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À la COP30, TotalEnergies est l’invitée de la délégation française !

Cinq émissaires du géant pétrolier, dont son dirigeant Patrick Pouyanné, ont été accrédités à la COP30 dans la délégation française. Les badges onusiens dont ils bénéficient leur permettent d’accéder à des espaces réservés aux négociateurs.

Mickaël Correia

« La« La sortie progressive des énergies fossiles sera un enjeu diplomatique de premier ordre pour la France à cette COP30 », assurait encore la semaine dernière le ministère de la transition écologique. À la table du 30e sommet international sur le climat qui se tient jusqu’au 21 novembre à Belém (Brésil), le gouvernement français a fait de la fin du pétrole, du gaz et du charbon l’une de ses priorités politiques. À ce titre, la France est membre des groupements d’États les plus ambitieux sur le sujet, à savoir la High Ambition Coalition et la Beyond Oil & Gas Alliance.

Mais ce discours à l’international sur l’urgence de nous délester des énergies fossiles pourrait masquer une tout autre partition diplomatique jouée par les autorités françaises. À côté d’associations, du CNRS ou du Haut Conseil pour le climat, le ministère de l’écologie a directement accrédité dans la délégation française présente à la COP30 cinq représentants de TotalEnergies, dont son patron, Patrick Pouyanné.

Comme le dévoile la liste des personnes accréditées à ce sommet, publiée le 10 novembre par l’ONU, le PDG de la multinationale ainsi qu’Aurélien Hamelle, directeur général « Strategy & Sustainability » du groupe et membre du comité exécutif de TotalEnergies, ou encore Karine Boissy-Rousseau, vice-présidente « Sustainability & Climate », ont bénéficié grâce au gouvernement français d’un badge Party Overflow pour la COP30.

« Le terme Party Overflow désigne les personnes qui assistent l’équipe de négociation de leur pays et peut inclure des experts externes ou des conseillers. Les détenteurs d’un badge Party Overflow ont accès à la plupart des lieux de la COP, mais ne peuvent pas s’exprimer au nom de leur pays. Ils ne peuvent pas participer aux négociations, mais peuvent observer s’ils sont accompagnés d’un délégué du pays », a expliqué à Mediapart l’ONU Climat, l’organe-cadre des COP sur le changement climatique.

Illustration 1Les entrées de la COP30 à Belém (Brésil) le 11 novembre 2025. © Photo Mauro Pimentel / AFP

La structure onusienne a aussi souligné que chaque pays enregistre lui-même les participants Party Overflow au titre de leur délégation. Chercheur membre de Corporate Europe Observatory, une ONG européenne qui travaille sur l’influence des lobbys, Pascoe Sabido explique : « Si le badge Party Overflow ne permet pas de parler au nom de l’État qui vous a accrédité, il vous permet par contre d’accéder aux zones où il y a tous les négociateurs et les chefs d’État. En terme de lobbying, c’est vraiment l’espace clé. »

Contacté par Mediapart, le ministère de la transition écologique a affirmé avoir accrédité les cinq émissaires de TotalEnergies, mais assure que « les Party Overflow permettent uniquement d’accéder aux espaces de la conférence et aux événements parallèles, sans aucun accès aux salles de négociation. »

L’Hôtel de Roquelaure justifie ce geste en avançant que, sur le sujet des fuites de méthane, un gaz à effet de serre particulièrement nocif pour le climat qui fera l’objet de discussions à la COP30, « la présence et l’implication d’acteurs industriels, dont TotalEnergies, sont nécessaires pour faire progresser concrètement les engagements pris à l’échelle internationale. »

Zone grise de la diplomatie

Le mélange des genres est pour le moins singulier. Alors que la France, gardienne de l’accord de Paris, appelle à « accélérer la sortie des énergies fossiles » pour maintenir le réchauffement de la planète sous les 1,5 °C, TotalEnergies a annoncé il y a deux ans vouloir « augmenter sa production d’hydrocarbures de 2 à 3 % par an » d’ici à 2028. Et le 23 octobre dernier, le fleuron industriel tricolore, qui émet à lui seul autant de gaz à effet de serre que l’ensemble des Français·es, a été condamné par le tribunal judiciaire de Paris pour des communications mensongères sur son ambition climatique.

En décembre 2023, à la COP28 de Dubaï (Émirats arabes unis), le gouvernement français avait déjà accordé des accès Party Overflow à TotalEnergies. Mais, à l’époque, le ministère de la transition énergétique avait refusé de reconnaître les faits auprès de Mediapart. « Que deux ans plus tard, la France redonne ce type d’accès à TotalEnergies est vraiment un scandale en soi », poursuit Pascoe Sabido.

Pour cette COP à Belém, la France a aussi délivré ces badges, reconnaissables à leur liseré rose, à quatre représentants d’EDF ; cinq émissaires d’Engie – parmi lesquels le président de son conseil d’administration, Jean-Pierre Clamadieu ; ainsi qu’à Nicolas Notebaert, directeur général concessions de Vinci. Soit trois groupes industriels qui possèdent des mégabarrages ou des aéroports en Amazonie brésilienne.

« Dans ces zones ouvertes aux badges Party Overflow, TotalEnergies peut par exemple aller voir des représentants de haut niveau africains qu’elle connaît bien, car la compagnie développe sur ce continent des projets pétrogaziers. Ou elle peut aussi organiser des tête-à-tête comme à la COP27 de Charm El-Cheikh en 2022, où le président du Conseil européen Charles Michel avait rencontré dans cet espace réservé le PDG du pétrolier norvégien Equinor », détaille Pascoe Sabido.

Sollicité par Mediapart, le pétrolier a déclaré que Patrick Pouyanné a été invité à la COP30 pour intervenir à une table ronde sur la décarbonation. Et que le groupe participera à des échanges concernant la « Charte de la décarbonation du pétrole et du gaz », une initiative non contraignante portée par une douzaine de multinationales fossiles pour qu’elles atteignent la neutralité carbone d’ici à 2050. « TotalEnergies ne participe de quelque manière que ce soit aux négociations entre les États, ni n’a accès aux espaces de négociations », assène le groupe.

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La firme française est en pleine stratégie d’expansion pétrogazière dans la région amazonienne. En 2023, TotalEnergies, avec entre autres son homologue brésilien Petrobras, a signé un contrat de partage de production de pétrole au Brésil. Dans le pays, elle exploite déjà plusieurs champs d’hydrocarbures au large de Rio de Janeiro, se vantant de produire « 180 000 barils équivalent pétrole par jour ».

Le groupe prévoit par ailleurs pour 2028 d’extraire du pétrole au Suriname et vient de signer, le 11 novembre, un nouveau contrat de production d’or noir avec le Guyana.

« En accréditant Patrick Pouyanné, la France dévoile son double jeu : elle permet au plus grand lobbyiste pétrolier français d’accéder aux négociations, alors que, dans le même temps, elle s’est engagé à la COP28 de Dubaï pour la sortie de toutes les énergies fossiles », s’indigne auprès de Mediapart Gaïa Febvre, responsable des politiques internationales au Réseau Action Climat. Qui fait le constat d’« un non-sens total » : « C’est un manque de respect pour toutes les victimes actuelles des impacts climatiques, et celles à venir. »

Mickaël Correia

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Cette entrée a été publiée le 23 novembre 2025 par dans BRESIL, CLIMAT, COOP, FRANCE.