Après la reconnaissance de l’Etat de la Palestine par la France, nul ne doute des représailles promises par Benyamin Netanyahou à l’encontre de la France. Reste à en définir la forme
La reconnaissance de l’Etat de la Palestine par la France n’est pas pour plaire à tout le monde. En effet, avant même le discours d’Emmanuel Macron devant les Nations Unies ce lundi soir, le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou avait annoncé ne pas exclure des représailles envers les pays concernés (Canada, Royaume-Uni, Portugal, Belgique, Luxembourg, Monaco…)
Des représailles qui pourraient en premier lieu s’abattre sur la Cisjordanie avec une invasion possible d’une grande partie du territoire et un assèchement organisé de son économie et de son système bancaire (dépendant d’Israël). Mais qui pourraient également viser les pays qui ont reconnu la Palestine et en particulier la France.
Une hypothèse confirmée par Gérard Araud, ancien ambassadeur de France en Israël (2003-2006) et aux États-Unis (2014-2019), chez nos confrères de France Info mardi matin. « Il y aura, je pense, des représailles », diplomatiques de la part d’Israël, a-t-il assené. Si la France peut être ciblée, c’est qu’elle est considérée, par les autorités israéliennes, comme celle qui a provoqué la nouvelle vague de reconnaissance de l’Etat palestinien.
La solution la plus frontale serait, pour Benyamin Netanyahou de faire fermer le consulat de France à Jérusalem. Mais l’impact diplomatique pourrait s’avérer extrêmement violent et la décision pourrait nuire aux plus de 25.000 Franco-Israéliens de la région. L’expulsion de diplomates en lien direct avec l’Autorité palestinienne est plus fortement envisagée, jurisprudence norvégienne oblige, ou encore l’arrêt des relations avec l’ambassadeur français en Israël.
Moins risqué, mais tout aussi important dans la symbolique, d’autres « sites » français pourraient être ciblés. En effet, à Jérusalem se trouvent d’autres mini-enclaves tricolores : Les domaines nationaux.
Ces emprises, présentes sur le sol israélien, sont au nombre de quatre. Quatre lieux saints, tous hérités de l’empire Ottoman ou offerts à la France au XIXe siècle : L’église du Pater Noster (ou « l’Eleona ») sur le mont des Oliviers à Jérusalem-Est, le monastère d’Abou Gosh, à Jérusalem-Ouest, le Tombeau des Rois (en référence aux rois de Judée) et la basilique Sainte-Anne.
La dernière, elle, est le symbole des tensions déjà existantes entre la France et Israël avec la très mémorable colère de Jacques Chirac en 1996 et son « This is not a method ! This is a provocation » et la plus récente d’Emmanuel Macron en 2020, alors que des soldats israéliens étaient intervenus sur aux abords de la basilique, territoire français en Jérusalem.
Le premier, dont la grotte aurait été un refuge de Jésus-Christ, relève le rôle de la France comme « protectrice des communautés religieuses catholiques en Terre sainte », un rôle hérité par François Ier via le traité de 1535 avec Soliman le Magnifique, et rappelé par l’Etat en 2024 lorsque l’Etat hébreu s’était osé à une provocation en entrant sans autorisation sur le site et en y arrêtant deux gendarmes sous statut diplomatique, quelques heures avant une visite prévue du ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot.
Selon Frédérique Schillo, historienne citée par Le Figaro, « si Israël ne s’en prendra pas forcément aux trois sites chrétiens, il pourrait en revanche lorgner le Tombeau des rois », un site archéologique majeur pour la France, mais aussi un lieu de culte juif. Selon l’historienne, « les ultraorthodoxes veulent depuis longtemps s’approprier [L’Eleona] pour continuer à judaïser la partie orientale de Jérusalem ».
Si ces sites peuvent être visés, c’est d’abord que leur valeur diplomatique est discutée au niveau juridique puisque, comme l’indique Gérard Araud, « les actes de propriété n’existent pas forcément ou sont contestables », alors que leur portée symbolique est importante.
Selon l’ancien ambassadeur, Israël pourrait être tenté d’obliger la France à payer un impôt sur ces possessions. Benyamin Netanyahou pourrait également choisir de restreindre leur accès, dans les horaires comme dans la quantité ou la qualité des visiteurs, voire séquestrer totalement ces lieux. Ou pire, l’Etat hébreu pourrait même être tenté de les saisir, ce qui constituerait un incident diplomatique majeur.