Le secrétaire général de la CGT Philippe Martinez assure dans La Croix que rien n’est encore joué dans le combat contre le projet de système universel des retraites. La CGT, qui peut faire preuve de « dogmatisme », doit mieux prendre en compte les nouvelles formes de travail.
La Croix : La CGT est clairement opposée au projet de réforme des retraites. Quelle serait votre alternative ?
Philippe Martinez : Notre projet est assez clair, contrairement à celui du gouvernement : améliorer le système actuel qui souffre de réformes qui ont affaibli les ressources dédiées à la Sécurité sociale. Il faut inverser cette tendance et rouvrir le robinet.
Pour financer un système de retraite plus solidaire, il faut d’abord être plus solidaire dans le travail. Régler le problème de l’inégalité salariale entre les femmes et hommes, par exemple, représenterait 6,5 milliards d’euros de cotisations supplémentaires. On pourrait aussi augmenter globalement les salaires, ce qui augmente naturellement les cotisations. Augmenter la masse salariale rien que de 1 % dans le privé, cela rapporte 3,6 milliards d’euros de cotisations sociales supplémentaires.
Peut-être faut-il aussi revoir les exonérations pour les employeurs sur les bas salaires. Les patrons ne payent pas de cotisations jusqu’à 1,6 fois le Smic, avec un double effet : pas de rentrée d’argent pour la Sécurité sociale et pas d’intérêt à vous augmenter pour rester sous le plafond. Il faut évaluer ce système, savoir s’il permet vraiment de créer de l’emploi.
Enfin, peut-être pourrait-on élargir l’assiette des cotisations, en intégrant les rémunérations aujourd’hui exonérées comme les primes d’intéressement et de performance, ou encore les transactions financières. Nous souhaitons aussi que tout le monde cotise de la même façon, quel que soit son revenu, et non pas dans la limite de plafonds comme le prévoit le projet de loi pour les hauts salaires.
Vous souhaitez aussi que les gens partent plus tôt à la retraite ?
La vraie question est celle de la répartition des richesses créées, et c’est un choix de société. Soit on considère que la protection sociale est un marqueur d’une société solidaire et fraternelle, soit on considère que c’est un coût. Ces deux conceptions s’opposent.
Siégerez-vous à la gouvernance du futur système s’il est mis en place ?
Vous ne participerez donc pas ?
La mobilisation n’a pas vraiment pris dans le secteur privé. Quelles leçons en tirez-vous ?
La grève est-elle le bon outil pour combattre un projet ?
Ces dernières années, les mobilisations nationales ont rarement atteint leur but. Cela remet-il en question votre stratégie syndicale ?
Sur la place du syndicalisme, il est vrai que le monde du travail change. Nous nous sommes intéressés à ceux qui avaient un contrat de travail, or de plus en plus de travailleurs n’en ont pas ! Nous avons pris du retard sur ce terrain. Nous sommes parfois un peu trop dogmatiques. Si nous sommes contre le travail du dimanche, cela ne doit pas nous empêcher de défendre ceux qui travaillent le dimanche. Je suis contre l’ubérisation mais elle existe et nous devons écouter ces travailleurs. Notre responsabilité en tant que syndicalistes est de nous occuper de toutes celles et tous ceux qui travaillent.
Il faut nous battre pour un syndicalisme de proximité. Dans la majorité des lieux où les syndicats sont présents, l’image des syndicalistes est meilleure et les droits des travailleurs, aussi. On ne peut pas passer notre vie avec des ministres, au risque de devenir soi-même une institution. L’essence de notre syndicalisme est d’être à côté des salariés et de les écouter pour connaître la réalité. Je dis souvent en interne : on a une bouche et deux oreilles, qu’est-ce qui doit servir deux fois plus ?
Le climat social vous semble-t-il plus tendu aujourd’hui ?
Le « respect » et « l’écoute », cela vaut-il pour les militants de la CGT qui ont investi les locaux de la CFDT ?
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Mardi 11 février. Fin prévue de l’examen du projet de loi en commission spéciale à l’Assemblée nationale. Une journée supplémentaire pourrait toutefois être ajoutée.
Lundi 17 février. Début de l’examen du projet de loi en séance publique à l’Assemblée nationale. Faute de parvenir à passer en revue les quelque 21 000 amendements déposés en commission spéciale, c’est la version du texte du gouvernement qui devrait être débattue. Plusieurs syndicats appellent à une journée noire dans les transports.
Lundi 9 mars. L’Assemblée nationale suspend ses travaux pour deux semaines, autour des élections municipales.
Avant l’été. Le gouvernement espère un vote du projet de loi.