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De la Vuelta aux sanctions, pourquoi l’Espagne est si mobilisée pour la cause palestinienne

Pendant que les militants perturbaient le Tour d’Espagne, le gouvernement a promis une nouvelle batterie de sanctions contre Israël pour mettre fin aux massacres à Gaza. Une mobilisation sans pareil en Europe.

Par Anthony Berthelier

De la Vuelta aux sanctions, pourquoi l’Espagne se mobilie tant pour la cause Palestinienne (photo prise le 11 septembre à Valladolid)

MIGUEL RIOPA / AFP

De la Vuelta aux sanctions, pourquoi l’Espagne se mobilie tant pour la cause Palestinienne (photo prise le 11 septembre à Valladolid)

DIPLOMATIE – Jamais une course cycliste de cette ampleur n’a été aussi perturbée. Le Tour d’Espagne, la Vuelta, s’achève ce dimanche 14 septembre à Madrid, et va consacrer Jonas Vingegaard. Un succès de taille pour le Danois (déjà deux fois vainqueurs de la Grande Boucle en France), quelque peu éclipsé cette fois-ci par les nombreuses manifestations propalestiniennes aux bords, et sur les routes.

Depuis la cinquième étape, y compris ce dimanche encore sur le circuit final vers Madrid, la course est marquée quotidiennement par les interventions de militants, très motivés et bien organisés, qui dénoncent la présence dans le peloton de l’équipe Israël – Premier Tech. À tel point que les organisateurs ont dû écourter plusieurs étapes, à Bilbao ou Pontevedra, et que la formation créée par le milliardaire israélo-canadien Sylvan Adams a changé son maillot pour retirer toute mention au pays. Un coureur a également dû abandonner après avoir été percuté par un manifestant.

Autant d’incidents qui provoquent une nouvelle montée de tensions entre Madrid et Tel Aviv. Il faut dire qu’en parallèle de ces actions spectaculaires, le gouvernement espagnol accentue la pression sur Israël, pour contribuer à « mettre un terme au génocide à Gaza. » Le Premier ministre socialiste Pedro Sanchez, l’un des premiers dirigeants occidentaux à utiliser le terme, a encore annoncé début septembre un embargo sur les ventes d’armes ou l’interdiction, pour deux ministres d’extrême droite, de paraître sur le territoire.

Soutien populaire et liens historiques

De fait, l’Espagne est à la pointe, en Europe, de l’appui à la cause palestinienne et la critique des opérations meurtrières d’Israël depuis sa riposte au 7 octobre 2023. Dans les institutions, alors que le pays a reconnu l’État de Palestine en mai 2024, et dans la population. Au-delà des sondages éloquents, les initiatives sont nombreuses, dans la rue ou ailleurs, pour alerter sur la situation dramatique dans la bande de Gaza.

Une forme de proactivité qui ne doit rien hasard, et trouve en partie ses racines dans l’histoire récente (ou non) du Royaume. « Les liens entre l’Espagne et les pays arabes sont nombreux et anciens. Depuis la conquête de 711, l’Espagne a entretenu une tradition arabo-islamique forte, rappelle ainsi Eduardo Baura Garcia, professeur d’histoire à l’Université San Pablo à Madrid, cité par RMC. Et sans remonter si loin, au XXe siècle, les pays arabes ont conservé des liens étroits avec le régime franquiste par ailleurs largement isolé à l’international », précise l’universitaire, évoquant une tradition qui « perdure » depuis la fin de la dictature.

En 1979, Adolfo Suárez, président du gouvernement après la mort de Franco, est ainsi le premier dirigeant européen à recevoir le chef de l’Organisation de libération de la Palestine, Yasser Arafat, à Madrid, puis à autoriser une représentation diplomatique dans la capitale espagnole. Ceci, alors que le Royaume ne reconnaîtra l’État d’Israël qu’en 1986, soit bien plus tard que ses voisins européens et les pays davantage alignés sur la diplomatie américaine.

Dans un article consacré à la politique extérieure espagnole, la chercheuse Rosa María Pardo Sanz parle d’une « politique pro-arabe » dont la « principale caractéristique », outre la « recherche de voix supplémentaires à l’ONU », a « été le maintien de la position propalestinienne » à travers les années.

« Consensus à gauche et à droite »

« Depuis une décennie, il y a une forme de consensus à gauche comme à droite pour une solution à deux États, ajoute pour sa part, Moussa Bourekba, chercheur au Barcelona Center for International Affairs dans les colonnes du Parisien. D’ailleurs, c’est sous une majorité conservatrice, en 2014, que les députés ont voté la première résolution en faveur de la Palestine », précise-t-il.

Reste, dans ce contexte, les enjeux politiques derrière certains aspects de cette large mobilisation. Ainsi, le gouvernement de gauche qui se maintient difficilement au pouvoir depuis plusieurs années, sait qu’il peut compter sur un appui massif de la population lorsqu’il plaide en faveur de la cause palestinienne, ou annonce de nouvelles dispositions contre Israël au nom d’une « humanité commune. » Il n’est pas anodin non plus de voir les manifestations sur la Vuelta éclater notamment en Catalogne ou au Pays basque.

« Les mouvements indépendantistes y sont de gauche comme de droite, mais très forts parmi la gauche. Il y a l’idée dans ces mouvements que le peuple basque comme le peuple palestinien sont vus comme opprimés, parfois même comme colonisés », explique ainsi le politologue Lucas Ormiere à RMC. Dans ces régions, ou ailleurs dans le pays, le mouvement devrait quoi qu’il en soit perdurer.

L’Espagne menace notamment de se retirer de l’Eurovision si Israël participe à la prochaine édition, tandis que le gouvernement plaide pour traiter les sportifs originaires de l’État hébreu comme ceux venus de Russie dans les compétitions internationales. Pour maintenir la pression, sur divers terrains.

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Cette entrée a été publiée le 16 septembre 2025 par dans ANTISIONISME, ESPAGNE, ISRAEL.