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Buzyn annonce des mesures pour désengorger les urgences en « surchauffe ». Encore du blabla !

« On a besoin de trouver une solution de fond, pas juste de soigner le symptôme », a fait valoir, lundi, la ministre de la santé.

François Béguin

Pour tenter de faire retomber la colère des soignants dans les services d’urgences, Agnès Buzyn accélère son calendrier. Sans attendre la mi-septembre, comme initialement prévu, la ministre de la santé a dévoilé, lundi 2 septembre, une première batterie de mesures pour « améliorer la situation » de services « en surchauffe ». Ces annonces surviennent alors que près de la moitié des services d’urgences du secteur public – 241 selon le collectif Inter-Urgences, 195 selon le ministère de la santé – sont en grève.

Après avoir débloqué 70 millions d’euros en urgence avant l’été, notamment pour financer une nouvelle « prime forfaitaire de risque » mensuelle de 100 euros net pour les infirmiers et les aides-soignants des urgences, la ministre n’entendait pas annoncer des hausses d’effectifs ni de réouverture de lits d’hospitalisation. « On a besoin de trouver une solution de fond, pas juste de soigner le symptôme, cette fièvre ressentie au niveau de l’activité des urgences », a déclaré Mme Buzyn lors d’une visite au CHU de Poitiers.

Pour « réduire au maximum les passages des personnes âgées » aux urgences, la ministre souhaite généraliser des « filières d’admission directe » et promet une « incitation financière, une forme de bonus aux hôpitaux qui [les] mettront en place ». Une « vidéo-assistance entre les Ehpad [Etablissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes] et le SAMU » devrait également être mise en place pour éviter des hospitalisations en cas de « pathologies bénignes ».

Des infirmiers aux compétences élargies

Les SAMU seront autorisés à envoyer une ambulance vers un cabinet de ville ou une maison de santé. Des consultations et certains examens médicaux pourront y être réalisés sans avance de frais, pour que les patients y « trouvent le même avantage qu’à aller aux urgences ». Certains examens de biologie pourront également y être faits « pour permettre au patient de réaliser ses examens dans le même lieu à l’issue d’une consultation et d’obtenir un résultat dans des délais courts ».

Les personnels paramédicaux des urgences auront également le droit de « faire des gestes qu’ils ne peuvent pas faire aujourd’hui », comme « prescrire de la radiologie [ou] faire des sutures », ce qui leur permettra de toucher une « prime de coopération » de 80 euros net par mois. A terme, le nouveau métier d’infirmier en pratique avancée (IPA), avec des compétences élargies, sera étendu à la spécialité « urgences », avec de premières formations à partir de l’automne 2020 et de premiers soignants diplômés en 2022.

La ministre de la santé souhaite enfin généraliser « l’extension de la gestion informatisée en temps réel des lits ». Le dispositif, connu à l’hôpital sous le nom de « bed manager », doit permettre une optimisation des lits disponibles au sein d’un établissement. La moitié des groupements hospitaliers de territoires devra être équipée « dès l’année prochaine ».

 « Du réchauffé »

Ces mesures, présentées comme « consensuelles [et] remontées du terrain » dans le cadre de la mission confiée en juin au chef du SAMU de Paris, Pierre Carli, et au député La République en marche de Charente Thomas Mesnier, ont été diversement accueillies par les représentants des professionnels des urgences. « Cela va globalement dans le bon sens », estime le Dr François Braun, le président de Samu-Urgences de France, un syndicat de médecins urgentistes. « En amorçant la diminution de la charge qui pèse sur les urgences, on est dans la construction de quelque chose pour l’avenir, ce n’est pas un nouvel emplâtre sur une jambe de bois », estime-t-il.

« C’est du réchauffé », estime pour sa part Hugo Huon, infirmier aux urgences parisiennes de Lariboisière et président du collectif Inter-Urgences. « Les gestionnaires de lits, par exemple, c’est nécessaire mais c’est loin d’être une solution miracle quand il n’y a pas de lits », fait-il valoir. « Toutes les mesures de réorganisation peuvent être discutées, certaines sont bonnes, d’autres mauvaises, mais si on ne desserre pas la contrainte financière qui pèse sur l’hôpital en desserrant significativement l’Ondam [objectif national de dépense d’Assurance-maladie], on ne s’en sortira pas », assure Christophe Prudhomme, porte-parole de l’association des médecins urgentistes de France (AMUF) et membre de la CGT.

La semaine prochaine s’annonce cruciale pour la suite du mouvement de grève aux urgences. Agnès Buzyn a annoncé qu’elle recevrait le 9 septembre « tous les acteurs du secteur », des syndicats et fédérations hospitalières aux représentants des médecins libéraux et du collectif Inter-Urgences pour « compléter et formaliser » les premières mesures présentées lundi. Des mesures propres selon elle, à « refonder le modèle de soins d’urgences ».

Le lendemain, les membres du collectif Inter-Urgences se retrouveront à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) pour valider une plate-forme de revendications qui permettra aux syndicats de médecins hospitaliers de s’associer au mouvement, tout comme les soignants d’autres secteurs, comme la psychiatrie.

Crise aux urgences : « Un Grenelle de l’hôpital s’impose »

Madjid Si Hocine, Médecin hospitalier

Au-delà des urgences, c’est tout le système de santé qui est en voie d’explosion estime Madjid Si Hocine, médecin hospitalier gériatre, dans une tribune au « Monde ».

En médecine, on apprend bien vite que les apparences peuvent être trompeuses.
Certes, on a vu se dégrader sur les vingt dernières années les conditions de travail aux urgences. L’afflux de patients sans accès à des consultations non programmées ou incivils, ou encore de sujets âgés de plus en plus dépendants et « incasables » en raison de l’inadéquation des flux aux lits disponibles lors des pics, ont transformé ces services en lieux de souffrance pour les malades et pour les soignants.

Les urgentistes ont été aussi sans doute débordés par une organisation qui voulait se dimensionner pour accueillir toujours plus de patients, défendant pour certains le droit de tout un chacun à consulter aux urgences, gagnant ainsi de plus en plus de postes de médecins (désormais impossibles à recruter, sauf à avoir recours à un intérim coûteux), au détriment d’infirmiers et d’aides-soignants ou de brancardiers aujourd’hui plus utiles.

Cependant la généralisation de l’accès aux examens complémentaires permet de fluidifier et de faciliter la pertinence diagnostique, mais elle a un certain coût et entretient la demande. Cet accès facilité au scanner, à la télémédecine n’est que de peu d’intérêt pour les problèmes de maintien à domicile, pour les problèmes sociaux, la « bobologie » envahissante et dominante parmi les consultants et ne réclamant aucune exploration…

Lits vides et « bloqueurs de lits »

Au-delà des urgences, c’est le système de santé dans son ensemble qui est déstabilisé. Des déserts médicaux pour lesquels la seule solution proposée est la télémédecine ou des infirmiers de pratique avancée qui ne suffiront pas, ou encore des stages imposés aux internes : peu d’effets en sont attendus, alors que seules des mesures directives (conventionnement sélectif, temps partagés pour les praticiens des centres urbains de proximité…) pourraient corriger cette discrimination inacceptable dont sont victimes nos concitoyens.

Dans les hôpitaux cohabitent des lits vides en chirurgie, des services de médecine pleins à craquer ne sachant parfois plus où faire sortir des malades dont les services de soins de suite (SSR) ne veulent pas toujours car ils ont déjà un certain nombre de « bed bloqueurs » (« bloqueurs de lit »). Or on sait qu’une journée en « médecine » est facturée plus de 700 euros, alors que le coût d’une journée en SSR est moitié moindre. A ce compte, l’Etat aurait même intérêt à avancer les frais d’un hébergement en maison de retraite quand les durées d’hospitalisation s’allongent…

Le site d’hébergement en ligne Booking.com peut trouver en temps réel une chambre dans n’importe quel endroit au monde mais le service de santé français est incapable de dire à un urgentiste ou à un hospitalier où il pourrait transférer son malade dans un lit vacant.

La novlangue hospitalière s’articule désormais autour de mots barbares : durée moyenne de séjours (DMS), qualité, pertinence des soins… La DMS, pour pouvoir être réduite, et avec elle la valeur de la facture, voudrait que l’on admette que les malades qui ne l’allongeront pas en raison de leur dépendance, de leur problématique médicale ou sociale. Pourtant, dans l’intérêt de tous et notamment du malade, il ne faut pas le laisser stagner dans les « services portes » [services de courte durée] des urgences ou sur des brancards où la mortalité croît proportionnellement au temps de présence aux « portes ». Un nœud gordien de plus !

« Désacerdotalisation » et burn-out

Personne ne serait contre la démarche qualité s’il s’agissait réellement d’améliorer la prise en charge médicale, les soins de supports, l’hôtellerie…, et non d’être juste capable d’afficher des indicateurs satisfaisants sans impact percutant sur les problèmes de prise en charge pratique des malades. Les patients ont surtout besoin qu’on leur parle, qu’on leur donne à manger, et que l’on fasse les soins de proximités avec humanité.

Tout le monde a déjà entendu les plaintes récurrentes des professionnels, les a vus courir en tous sens. Ils sont encore solides, mais le danger, face à des situations où ils ne trouvent plus le sens de leur métier, est qu’ils soient contraints à la distance, à une « désacerdotalisation » déjà en marche, par peur du burn-out, qui n’est pas une légende. Beaucoup fuient déjà les services les plus lourds (unité gériatrique aiguë, service de médecine polyvalente, etc.).

Il ne s’agit pas que d’une question de rémunération pécuniaire, qui sera toujours moins importante que la rémunération symbolique, mais de cohérence, de meilleure prise en compte de l’opinion de ceux qui animent et font vivre le service hospitalier. Un exercice de démocratie participative reste à inventer, un Grenelle de l’hôpital s’impose.

Le pire n’est jamais certain mais le danger de l’explosion du système n’est pas nul. Il n’est pas certain que cela soit perçu par ceux qui ont désormais pris le contrôle de la machine hospitalière et ne proposent que d’éteindre les incendies.

Madjid Si Hocine est référent du pôle gériatrique à l’hôpital Saint-Camille, à Bry-sur-Marne (Val-de-Marne).

 

 

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Cette entrée a été publiée le 4 septembre 2019 par dans Actualités des luttes, anticapitalisme, FRANCE, HÔPITAL, MEDECINE, santé, URGENCES.
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