aviv, les représentant·es de l’extrême droite de l’hémicycle ont reproché à Emmanuel Macron ses « hésitations » et ses « contradictions », autrement dit ses réserves vis-à-vis du gouvernement Nétanyahou et de l’administration Trump. L’heure est à mener, estime-t-on sur ses bancs, un combat de civilisations qui ne tolère aucun atermoiement.

L’hémiplégie diplomatique de Gabriel Attal

Au milieu de cet affrontement idéologique, le camp présidentiel a donné l’impression de ne pas vouloir trancher. Comme un symbole, le groupe EPR, émanation de Renaissance, a divisé son temps de parole entre quatre de ses membres. Constance Le Grip et Emmanuelle Hoffman, membres du groupe d’amitié France-Israël, ont concentré leur discours sur la République islamique d’Iran et la « menace » qu’elle représente.

La même ligne avait été défendue, la veille, par Gabriel Attal. Le président du groupe EPR et du parti présidentiel a interrogé le premier ministre sur l’Iran, reprochant au régime de « violer toutes les normes du droit international » et de ne pas pouvoir, en conséquence, « s’en prévaloir pour s’abriter derrière elles ». Un discours dont François Bayrou a dénoncé, en termes choisis, l’hémiplégie quelques instants plus tard.

Je le dis en tant qu’homme de droite nourri de gaullisme : la cause palestinienne est légitime.

Charles Sitzenstuhl, député EPR

« Tout le monde sait » quelle est la nature du régime iranien, lui a répondu le chef du gouvernement, « mais la France ne peut pas être durablement du côté des infractions au droit international ». « Tout en prenant la pleine mesure des manquements que vous indiquez, la France doit réaffirmer que, dans l’avenir, le droit international doit s’imposer », a conclu François Bayrou dans une réponse minimaliste mais qui critiquait en creux l’aveuglement de Gabriel Attal sur les crimes de guerre israéliens.

Dans les rangs macronistes, c’est le député Charles Sitzenstuhl qui est venu combler les angles morts de ses collègues. « La légitime défense n’est pas un permis de tuer », a lancé l’ancien élu Les Républicains (LR), appelant à la reconnaissance de l’État de Palestine et à la défense par la France d’une « voix d’équilibre ». « Je le dis en tant qu’homme de droite nourri de gaullisme : la cause palestinienne est légitime », a-t-il poursuivi, reprochant à « certains » dans l’hémicycle d’utiliser « des éléments de langage plus proches de ceux de Nétanyahou que de ceux de [Jacques] Chirac ».

S’il a eu un mot pour la situation « inacceptable » de Gaza, François Bayrou n’a pas affiché la même verve à l’heure de dénoncer les agissements du gouvernement Nétanyahou. Désireux de tenir les deux bouts de la ligne diplomatique française, le chef du gouvernement n’a rien dit de ce que la France pourrait engager contre Israël, à commencer par la révision de l’accord d’association avec l’Union européenne (UE), et a pris soin de choisir ses mots à l’égard de son homologue israélien.

Celui de génocide n’était évidemment pas à l’ordre du jour du côté de l’exécutif, comme Jean-Noël Barrot l’a rappelé à Mathilde Panot. « Vous êtes parlementaire, vous n’êtes pas procureure, a lancé le chef de la diplomatie française à l’élue insoumise. La Cour internationale de justice ne s’est pas encore prononcée sur le sujet. »

Mi-mai, Emmanuel Macron avait laissé « aux historiens » le soin de se prononcer sur ce sujet. En attendant les historiens et les juristes, l’exécutif n’a pas levé le voile, mercredi soir, sur les propres leviers qu’il compte activer pour mettre fin à la mécanique du pire à l’œuvre dans la région. Peut-être le fera-t-il le 2 juillet, alors qu’un débat similaire est prévu au Sénat, ou lors de la réunion des chef·fes de parti que le président de la République a promis de convoquer dans les prochains jours.

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Cette entrée a été publiée le 26 juin 2025 par dans COMPLICITE, FRANCE, GENOCIDE, ISRAEL.