Gages
Syriza, c’est bien sûr le parti de Tsípras élu en janvier 2015 sur la promesse d’une rupture totale avec l’austérité qui n’a fait qu’appauvrir la Grèce depuis six ans. On connaît la suite : après un bras de fer qui a tenu l’Europe en haleine pendant six mois, Tsípras a dû capituler face aux créanciers qui lui ont imposé un nouveau programme d’austérité assorti d’une mesure encore plus contraignante, interdisant au gouvernement grec de faire voter des lois sur tous les domaines concernés par la crise (donc tout ce qui compte) sans leur accord préalable. Bref les décisions sur l’avenir de la Grèce ne se prennent plus à Athènes mais à Bruxelles. C’est d’ailleurs un peu le sens de l’Eurogroupe qui s’est tenu lundi : décider si la Grèce peut enfin obtenir un peu d’aide ou «doit encore donner des gages», c’est à dire adopter des réformes, imposées par d’autres. Et c’est pour arriver à ce sommet en meilleure position pour négocier l’avenir de son pays que Tsípras a fait adopter en urgence les réformes sur les retraites et les hausses d’impôts.
Certes il a réussi à imposer une unification certainement nécessaire des caisses de retraites et surtout à limiter les hausses d’impôts aux revenus supérieures et moyens. Le problème, c’est qu’on sait de moins en moins à quoi servent tous ces plans de sauvetage qui se sont succédé depuis 2010. La semaine dernière, c’est un journal allemand Handelsblatt qui se faisait l’écho d’une étude menée par l’European School of Management and Technology (ESMT). Précisément sur l’aide apportée à la Grèce. Il en ressortait que 95% des 220 milliards d’euros accordés au nom des fameux plans de sauvetage avaient.. échappé à l’Etat grec. Ils ont servi en réalité à rembourser des dettes, payer les intérêts de la dette souveraine et recapitaliser les banques grecques à hauteur de 37,3 milliards d’euros. «Les packages d’aide ont été utilisés en priorité pour sauver les banques européennes», explique ainsi Jörg Rocholl, le président de l’ESMT qui ajoute : «Les contribuables européens ont renfloué les investisseurs privés.»
Donc l’aide à la Grèce ne profite pas au pays qui doit pourtant payer les intérêts des nouvelles dettes ainsi contractées et même faire de nouveaux efforts. Les contribuables grecs ont effectivement de quoi s’inquiéter. Pourtant, Tsípras avait réussi il y a quelques jours à décrocher une médaille : on apprenait en effet que la Grèce avait malgré tout réussi à dégager un excédent budgétaire primaire de 0,7% en 2015. Supérieur donc à l’objectif de 0,2% que ces créanciers lui avaient assigné. Les mesures adoptées dimanche soir à Athènes permettront en outre d’engranger 3,6 milliards d’euros d’économies jusqu’en 2018. Mais les créanciers réclament encore des mesures supplémentaires, et même «préventives» pour s’assurer que la Grèce atteindra bien les 3,5% d’excédent budgétaire primaire qu’elle s’est engagé à atteindre en 2018. «Le médicament est tellement efficace que le malade est mort guéri» est devenu la boutade favorite des Grecs en ces années d’austérité sans fin.
«Contre-productif»
Vendredi, pourtant, même la patronne du FMI a jugé l’objectif de 3,5% «contre-productif» dans une lettre adressée aux 19 ministres des Finances de l’Eurogroupe réuni ce lundi. Et elle plaidait également en faveur de l’ouverture de négociations sur le rééchelonnement de la dette, question cruciale pour Tsípras mais qui divise les Européens. Avec en tête de file des «contre», le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble.
Le temps est en tout cas compté : pendant que les négociations continuent en faveur d’un nouveau plan «d’aide», les finances grecques s’assèchent. Le 20 juillet, il faudra pourtant bien trouver le moyen de rembourser 2,3 milliards d’euros à la banque centrale européenne (BCE) et 400 millions au FMI. A Bruxelles, Jean-Claude Juncker et Pierre Moscovici multipliaient dimanche les déclarations rassurantes. En Grèce, à l’issue d’une week-end de grève qui a paralysé le pays, une permanence de Syriza était en feu à Thessalonique, la grande ville du nord.