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Emplois supprimés, ateliers annulés… Dans les Pays de la Loire, le Planning familial et les associations d’éducation sexuelle fragilisés par la fin des subventions régionales


Article rédigé parYann Thompson

Un drapeau du Planning familial est brandi lors d'une manifestation féministe, le 23 février 2024, à Paris. (XOSE BOUZAS / HANS LUCAS / AFP)
Un drapeau du Planning familial est brandi lors d’une manifestation féministe, le 23 février 2024, à Paris. (XOSE BOUZAS / HANS LUCAS / AFP)

Le Planning familial a alerté, mi-juin, sur les difficultés financières qu’il rencontre partout en France. Dans l’Ouest, plusieurs de ses antennes départementales ont été contraintes de renoncer à des animations dans les lycées.

L’année scolaire touche à sa fin et c’est l’heure des bilans au Planning familial. A Angers (Maine-et-Loire), Clémentine David épluche les évaluations rédigées par les élèves après des interventions dans les lycées. Certains adolescents ont découvert la notion de consentement. D’autres, celle d’inceste. « Ils nous disent à quel point notre travail d’éducation à la sexualité et de prévention des violences sexistes et sexuelles est indispensable. C’est malheureux de se dire que, dès la rentrée, ces animations n’existeront plus. »

Fin 2024, la Région Pays de la Loire a annoncé la suppression des subventions versées au Planning familial, dans le cadre d’un vaste plan d’économies qui n’a épargné aucun pan du secteur associatif. Avec un budget amputé de 66 170 euros, la fédération régionale du mouvement a dû tirer un trait sur une partie des activités de ses antennes départementales. « Faute de financement, ce sont 3 000 élèves des Pays de la Loire qu’on ne verra pas cette année », estime la coordinatrice régionale, Sandrine Mansour. 

L’inquiétude est nationale. Lundi 16 juin, à Paris, le Planning familial a lancé une campagne d’« alerte » sur l’avenir du mouvement, qui « vit une situation financière inédite ». Dans un « contexte international de plus en plus conservateur »« l’Etat et les collectivités territoriales se désengagent financièrement progressivement », s’inquiète la confédération. « Nous observons des baisses et des coupes budgétaires partout sur le territoire », a-t-elle rapporté, alors que neuf de ses associations départementales ont été privées d’une partie de leurs subventions ces derniers mois. « On coupe les moyens d’agir, mais les besoins, eux, augmentent », ont dénoncé les signataires d’une tribune de soutien dans Le Monde(Nouvelle fenêtre), dont Annie Ernaux, Judith Godrèche et Jeanne Added, citant notamment une « explosion » des infections sexuellement transmissibles.

« On n’imaginait pas une telle violence »

Région la plus durement touchée, les Pays de la Loire font figure de « zone test pour la France », affirme Sandrine Mansour. « Avec la perspective des élections en 2027, on savait qu’on allait entrer dans une période difficile, mais on n’imaginait pas une telle violence, pas aussi tôt », se désole-t-elle. Privée de 30% des financements pérennes alloués à son bureau, la cheffe de file régionale du Planning craint de ne plus pouvoir financer son poste et voit déjà une partie de son travail partir en fumée.

Sur le terrain, les répercussions restent encore relativement limitées, sans impact sur l’offre en matière d’interruptions volontaires de grossesse. L’accueil dans les centres de santé sexuelle se poursuit. C’est l’offre en matière d’éducation sexuelle qui pâtit le plus des coupes. « Un de nos projets, unique en France, va disparaître », déplore Sandrine Mansour. Le programme régional Trois réseaux, déployé dans des lycées et des maisons familiales rurales, consistait à faire intervenir successivement le Planning familial, les centres d’information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF) et Solidarités Femmes. Lors de trois temps d’échanges étalés dans l’année, chaque structure apportait aux élèves un éclairage complémentaire. A l’une d’aborder le cadre légal, à l’autre les violences conjugales, à la dernière la vie affective et sexuelle.

« Les retours étaient positifs, assure Sandrine Mansour. Les jeunes en sortaient avec une compréhension du phénomène et cela permettait des prises de conscience. »

« Ces interventions ont permis à des élèves de se rendre compte qu’ils ou elles étaient victimes de violences, commises par un petit ami ou par un membre de leur famille. »Sandrine Mansour, coordinatrice régionale du Planning familial

à franceinfo

Ce programme permettait de « repérer une, deux ou trois situations graves » à chaque intervention, explique Anne Le Meur, directrice de la fédération régionale des CIDFF. « Les jeunes pouvaient ensuite s’appuyer sur nos professionnelles, qui sont formées pour réagir, alerter et accompagner », souligne-t-elle. Le projet touchait chaque année une douzaine de classes, mais avait vocation à être étendu. Las. Avec cet arrêt soudain, c’est un outil de « maturation » et de « libération de la parole » qui est rayé de l’offre éducative. 

Les lycées face au défi du nouveau programme

Quel accès aux séances de sensibilisation les lycéens auront-ils à la rentrée ? « C’est le flou le plus total », reconnaît Fabienne Dubourg, secrétaire académique du syndicat SNPDEN-Unsa et proviseure à Basse-Goulaine (Loire-Atlantique). A l’échelle du pays, l’année scolaire 2025-2026 doit pourtant constituer un tournant, avec l’entrée en vigueur du premier programme d’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle dans les écoles, collèges et lycées. L’arrêté publié en février par le gouvernement prévoit « au moins trois séances annuelles spécifiques obligatoires ».

L’application du programme revient aux professeurs, qui peuvent s’appuyer sur l’expertise des infirmières scolaires et d’intervenants extérieurs. « On va solliciter des associations et on va bien voir quelles solutions on peut trouver », avance la représentante syndicale. Jusqu’ici, les interventions du Planning familial étaient gratuites, grâce aux financements régionaux, mais l’association n’a d’autre choix désormais que de les facturer aux lycées. « S’il faut payer, cela va poser problème, car nos fonds ne sont pas extensibles », redoute Fabienne Dubourg. Dès lors, les enseignants chargés d’appliquer le nouveau programme pourraient se sentir démunis.

« Tous les professeurs ne se sentent pas en capacité de répondre aux questions des élèves sur ces sujets. »Fabienne Dubourg, représentante du SNPDEN-Unsa

à franceinfo

De son côté, l’Education nationale prévoit de former elle-même les enseignants, avec des référents désignés au sein de chaque établissement. Un dispositif qui interroge parmi les associations du secteur. « Le ministère nous a demandé de former les formateurs en quatre jours, alors qu’il faut compter des mois pour devenir conseillère conjugale et familiale. Ce n’est pas professionnel », s’inquiète la coordinatrice régionale du Planning familial, Sandrine Mansour. 

Déjà deux salariées licenciées

Les autres structures du secteur vont, elles aussi, devoir réduire la voilure face à la suppression des subventions versées par la Région. Avec 177 000 euros en moins dans les caisses, les CIDFF ont licencié une salariée en Loire-Atlantique, et deux autres pourraient suivre.

« Les premiers impactés vont être les usagers. »Anne Le Meur, directrice de la fédération régionale des CIDFF

à franceinfo

L’union régionale Solidarité Femmes a, elle, perdu une subvention de 67 500 euros, soit 80% de son budget, selon sa présidente, Martine Gassiot. « On a dû se séparer de notre unique salariée », déplore-t-elle. Il a aussi fallu mettre fin à certaines aides alimentaires ou psychologiques pour des femmes et familles victimes de violences conjugales. En revanche, comme pour le Planning, les antennes départementales de l’association sont peu affectées, car elles profitaient déjà peu de fonds régionaux. 

Interrogée sur l’impact des coupes budgétaires, la Région Pays de la Loire assume un choix contraint par les « baisses considérables » de recettes de la collectivité. « Nous avons supprimé l’ensemble de nos dispositifs de subventionnement, sans distinction, afin de recentrer nos efforts sur nos compétences prioritaires et la préservation de nos services publics », explique-t-elle.

« Réduire nos dépenses, nous le devons à nos enfants », avait défendu la présidente Horizons du conseil régional, Christelle Morançais, en décembre, dans une tribune au Journal du dimanche(Nouvelle fenêtre). Six mois plus tard, Martine Gassiot adresse cette réponse : « Lutter contre les violences conjugales, nous le devons à nos enfants. »

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Cette entrée a été publiée le 27 juin 2025 par dans BUDGET, femmes.