Les députés qui ont enquêté sur les violences en milieu scolaire après le scandale de Bétharram ont pointé, dans leur rapport publié mercredi, un « défaut d’action » de François Bayrou à l’époque des faits, qui a pu laisser les violences « perdurer ». Pour autant, la commission d’enquête parlementaire ne devrait pas saisir la justice au sujet du Premier ministre.

Le Premier ministre ciblé par le rapport de la commission d’enquête sur l’affaire Bétharram. Les députés qui ont enquêté sur les violences en milieu scolaire après le scandale du collège-lycée des Pyrénées-Atlantiques ont pointé un « défaut d’action » de François Bayrou à l’époque, qui a pu laisser les violences « perdurer ».
Cette affaire touche très personnellement le Premier ministre. Son épouse a enseigné le catéchisme et plusieurs de ses enfants ont été scolarisés à Notre-Dame-de-Bétharram, un établissement catholique situé près de sa ville de Pau, visé par plus de 200 plaintes d’anciens élèves pour des violences physiques et sexuelles pendant des décennies.
François Bayrou était déjà à l’époque un homme politique influent dans sa région du Béarn. Il a présidé le département des Pyrénées-Atlantiques, en charge de la protection de l’enfance, de 1992 à 2001, et occupé les fonctions de ministre de l’Éducation de 1993 à 1997.
« À défaut d’action » que François Bayrou avait « les moyens d’engager », alors qu’il était « informé » quand il était ministre de l’Éducation nationale et président du Conseil général, ces violences « ont perduré pendant des années », écrivent les auteurs du rapport publié mercredi, Paul Vannier (La France insoumise) et Violette Spillebout (Renaissance).
À voir aussiViolences à l’école : les fantômes de Bétharram
Le Premier ministre avait été entendu pendant plus de cinq heures par leur commission d’enquête, le 14 mai.
Il avait alors rejeté avec virulence les accusations de mensonge ou d’intervention dans les années 1990 auprès de la justice dans cette affaire. Et avait par la suite publié sur un site internet dédié l’ensemble des pièces produites lors de son audition qui prouvent à ses yeux « l’inanité » des accusations qui le visent.
Mais que savait-il des violences à l’époque ? Est-il intervenu ?
Seul Paul Vannier considère dans le rapport que le chef du gouvernement a « menti » à la représentation nationale « en niant toute information au sujet de ces violences », mensonge qui « pouvait viser à dissimuler (son) inaction » alors qu’il était « informé de faits de violences physiques dès 1996 », date de la première plainte pour violence physique, « et de faits de violences sexuelles dès 1998 », quand un ancien directeur de l’établissement, le père Silviet-Carricart, est mis en examen pour viol.
Toujours selon l’élu LFI, François Bayrou avait « connaissance » de ces violences puisqu’il avait commandé en 1996 un rapport de l’inspection de l’Éducation nationale « qui documente, par exemple, le châtiment du perron » et qu’il avait rendu visite au juge d’instruction Christian Mirande en 1998 « expressément pour l’interroger » sur la mise en examen du père Carricart.
À lire aussiCe qu’il faut savoir sur l’affaire Bétharram
Si la commission d’enquête relève que le Premier ministre n’a pas suffisamment agi contre ces violences, elle ne devrait pas saisir la justice. Sa présidente socialiste, Fatiha Keloua-Hachi, a jugé insuffisamment fondée la demande de signalements à la justice de Paul Vannier, qui suspecte de « faux témoignages » trois personnes dont François Bayrou.
Même si elle juge « triste » dans son avant-propos que « l’acharnement », vécu par l’ancienne enseignante de mathématiques François Gullung quand elle a dénoncé ces violences, soit « encore légitimé par certains, et parmi eux François Bayrou lors de son audition ».
La commission d’enquête dénonce également le « soutien indéfectible » des notables de la région à l’établissement, qui faisait « notoirement figure de punition » pour les enfants « pas sages », avait rappelé François Bayrou, ainsi que des pouvoirs publics « terriblement défaillants », avec « une chaîne judiciaire agissant en silos et pour partie sensible aux influences » et des services de l’Éducation nationale « ou défaillants ou complaisants ».
Elle pointe également « des résistances persistantes à l’interdiction des châtiments corporels », à l’instar de François Bayrou qui, interrogé sur sa gifle donnée à un jeune à Strasbourg en 2002, avait défendu un geste de « père de famille ».
À lire aussiAffaire Bétharram : un document fourni par le collectif de victimes contredit François Bayrou
Quand la fille aînée de François Bayrou, Hélène, avait révélé avoir été elle-même victime de violences physiques par un prêtre de son collège, Paul Vannier avait admis qu’il y avait « peut-être une affaire de famille » chez les Bayrou avec « des secrets » mais s’était montré désireux d’interroger les « responsabilité politiques ».
L’affaire a eu des répercussions jusqu’à Pau, provoquant des échanges houleux au conseil municipal du 24 mars, où siègent une victime proche de François Bayrou et un opposant avocat d’une autre victime.
Elle touche une autre corde sensible : la foi catholique revendiquée du Premier ministre. Le père Carricart, dont le corps sera retrouvé à Rome, était un ami de la famille de François Bayrou. Et son épouse avait assisté à ses obsèques en 2000.
Avec AFP