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Maroc 30 août 1925 : la France et l’Espagne s’entendent pour écraser dans le sang la république du Rif

Le 30 août 1925, les Généraux Pétain (France) et Primo de Rivera (Espagne) signent à Algésiras un plan d’action conjoint contre l’armée d’Abdelkrim, chef de la résistance rifaine.

Après la victoire spectaculaire d’Anoual, 21 juin 1921, Abd el-Krim El Khattabi renforce son pouvoir en créant un Etat, la République du Rif, avec un gouvernement et une administration centralisée. Cette question reste taboue dans le Maroc d’aujourd’hui. Feu Mohamed V a donné son approbation à l’intervention des Français pour appuyer les Espagnols qui avaient été mis en échec.

Le maréchal Lyautey, résident général au Maroc depuis 1912 écrit en 1925 : « En présence des éventualités créées par la soudaineté et la violence de l’irruption des rifains […], il est impossible de rester dans cette situation, sous peine, je le dis nettement, de risquer de perdre le Maroc. » Il obtient des victoires mais il est remplacé par le général Pétain. Le commandant Naulin réussit à vaincre les Rifains.

27 mai 1926 : Abdelkrim se rend. C’est la fin de la Guerre du Rif

Abdelkrim rejetant les Espagnols

Abdelkrim rejetant les espagnols

Aucun humaniste, aucun socialiste, aucun internationaliste ne doit oublier cette guerre dans la bande côtière du Rif au Nord du Maroc et ce, pour au moins quatre raisons :

* le Maroc a été une des premières régions du monde livrée aux appétits du capitalisme mondial : à partir de la conférence d’Algésiras en 1906, la majorité du pays passe sous occupation française, le Rif sous occupation espagnole. Ces deux Etats ont à charge de maintenir l’ordre impérialiste mais c’est au marché mondial que le Maroc est essentiellement livré avec des droits de douanes très bas selon le régime dit de la Porte Ouverte. La ville de Tanger reste zone franche internationale.

* Pays de montagne, le Rif a résisté héroïquement face aux invasions coloniales. Il a subi ensuite un exode très important de population vers les pays européens. Ces travailleurs découvrent dans le monde ouvrier européen, l’aspiration à l’égalité, la liberté, la fraternité, l’émancipation des peuples et des individus. Lorsque Abdelkrim proclame la République du Rif en février 1922, le monde entier a les yeux tournés vers ce premier mouvement de masse anti-colonial de libération nationale.

* La guerre de 1914 a fait des États-Unis le banquier du monde, la puissance qui tire profit de sa dette. La France est saignée, mais dispose d’une immense armée faisant appel aux troupes coloniales. Lyautey destitué, c’est Pétain qui sera envoyé pour combattre Abd el-Krim ; il disposera de 32 divisions, plus de 350 000 hommes. L’Espagne qui est en mal d’empire perdu, est poussée par le parti africaniste à reprendre pied outre-mer ; or son armée a déjà été battue dans ses tentatives de conquérir le Rif, avant 1914 à partir de Ceuta et Melilla.

* Cette Guerre du Rif a été finalement gagnée par les armées française et espagnoles au prix de crimes contre l’humanité indiscutables. Crime contre l’humanité l’utilisation de 407 tonnes de gaz (hypérite, chloropicrine, phosgène) largués par l’aviation. Crime contre l’humanité l’extermination de villages entiers, sans aucun survivant lors de la reconquête.

* Dernière raison de ne pas oublier cette guerre : de jeunes français (en particulier syndicalistes CGTU et membres des Jeunesses Communistes) ont mené un combat remarquable contre cette guerre en particulier lors de la grève politique avec manifestations du 12 octobre 1925 (900000 grévistes).

 

Le but de cette guerre pour les forces françaises et espagnoles est, à l’époque, de conserver l’influence de la France et de l’Espagne sur leurs colonies marocaines, mais aussi de soumettre les tribus du Rif sous l’autorité du Sultan Mohamed V.

Un mouvement anti-colonialiste essaie de se développer en France face à cette guerre du Rif.

La guerre du Rif

Guerre du Rif. Naissance et progrès d’un mouvement anti-colonialiste en France

La présence espagnole au Nord du Maroc (Rif) est ancienne. En 1496, elle s’est emparée du port de Melilla puis d’Alhucemas (Al Hoceïma), Penon de Vélez de la Gomera, enfin Ceuta pris aux Portugais. En 1906, la conférence d’Algésiras accorde des droits spéciaux à la France sur le Maroc mais confie l’administration du Rif à l’Espagne.

Dès 1918, le roi d’Espagne a fait venir un ingénieur allemand spécialisé dans les armes chimiques pour préparer la guerre du Rif. En 1920, le général Manuel Fernandez Silvestre, commandant général de Melilla, entreprend réellement la conquête du Rif. Après quelques petits succès, il subit une véritable déroute à Anoual, le 20 juillet 1921 face à la tribu des Beni Ouriaghel dirigée par Mohamed Ben Abdelkrim El-Khattabi. Le gouvernement du roi Alphonse XIII envoie sans cesse des renforts en soldats et en matériel.

En 1922, le Rif se proclame République indépendante. « Le Parti communiste français unanime félicite Abdelkrim pour ses succès « . Le 2 juillet 1925, le premier appel collectif anticolonialiste est lancé à l’initiative du grand écrivain et grand humaniste Henri Barbusse. Figurent dans cet appel les signatures d’André Breton, Louis Aragon, Robert Desnos, Paul Eluard, Benjamin Péret, Paul Signac, Philippe Soupault, Maurice Vlaminck, Léon Werth… Le texte stigmatise les massacres, appelle à la négociation et à la paix, affirme des positions internationalistes de principe.

« Nous proclamons une fois de plus le droit des peuples, de tous les peuples, à quelque race qu’ils appartiennent, à disposer d’eux-mêmes. Nous mettons ces clairs principes au-dessus des traités de spoliation imposés par la violence aux peuples faibles. Nous considérons que le fait que ces traités ont été promulgués il y a bien longtemps ne leur ôte rien de leur iniquité. Il ne peut y avoir de droit acquis contre la volonté des opprimés. On ne saurait invoquer aucune nécessité qui prime celle de la justice. »

Les 4 et 5 juillet se tient à paris un « congrès ouvrier et paysan qui lance l’idée d’une grève générale d’une journée pour affirmer hautement le refus de la guerre comme outil de relation internationale. Le 31 juillet, le congrès confédéral national de la CGTU entérine la décision de préparer une journée nationale de grève politique contre la guerre coloniale du Rif.

Le 30 août 1925, les généraux Pétain (France) et Primo de Rivera (Espagne) signent à Algésiras un plan d’action conjoint contre l’armée d’Abdelkrim, chef de la résistance rifaine. Une armée franco-espagnole considérable est réunie dans le Nord du Maroc : 250000 hommes, 32 divisions. Pétain impose une guerre totale dans laquelle l’artillerie et l’aviation (nombreux pilotes américains) anéantissent les villages et leurs populations civiles, où l’armée n’accepte aucun prisonnier, tout homme pris étant fusillé.

En France, la presse aux ordres de ses propriétaires financiers se vautre, comme toujours, dans l’ignominie. L’armée franco-espagnole défendrait au Maroc « la civilisation occidentale ». Les habitants du Rif sont dépeints comme retournés « à l’état sauvage »…

La CGTU organise plusieurs grandes initiatives à Paris, Lille, Lyon, Béziers, Marseille, Bordeaux, Strasbourg.

 12 octobre 1925 Grève « générale » contre la guerre coloniale du Rif

Le 10 octobre 1925, le comité d’action fixe la date du 12 pour la grève générale sous un appel typique de grève politique « Travailleurs et travailleuses L’Heure de la démonstration prolétarienne a sonné. Lundi 12 octobre, vous cesserez le travail pour 24 heures. Désertez en masse votre travail, manifestez avec le comité central d’action. A bas la guerre ! Vive la grève générale de 24 heures ! »

A ce moment-là, la majorité des députés est toujours constituée par les forces du cartel des gauches, majoritaires aux législatives d’avril 1924. Cependant, la spéculation sur le franc et les manoeuvres de la banque de France (aux mains des « 200 familles ») ont fait éclater ce cartel, les radicaux faisant alliance avec la droite derrière Paul Painlevé, avec la bénédiction du patronat qui pousse à réprimer durement la grève politique contre la guerre du Rif puisque seuls les ouvriers les plus politisés, les plus investis dans l’action syndicale, cesseront le travail.

En effet, un ouvrier nommé André Sabatier est tué par balle dans son usine. La police réprime les rassemblements ; elle procède à des centaines d’arrestation (près d’un millier) pour faits de grève ou pour participation à des mouvements ayant entraîné des heurts avec elle. La volonté d’écraser le mouvement anti-colonialiste est telle que plusieurs inculpés se voient seulement reprocher d’avoir chanté « Au Maroc » ou récité le poème de Montéhus « Aux victimes du Maroc ». En novembre 1925, 165 syndicalistes sont encore emprisonnés et 263 poursuivis. Les tribunaux au service des intérêts patronaux et coloniaux requièrent 320 années de prison.

Quelle a été la réalité de la « grève générale » du 12 octobre 1925 ? 1 million de grévistes et des centaines de milliers « solidarisés avec la grève par des moyens appropriés selon la CGTU ». Les historiens avancent, après étude des documents concernés entre 400000 et 600000 grévistes. C’est déjà énorme pour une lutte de ce type.

Je partage l’avis de l’historien Alain Ruscio exprimé dans L’Humanité Dimanche. La querelle sur le nombre de grévistes « n’a d’intérêt que si l’on suppose que les organisateurs de la grève pensaient qu’elle avait à elle seule la capacité d’arrêter la guerre. Ce qui serait leur prêter une immaturité politique abyssale. En fait, ce qui compte, c’est évidemment la signification symbolique du mouvement. Dans un climat particulièrement défavorable, des organisations ont visé très haut : faire la démonstration que l’internationalisme pouvait passer -ou plutôt commencer à passer- dans les actes. Les grévistes d’octobre 1925 étaient en tout état de cause minoritaires mais ils ont marqué de leur empreinte l’histoire sociale et politique française. »

 

Après sa défaite, Abd el-Krim est envoyé en exil à l’île de la Réunion en 1926. Quand il s’évade en 1947, il s’installe au Caire où il est l’un des fondateurs du Comité de Libération du Maghreb. Sur le tard, avant son décès en 1963, Abdelkrim dira de cette période (1920-1925), avec quelque amertume : « Je suis venu trop tôt. » Le Rif se soulèvera de nouveau en 1958 -1959. Son mouvement sera écrasé par les toutes nouvelles Forces Armées Royales (FAR) commandées par le Prince Moulay Hassan, futur roi Hassan II. La répression sera sanglante et restera dans la mémoire de tous les rifains.

mercredi 30 août 2017.   Jacques Serieys                            

 

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Cette entrée a été publiée le 1 septembre 2017 par dans anticapitalisme, COLONIALISME, DOCUMENTS POUR L'HISTOIRE, IMPERIALISME, MAGREB.
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