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Gaza : « Les habitants ne peuvent pas revenir » : Gaza face à la nouvelle « ligne jaune » tracée par Israël !

, Lise KIENNEMANN, Nathan GALLO

L’armée israélienne a commencé à marquer la « ligne jaune » derrière laquelle elle doit se retirer, conformément au plan de paix signé avec le Hamas. Une ONG juridique israélienne dénonce une « frontière floue » entraînant une « exposition accrue aux tirs » et bloquant l’accès d’une partie de la population aux habitations, terres agricoles et infrastructures civiles.

Des blocs de béton jaunes, surmontés de poteaux jaunes, le tout installé par des bulldozers. Dans une publication X du 20 octobre, l’armée israélienne a annoncé avoir « commencé à marquer la ligne jaune dans la bande de Gaza dans le but de créer une clarté tactique sur le terrain », photos à l’appui.

Cette démarcation fait partie de la première phase du plan de paix proposé par Donald Trump et accepté par Israël et le Hamas le 9 octobre.

Outre un cessez-le-feu et un échange de prisonniers palestiniens contre les otages israéliens, cette phase comprend le retrait des troupes israéliennes à l’est de cette ligne, dans une zone qui représente environ 53 % de l’enclave.

Tracée grossièrement sur une carte partagée par le compte X de la Maison-Blanche fin septembre, la ligne avait ensuite été cartographiée dans une publication de Donald Trump sur son réseau social Truth Social le 4 octobre.

À la suite de l’accord, le Cogat – l’agence d’aide militaire israélienne – avait à son tour publié, sur Facebook, une carte localisant une ligne jaune, dont le tracé diffère légèrement de celui de Donald Trump.

« Il est extrêmement dangereux de s’approcher des zones de Beit Hanoun, Beit Lahia, Shejaiya et des zones où les forces sont déployées, conformément à la ligne jaune indiquée sur la carte », indiquait la publication du 14 octobre.

Quelques jours plus tard, le porte-parole de l’armée israélienne partageait cette même carte, appelant les Gazaouis à n’être « présents que du côté ouest de la ligne jaune ».

« Frontière floue »

Des ONG avaient rapidement dénoncé un manque de clarté quant à la localisation de la ligne. Dans un communiqué du 19 octobre, l’organisation juridique israélienne Gisha, qui défend la liberté de déplacement des Palestiniens, écrivait : « Dans la pratique, la carte n’indique pas exactement où passe la ligne. Au cours de la semaine dernière, l’armée israélienne a tiré à plusieurs reprises sur des civils qui s’en approchaient. »

Selon le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, l’armée israélienne a tué, entre le 10 et le 15 octobre 2025, 15 personnes à proximité des zones où sont stationnées les forces israéliennes.

Le 17 octobre, onze civils gazaouis, dont des enfants, ont été tués par l’armée israélienne alors qu’ils circulaient en voiture à l’est de la ville de Gaza, selon les autorités du Hamas. L’armée israélienne a affirmé avoir tiré après qu’un « véhicule suspect » s’était approché de la « ligne jaune ».

Socles en béton surmontés de poteaux jaunes

C’est dans ce contexte que le ministre de la Défense israélien Israel Katz a annoncé le 17 octobre que l’armée « a commencé à marquer la ligne jaune » et ce, dans le but « d’avertir les terroristes du Hamas et les habitants de Gaza que toute violation ou tentative de franchissement de la ligne sera réprimée par des tirs ».

L’armée a indiqué installer des socles en béton surmontés d’un poteau jaune placé à 3,5 mètres du sol, espacés d’environ 200 mètres.

Des images partagées par l’armée et géolocalisées par des comptes spécialisés sur X indiquent que des blocs ont été positionnés à au moins deux endroits : dans le sud de la bande de Gaza, à proximité de Khan Younès, et dans le nord de l’enclave, au sud de Beit Lahia.

Dans les deux cas, elles montrent que les marqueurs sont placés plusieurs centaines de mètres davantage à l’intérieur de l’enclave par rapport au tracé partagé par l’armée israélienne.

Des experts interrogés par la BBC ont estimé qu’Israël pourrait être en train d’établir une « zone tampon ». « C’est un peu comme un no man’s land qui n’appartient à personne – et Israël a tendance à prendre ce territoire à l’adversaire plutôt qu’à lui-même », faisait valoir Andreas Krieg, professeur associé au King’s College de Londres.

« Cela entraîne une exposition accrue aux tirs réels près d’une frontière floue »

Pour Shai Grunberg, porte-parole de l’organisation Gisha, cette « frontière floue » s’inscrit dans la continuité des pratiques habituelles d’Israël :

“Tout au long de la guerre, les cartes et les ‘zones d’évacuation’ d’Israël ont été vagues et incohérentes, laissant les gens dans l’incertitude quant à savoir s’ils se trouvaient dans des zones dangereuses.

Même maintenant, le marquage de certaines portions de la ligne ne garantit pas la sécurité [de tous]. De nombreux résidents tentent toujours de rejoindre leurs maisons situées ‘derrière la ligne’, souvent sans indications précises sur sa localisation.

Alors que ces personnes subissent déjà des déplacements répétés, une surpopulation et des services de base dégradés, cela entraîne une fragmentation du territoire, avec une exposition accrue aux tirs réels près d’une frontière floue.”

Surtout, le marquage de la ligne ne dispense pas l’armée de ses obligations légales en matière d’usage de la force, souligne Shai Grunberg :

“En vertu du droit international, [l’armée] doit s’abstenir de cibler des civils, quelle que soit leur proximité d’une ligne. L’armée doit toujours faire la distinction entre les civils et les combattants, n’utiliser la force que lorsque cela est strictement nécessaire et de manière proportionnée, et prendre des précautions constantes pour protéger les civils. 

Les déclarations officielles avertissant que tout ‘franchissement’ de la ligne sera ‘réprimé par des tirs’ ne justifient pas les préjudices causés aux civils et n’exonèrent pas Israël de sa responsabilité et de ses obligations légales.”

Contactée par la rédaction des Observateurs, l’armée israélienne n’avait pas répondu à nos questions à la publication de cet article.

« Cette ligne signifie que les habitants ne peuvent pas reprendre leur vie »

Si le cessez-le-feu a ramené un calme relatif dans l’enclave, cette ligne empêche également des centaines de milliers de Palestiniens de rentrer chez eux.

La zone occupée par Israël comprend notamment les villes de Beit Lahia, Beit Hanoun ou Rafah, ainsi que certains quartiers de Gaza City.

La ferme de notre Observateur Akram Abu Khoussa – qu’il a dû quitter à la mi-mars 2025 – se trouve ainsi dans le nord de l’enclave, au-delà de la « ligne jaune ». Akram se trouve actuellement dans un camp de déplacés à Nuseirat, dans le centre de l’enclave :

“Quand nous avons appris l’existence de la ligne jaune, via les cartes publiées par l’occupation, nous avons compris que nous allons être obligés de rester dans les camps de déplacés. C’est très contrariant de ne pas pouvoir retourner chez nous.

Nous espérons pouvoir y retourner lorsque la prochaine étape [du plan de paix] sera mise en place. Nous y retournerons dès le premier jour du retrait. Nous ne savons pas quand cela se produira. Cette ligne signifie que les habitants ne peuvent pas revenir et s’installer chez eux, ni reprendre leur travail et leur vie. Tout le monde a besoin de stabilité pour avoir une vie heureuse.” 

Quant aux Gazaouis qui habitaient aux abords de cette ligne, à Khan Younès par exemple, ils doivent se résoudre à fuir. L’armée israélienne y a largué des tracts demandant aux habitants de quitter la zone.

« Pour votre sécurité, il vous est demandé de rester à l’écart de la ligne jaune […]. Quiconque franchit cette ligne se met en danger », indique ainsi un tract largué. 

« Empêcher les agriculteurs d’accéder à cette zone revient à prolonger une crise d’insécurité alimentaire déjà existante »

Shai Grunberg souligne également que de nombreuses infrastructures se trouvent à l’est de la ligne jaune, et s’avèrent donc inaccessibles pour la population : 

“Cette zone comprend des sites logistiques humanitaires et de services publics essentiels, tels que des entrepôts utilisés par l’ONU et d’autres ONG, des infrastructures d’eau et d’assainissement […], ainsi que des sites de traitement des déchets […].

Cette zone est également cruciale pour les opérations humanitaires qui nécessitent un accès aux points de passage vers la bande de Gaza. La fermeture prolongée du passage de Zikim dans le nord a déjà gravement entravé l’acheminement de l’aide, même si une aide limitée entre via Kerem Shalom et Kissoufim dans le sud.

Avant la guerre, environ 41 % des terres de Gaza étaient dédiées à l’agriculture, principalement le long des frontières nord et est, désormais au-delà de la ‘ligne jaune’. Empêcher les agriculteurs d’accéder à cette zone revient à prolonger une crise d’insécurité alimentaire déjà existante.”

Cette « ligne jaune » est censée être temporaire. Elle constitue la première des trois étapes du retrait israélien prévu par le plan de Donald Trump. Le 29 septembre, le compte X de la Maison Blanche avait publié une carte montrant trois lignes de retrait successives.

La deuxième phase de l’accord prévoyait ainsi le retrait de l’armée israélienne sur une zone plus réduite, et la troisième sur une zone tampon limitée le long de la frontière avec Israël. 

Aucun calendrier n’est cependant à ce jour connu pour la mise en place de ces prochaines étapes

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Cette entrée a été publiée le 25 octobre 2025 par dans APARTHEID, COLONIALISME, GAZA, ISRAEL.