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Discrimination de genre : STMicroelectronics va verser 1,3 million d’euros à dessalariées

Moins payées que les hommes, dix salariées du groupe franco-italien ont obtenu des rappels de salaire, en plus des dommages-intérêts, après avoir fait condamner leur employeur pour discrimination. Seul bémol à ce combat collectif : des disparités importantes d’arriérés entre cadres et techniciennes.


Cécile Hautefeuille – 10 juillet 2025
C’était la dernière étape. Elle vient clore quinze années d’un âpre combat judiciaire pour l’égalité salariale entre hommes et femmes. Dix salariées du groupe STMicroelectronics, fabricant franco-italien de puces électroniques, ont obtenu des rappels de salaire en réparation de la discrimination subie dans leur entreprise.
Au total, selon leur avocat, 1,3 million d’euros va leur être reversé – dommages-intérêts inclus – à la suite d’une décision de la cour d’appel de Grenoble qui ordonne des rattrapages de salaire et de certaines primes. Elle a rendu son arrêt fin 2024, mais les salariées ont attendu la fin du délai de pourvoi en cassation pour communiquer. Elles peuvent désormais souffler : STMicroelectronics ne va pas se pourvoir. Leur victoire est définitive.
Une onzième femme, dont le dossier avait été dépaysé en première instance dans une autre juridiction, attend encore sa décision sur le rappel de salaire. En appel, elle avait également fait condamner la multinationale pour discrimination et obtenu des dommages-intérêts.

Sollicité par Mediapart, le groupe indique ne pas commenter « les procédures en cours » et ajoute : « Nous rappelons que ST ne tolère aucune discrimination qu’elle soit d’âge, de sexe, de handicap ou sur tout autre fondement. »
Ce dernier volet judiciaire, portant sur les seuls rappels de salaire et de primes, fait suite à une première victoire obtenue devant la même cour d’appel en octobre 2023. Chacune des dix salariées avait été reconnue « victime de discrimination prohibée liée au sexe », et l’employeur lourdement condamné avec des dommages-intérêts dépassant les 800 000 euros. 25 % d’augmentation
Toutes syndiquées à la CGT, ces femmes travaillent ou ont travaillé sur deux sites isérois du groupe : à Crolles, l’usine de production, et à Grenoble, le site de recherche et de développement. Six sont cadres et cinq ouvrières, administratives, techniciennes et agentes de maîtrise (Oatam).
Dans son arrêt de 2023, la cour d’appel de Grenoble avait retenu l’existence d’une discrimination « générale » dans l’entreprise, face à des salaires systématiquement plus bas que ceux des hommes et des évolutions de carrière plus lentes. La décision pointait également une part plus faible de femmes dans les catégories professionnelles les plus élevées.
L’écart était particulièrement marqué dans les « jobs grade » (catégories) les plus hautes : « 21 femmes contre 79 hommes au job grade 15 ; 11 femmes contre 64 hommes au job grade 16 », indiquait la cour.
À l’époque, elle n’avait pas statué sur les demandes de rappel de salaire et souhaité une réouverture des débats sur le sujet. D’où ce nouvel arrêt, rendu un an plus tard, qui valide la demande des salariées. « Contrairement à ce que soutient l’employeur, il est nécessaire de fixer un salaire de repositionnement », souligne ainsi la cour d’appel, qui a calculé un taux d’augmentation à appliquer pour chaque année. Pour certaines femmes, le rattrapage commence en 2015. Pour d’autres, en 2019.
L’une des salariées, cadre, a ainsi obtenu un salaire rehaussé de 25 % et les rappels adéquats, soit plus de 115 000 euros. Dominique, également cadre, a quant à elle obtenu 18 % d’augmentation. Lors des débats, elle avait démontré que les hommes entrés dans l’entreprise en même temps qu’elle, avec le même niveau à l’embauche, avaient tous – sans exception – un ou deux coefficients de plus. « Il y a vraiment un problème de classe sociale » « J’étais sûre qu’ils allaient partir en cassation, c’est vraiment un soulagement, commente Dominique auprès de Mediapart. La seule chose que le juge n’a pas retenue me concernant, c’est la discrimination par rapport à la grossesse. Tout le reste est reconnu, je suis super contente. »
Sa satisfaction est toutefois ternie par « des disparités énormes entre les gains » perçus par les salariées. « Il y a vraiment un problème de classe sociale, poursuit-elle. Ça vient éclairer le fait qu’on a des salaires très différents avec des cadres qui gagnent, à la louche, presque le double des techniciennes. Cela crée des distinctions très importantes entre nous dans les calculs de rappel de salaire. Et on a des copines qui considèrent qu’elles ont perdu… »

Dominique est d’autant plus désolée que ce combat, elles l’ont mené de concert durant près de quinze ans. « Notre force est que nous sommes restées unies et soudées jusqu’au bout », se félicitait-elle en 2023, après le premier arrêt de la cour d’appel.
Contacté par Mediapart, l’avocat des salariées, Xavier Sauvignet, se réjouit de la victoire de ses clientes et salue « le caractère inédit de leur démarche », comme « leur collectif qui a fait preuve d’une grande ténacité et tenu pendant des années ». Selon lui, « ce sens du collectif inédit donne à ce procès et à cette histoire une saveur toute particulière et une valeur d’exemple ».
Toutes ferraillaient avec leur employeur depuis 2011, depuis la fuite d’un document interne révélant l’ampleur des différences femmes-hommes dans le groupe. Elles se sont d’abord battues durant onze ans pour obtenir de
STMicroelectronics des éléments précis de comparaison de salaires et de carrières.
La cour d’appel de Grenoble avait d’ailleurs souligné la « réticence de l’employeur à communiquer les pièces sollicitées ». Une bataille qualifiée « d’éprouvante » et vouée « à ouvrir la voie pour toutes les femmes », commentaient les salariées avant l’audience d’appel en 2023. Toujours salariée de l’entreprise et élue au CSE local du site sur lequel elle travaille, Dominique continue de suivre de près les éventuelles inégalités et les propositions de la direction pour y mettre un terme. « Début 2024, nous avons été convoqué·es pour discuter d’un nouvel indicateur qui permettrait à des femmes de faire évaluer leur carrière et repérer des problèmes, dit-elle. Ils ont fait les choses en grand mais petit à petit, ils ont tout resserré et réduit la transparence. »
Selon elle, l’entreprise a souhaité « l’unanimité des syndicats » pour faire appliquer cet indicateur, ce que la CGT a refusé. « C’est la première fois qu’ils nous demandaient une unanimité sur un accord quel qu’il soit. On n’a pas signé parce c’était vraiment trop pourri, leur truc », explique Dominique. « Ils essayent de trouver des moyens de se protéger de nouvelles actions, conclut-elle. Les inégalités salariales, c’est quand même un sujet sur lequel ils ne doivent pas être très à l’aise. »

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Cette entrée a été publiée le 11 juillet 2025 par dans DROIT DES FEMMES, DROITS DES TRAVAILLEURS.