Cinq milliards passés à l’as. Si l’on en croit un article du Canard Enchaîné, l’administration française aurait sous-estimé le déficit commercial français (la différence de valeur entre exportations et importations) depuis plusieurs années. Et en 2017, elle n’aurait «déclaré» que 62,3 milliards d’euros, un résultat déjà très préoccupant pour notre économie, chroniquement importatrice, alors que selon l’agence européenne de statistique Eurostat, le vrai montant serait plutôt de 67,3 milliards. Un décalage potentiellement grave, un mauvais calcul pouvant avoir des répercussions sur la politique commerciale de la France, et son économie.
Ces erreurs sur les chiffres du commerce extérieur, bien qu’ «effarantes», comme les qualifie le journal satirique, sont-elles évitables? Non, pour les Douanes françaises qui ont rapidement réagi, publiant un communiqué qui évoque des «asymétries» statistiques normales, que l’on retrouve dans tous les pays lorsqu’ils calculent leurs échanges. Cette distorsion des valeurs réelles est d’ailleurs, comme le reconnaît Le Canard Enchaîné, moins forte en France qu’ailleurs: «les statistiques françaises font état d’une asymétrie proportionnellement moins importante que celle des partenaires européens: 1,5 % des échanges contre 2% en Allemagne, 2,5% au Royaume-Uni et 6,4% en Italie», selon les Douanes.
De plus, «la France et d’autres pays mènent de nombreuses études pour comprendre et essayer de réduire ces asymétries. Par exemple, les statisticiens français et américains travaillent actuellement sur une analyse particulière relative aux asymétries France-USA», ajoute l’administration. Le directeur général des Douanes françaises, Rodolphe Gintz, a également réagi en déclarant: «je n’accepte pas […] que le travail professionnel des Douanes françaises soit qualifié de «doigt mouillé».
C’est un biais technique qui explique les décalages de calcul, aboutissant à ce que les échanges estimés entre deux pays ne soient pas les mêmes selon que l’on adopte le point de vue de l’un ou de l’autre. Parfois, comme le souligne la direction des Douanes, c’est parce que la valeur d’une marchandise exportée peut comprendre la valeur du transport jusque chez le client si le vendeur s’est chargé du transport. Les dés sont pipés si c’est l’acheteur qui s’en charge.
La détermination d’une valeur «à la frontière» est difficile aussi car les comptabilités des entreprises ne sont pas accordées. En outre, lorsque les pays ont chacun leur monnaie, le taux de change utilisé pour calculer la valeur des échanges peut être différent entre les administrations nationales. Enfin, en dessous de certains seuils de valeur de marchandise, les formalités administratives sont plus simples et les échanges ne sont pas inscrits au calcul, et les administrations doivent les quantifier par d’autres moyens, ce qui induit là encore des différences.