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Palestine. Sissi et la «réconciliation entre le Fatah et le Hamas»

Par Julien Salingue

Le 12 octobre 2017, un accord de «réconciliation» était signé au Caire entre les deux principales factions palestiniennes, Fatah et Hamas, en conflit ouvert depuis plus de 10 ans. Un air de déjà-vu, mais aussi quelques éléments nouveaux, qui ne laissent pas présager des lendemains qui chantent pour les Palestiniens et les Palestiniennes.

Nulle raison, a priori, de ne pas se réjouir d’une réconciliation entre Fatah et Hamas, tant les divisions internes ont contribué à affaiblir un peu plus le mouvement national palestinien au cours de la dernière décennie. Mais à regarder de plus près, nulle raison de s’enthousiasmer non plus…

L’Egypte de Sissi à la manœuvre

Le lieu de la signature de l’accord n’est pas anodin, puisque le «choix» du Caire confirme le rôle joué par l’Egypte de Sissi dans le processus de réconciliation. Voilà qui ne peut manquer d’inquiéter lorsque l’on sait que Sissi est un de ceux qui incarnent le mieux, au niveau régional, la contre-révolution, l’écrasement des aspirations démocratiques et la bonne entente avec Israël… L’Egypte s’impose de nouveau comme un acteur essentiel dans la région, notamment aux yeux des Etats-Unis qui ont tacitement approuvé la démarche et le contenu de l’accord.

Le 12 octobre, le ton du maréchal-président avait de quoi faire frémir, entre autres lorsqu’il a précisé que la réconciliation était une première étape vers une «paix» globale, et que «l’Histoire ne sera pas clémente avec ceux qui manqueront la chance d’une paix». De tels propos, venus de celui qui a organisé l’écrasement des Frères musulmans et des mouvements démocratiques égyptiens, et approfondi la collaboration avec Israël pour maintenir et renforcer le blocus de Gaza – notamment via la destruction des tunnels de ravitaillement – ne laissent guère planer de doute quant au sort de ceux qui refuseraient de rentrer dans le rang.

Aucun contenu politique

L’accord entre Fatah et Hamas est un accord entre deux mouvements affaiblis et en quête de légitimité, dont le contenu politique est minimal. Il s’agit uniquement d’organiser le retour de l’Autorité palestinienne (AP) à Gaza et de lui confier l’administration du territoire à l’horizon du 1er décembre. Ce faisant, le Hamas se décharge du poids de la responsabilité administrative de Gaza (et donc de la gestion des conséquences du blocus) et espère se refaire une santé en tant que force d’opposition, tandis que Mahmoud Abbas et l’AP vont pouvoir se revendiquer «seul gouvernement légitime du peuple palestinien».

Un accord «gagnant-gagnant» pour les deux factions, du moins sur le court terme, mais qui ne présage en rien une réconciliation «politique» au sein du mouvement national, contrairement à ce que certains optimistes affirment. L’absence de contenu politique laisse planer de nombreux doutes, et le Hamas, au pied du mur, joue gros. «Le schisme est derrière nous, et nous avons décidé de payer n’importe quel prix pour que la réconciliation marche», a ainsi affirmé Ismaïl Haniyah, ancien Premier ministre à Gaza. Mais dans le même temps, le Hamas déclarait que, s’il reconnaîtrait la légitimité des forces de sécurité de l’AP, il se refuserait à rendre les armes…

Or le mouvement sait qu’il s’agit là d’une condition inacceptable pour Israël et ses soutiens, qui exigent le désarmement du mouvement comme préalable à tout accord. Le triste feuilleton risque donc de se poursuivre et, à moyen et long terme, on ne voit pas bien comment la population pourrait bénéficier d’un accord de circonstance, soutenu par des ennemis des Palestiniens et Palestiniennes, et qui ne ressemble en rien à un programme de libération mais plutôt à la préparation des capitulations – et des tragédies – à venir. (18 octobre 2017)

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«Le diable se cache dans les détails»

Par Aliaa Al-Korachi

Dans Al Ahram Hebdo, en date du 11-17 octobre 2017, Tareq Fahmi, professeur de sciences politiques à l’Université du Caire, ajoute quelques informations «utiles» à la «compréhension» de cet accord : «Les chances de réussite proviennent également, du changement de « la nature du rôle égyptien qui a évolué de rôle de médiateur à un rôle de garant officiel de l’application de la réconciliation sur le terrain ». Mahmoud Abbas a même déclaré qu’il n’accepterait l’intervention de quiconque dans les affaires palestiniennes «sauf l’Egypte». Les services de renseignements égyptiens ont joué, en fait, un rôle-clé au cours des mois derniers, pour réunir les deux parties palestiniennes, en faisant la navette entre Gaza et la Cisjordanie. «Toutes les données indiquent que l’Egypte a une forte intention de faire réussir cette fois-ci la réconciliation, et en a témoigné la présence du chef de renseignements égyptien, Khaled Fawzi, lui-même dans la bande de Gaza. Cela a été suivi par un discours prononcé par le président Abdel-Fattah Al-Sissi en faveur de la réconciliation et son importance sur l’échelle régionale », dit Mohamad Kamel, chercheur au CEPS [Centre des Etudes Politiques et Stratégiques d’Al-Ahram au Caire], avant d’ajouter: «L’Egypte a deux buts stratégiques: la réconciliation palestinienne et la relance du processus de paix ».

«Le contexte international a été aussi évolué, ajoute Kamel, en estimant que l’Occident s’est tourné maintenant vers le dossier palestinien, vu que le combat contre Daech en Iraq est presque terminé. Le chercheur pense également que Washington n’oppose plus son veto à la réconciliation, puisque le président américain, Donald Trump, a son propre projet pour relancer le processus de paix, nommé « L’accord du siècle », qui n’avancera pas sans que toutes les factions palestiniennes se réunissent en une seule entité.

Les réactions de Tel-Aviv sont différentes cette fois-ci, selon Kamel, de celles affichées suite à la signature de la réconciliation de 2014: «Pour Tel-Aviv, la réconciliation pourrait éviter un nouveau conflit armé avec le Hamas».

Bien que les circonstances soient plus propices cette fois à la réconciliation qu’auparavant, « le plus dur reste à faire », juge Fahmi. Et d’ajouter: «Le chemin vers la réconciliation est semé d’embûches, puisque les questions épineuses n’ont pas été encore débattues ». Fonctionnaires, point de passage, élections et sécurité, armes de la résistance, sont des dossiers problématiques qui ont été renvoyés aux discussions du Caire. Pour Gomaa, l’optimisme qui règne aujourd’hui doit être cependant pris avec «prudenc ». Selon le chercheur, le diable se cache dans les détails. «Le principal enjeu c’est de parvenir à une formule satisfaisant toutes les parties», dit-il.

Parmi les détails, à titre d’exemple, les salaires des 45’000 fonctionnaires recrutés par le Hamas depuis sa prise du pouvoir à Gaza pour remplacer plus de 70’000 employés de l’Autorité palestinienne qui, eux aussi, continuent à recevoir leur salaire. «Comment éviter un gonflement de l’appareil administratif palestinien? C’est un défi de taille», estime Mohamad Kamel, spécialiste des affaires palestiniennes au CEPS. «Il faut aussi se mettre d’accord sur une date pour les élections législatives et présidentielle. Qui va gérer les passages et les frontières du Gaza avec l’Egypte ou avec Israël? Quels sont les mécanismes de l’intégration du Hamas au sein de l’OLP? Et comment va se faire l’unification des institutions exécutives, administratives et judiciaires de Gaza et de la Cisjordanie?», se demande Kamel.

Et puis il y a le dossier miné des «armes de la résistance ». Selon Kamel, il ne fera pas partie de l’ordre du jour des discussions du Caire et sera reporté aux sessions ultérieures. Selon les prévisions, ce sujet pourrait même être reporté jusqu’à parvenir à un règlement politique avec Israël. Pour le Hamas, les armes de la résistance sont «une ligne rouge ». Quant à Abbas, il n’acceptera pas de «reproduire l’exemple du Hezbollah» à Gaza. Malgré ces défis, «on est cette fois-ci loin de retourner à la case départ. Mais le règlement de ces dossiers risque de prendre beaucoup de temps», conclut Gomaa.

 

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Cette entrée a été publiée le 21 octobre 2017 par dans anticapitalisme, EGYPTE, Palestine.
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