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Poussée de la grève générale en Argentine : les travailleurs chassent les dirigeants syndicaux

Philippe Alcoy

La bureaucratie syndicale de la CGT argentine a été mise à mal lors d’une manifestation massive qu’elle-même avait convoqué. Alors que le gouvernement après 15 mois de mesures d’austérité est au plus bas dans les sondages et suite à une lutte importante des enseignants, les travailleurs espéraient que les dirigeants syndicaux arrêtent une date proche pour une grève générale. Rien n’a été annoncé et les dirigeants ont dû s’enfuir escortés par le service d’ordre au milieu d’insultes et de jets d’objets des manifestants.

La manifestation convoquée par la CGT prétendait défendre « l’industrie nationale et le marché intérieur » contre les exportations. Il s’agissait d’une revendication clairement de conciliation de classes exprimée par la participation et adhésion de secteurs du petit patronat et de politiciens pro-patronaux dits « oppositionnels ».

Cependant, la manifestation massive a été marquée surtout par l’exigence de la part des dizaines de milliers de travailleurs et travailleuses de la convocation immédiate d’une grève générale contre la politique austéritaire du gouvernement de droite de Mauricio Macri.

Au moment où les dirigeants de la CGT ont pris la parole, les sifflements et les slogans de « grève générale tout de suite » commençaient à s’entendre. Le stress se sentait dans le ton de la voix des bureaucrates syndicaux. L’un d’eux a même fait un acte manqué révélateur. Au moment où il parlait de la date de la grève générale il a affirmait que celle-ci serait organisée « avant la fin de l’année », avant de se reprendre et dire « avant la fin du mois ! ».

Il n’y a pas eu de date annoncée. Et vers la fin du rassemblement les manifestants, essentiellement la base de la bureaucratie, ont envahi la tribune, ont lancé des insultes à l’encontre des dirigeants exigeant la « grève générale » ou « traitres », et ont lancé des projectiles. Les bureaucrates se sont enfuis littéralement entourés de garde-corps et au milieu de chaises qui volaient.


Climat social réchauffé

Cette manifestation a eu lieu quelques heures seulement après une mobilisation massive des enseignants en lutte pour les salaires lundi dernier. C’est l’expression claire d’un ras-le-bol des politiques du gouvernement mais aussi avec la passivité des principales centrales syndicales.

En effet, après l’arrivée de la droite au pouvoir, il y a 15 mois, elle a appliqué toute une série de mesures d’austérité, de licenciements et de coupes budgétaires. Pour acheter la « paix sociale », le gouvernement de Macri a donné aux syndicats le contrôle des fonds millionnaires de l’équivalent de la sécurité sociale en Argentine. Mais cette stratégie semble avoir atteint son point d’échec. Et maintenant c’est la pression des travailleurs du privé comme du public qui pèse sur les bureaucraties syndicales. Et sur le gouvernement un discrédit profond.

A cela il faut ajouter des frictions internes à l’appareil de la CGT, où après le départ de son dirigeant historique depuis des décennies, Hugo Moyano, n’a pas de leadership avec l’autorité suffisante pour contrôler la base et imposer une ligne à toutes les fractions internes. Cette crise interne se couple avec une forte dispute à l’intérieur de l’appareil du parti péroniste auquel la centrale est liée historiquement.

Tous ces ingrédients sèment une grande inquiétude parmi la classe dominante, à commencer par le gouvernement lui-même qui voit d’un très mauvais œil ce débordement de la base de la CGT. Ainsi, on ne peut pas exclure que la direction de la CGT appelle à une grève générale de 24h prochainement pour décompresser la situation.

Le syndicalisme combattif et l’extrême gauche ont défilé dans une colonne indépendante

Le syndicalisme combattif et l’extrême gauche, notamment les partis qui composent le FIT (Front de l’extrême gauche et des Travailleurs), ont dénoncé les mots d’ordre conciliateurs de la manifestation et ont décidé d’y participer mais avec un appel et programme propre. En effet, malgré le cadre limité imposé par la politique de la bureaucratie syndicale, il s’agissait pour eux d’une opportunité pour la classe ouvrière de s’exprimer collectivement contre le gouvernement et exprimer leur volonté de lutter à travers la grève générale.

Parmi les revendications de ces secteurs on trouvait évidemment l’exigence de la convocation à la grève générale, le soutien aux luttes en cours, l’opposition aux licenciements et aux coupes salariales, le partage du temps de travail, contre la précarité et les augmentations d’impôts et des coûts des services et la défense des usines sous contrôle ouvrier.

Le contexte d’agitation sociale rampante crée un terrain favorable à ce que les revendications des secteurs de la gauche syndicale combattive et de l’extrême gauche rencontrent une audience large. Alors que le continent semble tourner à droite depuis plusieurs mois, cette mobilisation naissante de la classe ouvrière en Argentine contre le gouvernement de droite de Mauricio Macri ouvre des perspectives très intéressantes pour l’ensemble du sous-continent sud-américain.

11 mars 2017

Un commentaire sur “Poussée de la grève générale en Argentine : les travailleurs chassent les dirigeants syndicaux

  1. insolent45
    27 mars 2017

    Une petite clarification sur la CGT d’Argentine, syndicat qui ne correspond en rien avec les syndicats qui ont les mêmes initiales, comme en France ou en Espagne. Un bref et insuffisant rappel de l’histoire du syndicalisme argentin qui n’a pas commencé que sous le Péronisme.

    Il n’y a pas toujours eu des portraits du Général dictateur au siège de la centrale syndicale.

    L’organisation des ouvriers en Argentine est venue des immigrants européens, en général italien, de tradition et une idéologie en premier lieu anarchiste et aussi socialiste.

    Les premières centrales ouvrières (FOA-FORA) furent dirigées par des anarchistes. Avec méthodes de démocratie directe.

    Vers 1915 la FORA est divisée suite à un débat sur ses buts, vers le communisme ou pas. Une tendance syndicaliste « neutre » surgit à partir de cette rupture, celle qui en 1922 donne naissance à l’Union Syndicale l’Argentine (USA) l’une des centrales que la CGT intégrera.

    En 1930, de la fusion des USA et de la COA, forme la CGT, influencées par les idéologies des révolutionnaires syndicalistes, des socialistes et de communistes.

    Mais les débats continuent. Les trois tendances se divisent : les révolutionnaires syndicalistes quittent la CGT et refondent les USA, les communistes la CGT Nº2 et les anticommunistes étaient dans la CGT Nº1.

    La dictature de 1943, depuis le secrétariat du travail tenu par Perón forge la réunification de force du mouvement ouvrier dans une seule centrale la CGT.

    La politique mise en avant a été celle de faire des concessions pour contenir les masses et bureaucratiser les directions du mouvement ouvrier. Cela a été possible par la situation de crise économique européenne qui a renforcé le développement industriel et les exportations de matières.

    Ce qui a permis d’octroyer des concessions importantes au mouvement ouvrier. Habilement Perón a mis cette situation économique à profit pour coopter, cadenasser et jeter les bases du modèle syndical actuel : vertical, étatiste et monolithique, il devient la « colonne vertébrale » du mouvement péroniste.

    La réforme des statuts de la CGT, le statut du parti « justicialista », la loi d’associations syndicales et la réforme constitutionnelle de 1949 ont été l’expression juridique de la subordination politique de la centrale ouvrière à l’État Capitaliste.

    Après le départ de Peron, la CGT s’est retrouvée face à la répression des différentes dictatures en Argentine, elle a mené de grands mouvements de lutte sociale dans les villes industrielles de Cordoba, Rosario. Elle a même mené des actions de luttes armées et réquisitions et redistributions dans les quartiers pauvres. Elle en a gardé un grand prestige dans une partie de la classe ouvrière.

    Après le départ des militaires, la centrale a retrouvé et rempli son rôle de tampon entre les travailleurs et les patrons ; trahissant ses bases et surtout accomplissant la fonction de soutien aux partis politiques se revendiquant de Peron. La direction du syndicat a toujours su maintenir son pouvoir sur la centrale, et bénéficier de l’argent du syndicat, même si parfois elle prends quelques baffes bien méritées.

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Cette entrée a été publiée le 11 mars 2017 par dans Actualités des luttes, AMERIQUE LATINE, anticapitalisme.
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