Par Robin Andraca 11 février 2020
Dans un communiqué publié ce mardi, en fin d’après-midi, le parquet de Bordeaux a annoncé la saisie de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) concernant le coup de pied donné au moment de l’interpellation. Et la poursuite de l’enquête préliminaire ouverte contre l’homme interpellé.
Quelques heures avant, l’avocat du jeune homme s’était également fendu d’un communiqué, se félicitant de l’absence de charge retenue pour l’heure contre son client, et y voyant une infirmation des accusations dont il avait été l’objet.
Depuis sa publication sur les réseaux sociaux, le 8 février, la vidéo filmée samedi à Bordeaux fait beaucoup parler d’elle, tant sur la brutalité de l’interpellation que sur les motifs de cette dernière. Contactée le lendemain par CheckNews, la vidéaste qui a tourné les images avait ainsi relaté la scène : un policier ayant reçu un projectile «pense savoir qui l’a lancé et crie « bonnet vert ! » à ses collègues. C’est à ce moment-là que le bonnet vert en question se mêle aux voyageurs, devant les vitres de la gare.»
Interpellation violente de la BAC#Bordeaux #GiletsJaunes #Acte65 #ViolencesPolicieres pic.twitter.com/oaoKu6tIt3
— AB7 Média (@Ab7Media) February 8, 2020
Contacté par CheckNews, le Sicop, service de communication de la police nationale, avait aussi justifié l’interpellation par un jet de projectile, mais assuré que l’homme avait été identifié en amont : «L’homme avait été repéré, notamment par l’hélicoptère déployé hier, comme en train de récupérer des barres de fer, et jetant régulièrement des projectiles sur les policiers. Se sentant identifié, il a tenté de se mêler aux voyageurs. C’est à ce moment-là que l’interpellation a eu lieu.»
Sur Twitter, dans la journée de dimanche, des internautes assuraient également avoir identifié le même homme dans une autre vidéo, issue cette fois du compte rendu de la journée publié sur la chaîne YouTube de AB7 Média. Dans cette autre séquence, on distingue un homme, un bonnet vert sur la tête, une barre de fer à la main. Il semble effectivement porter la même veste et le même jean que l’homme interpellé.
Au-delà du «jet de projectiles», «il n’est pas impossible, grâce à la vidéo, que l’on puisse ajouter « participation à un attroupement armé »», précisait le Sicop, dimanche.
Communiqué contre communiqué
Dans son communiqué publié en fin d’après midi, le parquet de Bordeaux reprend les éléments déjà évoqués : «le samedi 8 février 2020, dans le cadre du mouvement dit « des Gilets jaunes », les forces de sécurité étaient confrontées à différents endroits de la ville à des manifestants virulents qui commettaient diverses infractions. Ainsi, deux d’entre eux, visages dissimulés, étaient vus par un policier comme ayant jeté des projectiles sur sa personne. Repérés près de la Gare Saint-Jean de Bordeaux, les deux hommes étaient interpellés aux alentours de 16h30 pour violences volontaires commises sur personne dépositaire de l’autorité publique lors d’une manifestation sur la voie publique, participation à un groupement formé en vue de la préparation de violences volontaires dans une manifestation ou ses abords immédiats, destructions et dégradations, dissimulation volontaire et sans motif légitime de tout ou partie de leur visage dans une manifestation.» Et de conclure : «les mis en cause ont été entendus et seront reconvoqués. L’enquête ouverte contre eux se poursuit en préliminaire.»
Quant à la brutale interpellation elle-même, le parquet annonce, «nonobstant l’absence de plainte de l’individu interpellé», avoir «saisi l’IGPN d’une enquête aux fins d’obtenir des éléments propres à fonder sa décision future sur les suites à donner à cette affaire.»
Dans un communiqué publié ce mardi, plusieurs heures avant celui du parquet de Bordeaux annonçant la poursuite de l’enquête préliminaire, l’avocat de la personne interpellé s’était lui félicité que son client soit sorti de garde à vue «sans charge retenue contre lui»
🚨🚨🚨COMMUNIQUE DE PRESSE🚨🚨🚨 pic.twitter.com/yBFuxNd5Vi
— gabriel lassort (@GabrielLassort) February 11, 2020
Contacté par CheckNews, l’avocat ajoutait : «si les faits étaient aussi évidents qu’a bien voulu le dire la police pour justifier l’interpellation, il aurait eu immédiatement une convocation à une date ultérieure ou une comparution immédiate.» L’avocat affirme que son client «nie les jets de pierre dont il a été accusé», et va par ailleurs porter plainte pour «violences aggravées par dépositaire de l’autorité publique» et «menaces de morts réitérées».
L’avocat assure que son client, au-delà de l’interpellation «très brutale», «a été roué de coups après avoir été mis au sol», et qu’il a été «menacé de mort par des policiers dans le camion qui le menait à l’hôtel de police».
Tournure politique
Déjà objet de nombreux commentaires sur les réseaux sociaux depuis deux jours, l’affaire a pris une tournure politique en fin d’après-midi à l’Assemblée nationale. Lors des questions au gouvernement, le député LFI du Nord Ugo Bernalicis a interrogé le ministre de l’intérieur, évoquant une «scène surréaliste à Bordeaux. Des gens sont alignés contre une vitrine. Un policier, cagoulé, pointe du doigt un jeune immobile. Un autre l’attrape par le col, et le tire au sol, pendant que le premier lui assène gratuitement un coup de pied dans le ventre. Résultat, aucune charge retenue contre l’individu. Et une nouvelle plainte IGPN sans doute etouffée». Dans sa réponse, Christophe Castaner a accusé le député LFI de travestir la réalité. «Je vous invite à ne pas caricaturer, à ne pas travestir la réalité. A Bordeaux, les faits sont établis, un individu, qui se lie au Black bloc, qui se saisit de barres de fer, qui intervient contre nos forces de sécurité, qui est identifié, notamment pas une vue prise d’hélicoptère, et par plusieurs d’officiers de police judiciaire, fait l’objet d’une interpellation parfaitement dans les règles, et vous le savez.»