
L’annonce par l’armée israélienne d’un nouveau corridor séparant l’est et l’ouest de Khan Yunis marque une dangereuse escalade dans le cadre d’un projet colonial plus large visant à fragmenter le territoire palestinien.
Cette mesure ouvre la voie à une restructuration géographique et démographique conforme aux objectifs à long terme d’Israël. Elle constitue un outil supplémentaire pour isoler certaines zones, démanteler l’unité au sein de la bande de Gaza et remodeler la réalité sur le terrain. L’objectif est de renforcer le contrôle militaire et de confiner de force la population dans une zone côtière étroite dans des conditions inhumaines, ce qui constitue une méthode directe de destruction délibérée.
L’armée israélienne a annoncé aujourd’hui la création du corridor Magen Oz, une route militaire de 15 kilomètres séparant l’est et l’ouest de Khan Yunis. Ce corridor renforce la politique d’isolement et de fragmentation de l’intégrité territoriale de Gaza menée par Israël. Il relance également les outils coloniaux traditionnels sous une forme moderne, dans le but d’imposer une réalité permanente qui sape la présence palestinienne et ouvre la voie à un dépeuplement.
Ce corridor s’inscrit dans le cadre des efforts déployés par Israël pour établir une présence militaire permanente dans la bande de Gaza et reflète son mépris pour tout effort de désescalade susceptible de mettre fin à ses opérations militaires ou à son occupation illégale de l’enclave.
Les zones isolées par le nouveau corridor israélien couvrent environ 45 % du gouvernorat de Khan Yunis, soit environ 12 % de la superficie totale de la bande de Gaza. Le corridor commence au corridor de Morag, au sud de Khan Yunis, annoncé par Israël en avril, et s’étend vers le nord le long de la rue Salah al-Din. Il isole complètement les zones de Jouret Allout et Ma’an, ainsi que les villes d’Al-Fukhari, Khuza’a, Bani Suheila, Abasan al-Kabira, Abasan al-Jadida et les parties orientales d’Al-Qarara, au nord de Khan Yunis.
L’équipe de terrain d’Euro-Med Monitor a documenté une forte escalade des bombardements et une destruction systématique dans les zones à l’est de Khan Yunis, désormais isolées par le nouveau corridor. Les forces israéliennes ont mené des frappes aériennes et d’artillerie, utilisé des robots chargés d’explosifs, puis déployé des engins lourds pour dissimuler les destructions et transporter les décombres vers des lieux inconnus à l’intérieur d’Israël. L’équipe estime qu’au moins 90 % des bâtiments de ces zones ont été détruits.
Dans ses déclarations sur les opérations dans la bande de Gaza, l’armée israélienne a délibérément présenté de manière trompeuse la construction du nouveau corridor, dissimulant le fait qu’il est construit sur les ruines de milliers de bâtiments et de maisons détruits qui se trouvaient autrefois dans la zone.
La destruction ne se limite pas aux bâtiments situés le long du corridor, mais s’étend dans toutes les directions aux zones environnantes sur plusieurs kilomètres. Cette opération vise à effacer complètement l’environnement urbain sous un faux prétexte militaire.
De même, lorsque l’armée israélienne annonce le nettoyage d’une zone de militants, elle déclare en fait sa destruction complète : destruction totale, déplacement forcé et déracinement de toutes les formes de vie. Ce schéma était évident dans le nord de la bande de Gaza et à Rafah, où une rhétorique militaire trompeuse a été utilisée pour masquer les massacres, les déplacements massifs et la destruction systématique des infrastructures urbaines, le tout dans le but de dissimuler des actes de génocide derrière une terminologie trompeuse.
Ce comportement reflète une doctrine militaire israélienne qui considère la présence civile comme une menace à éliminer. Elle désigne les maisons, les hôpitaux et les écoles comme des infrastructures « terroristes » et considère les civils comme des cibles légitimes simplement parce qu’ils restent dans les zones ciblées, ce qui constitue une violation flagrante et sans précédent des principes les plus fondamentaux du droit international humanitaire.
Ces pratiques s’inscrivent dans un processus systématique qui a débuté avec le début de l’offensive israélienne sur la bande de Gaza, caractérisée par la destruction délibérée et à grande échelle de villes et de quartiers entiers. Il s’agit là d’une manifestation directe du génocide en cours, qui en est maintenant à son vingt et unième mois, où la démolition, la dévastation et le déplacement forcé constituent les principaux outils d’exécution.
En plus de tuer et de blesser des centaines de Palestiniens et de détruire systématiquement la vie d’environ 2,3 millions de personnes en éliminant leurs moyens de survie fondamentaux, les forces israéliennes s’emploient activement à anéantir les villes palestiniennes, y compris leur tissu architectural et culturel. Cela s’accompagne de l’effacement de l’identité nationale et culturelle palestinienne, du déracinement des populations de leurs terres, du déplacement forcé permanent, du refus du retour, du démantèlement des communautés et de l’effacement de la mémoire collective, le tout dans le cadre d’une tentative systématique d’éliminer leur présence physique et humaine et de détruire leur passé, leur présent et leur avenir.
Les zones résidentielles de la bande de Gaza sont soumises à des destructions quotidiennes et à des bombardements répétés par les forces israéliennes, qui les réduisent en ruines. Des engins lourds arrivent ensuite pour déblayer les débris et les transporter en Israël, modifiant complètement le paysage de ces zones.
Le schéma actuel de destruction massive visant les villes et les quartiers palestiniens, y compris les maisons, les installations civiles et économiques et les infrastructures, montre clairement que cette dévastation n’est pas motivée par une nécessité militaire. Elle vise plutôt à effacer le patrimoine matériel et culturel palestinien, en violation flagrante du droit international.
Ce comportement s’inscrit dans le cadre de la politique d’urbicide menée par Israël, qui vise non seulement la population palestinienne et ses biens, mais aussi son existence culturelle et civilisationnelle. Il s’agit d’effacer les traces physiques et historiques de son lien avec la terre, d’affaiblir sa capacité à rester et, en fin de compte, d’éliminer sa présence sociale et physique afin d’ouvrir la voie à des projets de colonisation illégaux dans la bande de Gaza.
Le déplacement forcé des Palestiniens est le prolongement direct du projet colonialiste mené par Israël depuis des décennies, qui vise à effacer l’existence palestinienne et à s’emparer de leurs terres. Ce qui distingue cette phase, c’est son ampleur et sa gravité sans précédent, comme en témoigne le ciblage systématique des 2,3 millions d’habitants de la bande de Gaza depuis le 7 octobre 2023, par le biais d’un génocide et du déni des droits humains les plus fondamentaux. Les conditions d’extrême coercition et de privation imposées au peuple palestinien représentent un effort délibéré pour le pousser hors de sa patrie, non pas par choix, mais comme condition de sa survie même. Il s’agit là d’un des cas les plus flagrants de déplacement massif planifié de l’histoire moderne.
Tous les États doivent remplir leurs obligations internationales en faisant pression sur Israël pour qu’il mette fin au génocide et aux autres crimes graves commis dans la bande de Gaza. Cela implique de protéger les civils, de veiller à ce qu’Israël respecte le droit international et les décisions de la Cour internationale de justice, d’imposer des sanctions, de mettre fin à toute forme de soutien militaire, financier et politique, et de suspendre immédiatement les ventes, les transferts et les achats d’armes, ainsi que les licences d’exportation et l’aide militaire connexes. Israël doit être tenu responsable à tous les niveaux, tant au niveau national qu’international.
Les États et les entités concernées doivent également demander des comptes aux pays complices ou soutenant les crimes d’Israël, notamment les États-Unis, ainsi qu’aux autres gouvernements qui fournissent à Israël toute forme d’aide liée à ces violations. Cela inclut le soutien militaire, politique, juridique, financier et médiatique, ainsi que tout engagement contractuel contribuant à la poursuite de ces crimes.
Traduction : AFPS
Photo : Illustration montrant le nouveau corridor Magen Oz, qui sépare l’est et l’ouest de Khan Younis, 16 juillet 2025 © Armée israélienne