« De la musique de chambre à la musique militaire ! » C’est par cette petite phrase anodine, et sans doute prononcée avec une pointe d’ironie, que le Préfet de région, Préfet du Loiret a illustré l’action des forces de l’ordre dans le cadre de la politique de confinement décrétée par le gouvernement. Ces paroles martiales ont été prononcées lors d’une conférence de presse le 17 mars dernier et rapportées par La Rep et France Bleu.
Quand on sait à quoi sert la musique militaire, qui est à la musique ce que la torture est au plaisir, on ne peut que s’interroger sur le fond de cette pensée en apparence anodine. Rêve-t-il de couvre-feu, de rues désertes où patrouillent flics et milices paramilitaires, de sombres caves où l’on interroge sans ménagement les dissidents du confinement ? Car être confiné à l’Elysée, à la préfecture où dans sa propriété de mille hectares en Sologne n’est peut être pas vécu de la même façon que de se retrouver bloqué dans une piaule d’étudiant ou dans un logement surpeuplé d’un HLM de banlieue.
Il est terrible de constater une nouvelle fois que les crises libèrent les bas instincts des plus policés des énarques brillants gestionnaires du système. Cet homme au passé riche en déclarations d’amour à la politique de la matraque, véritable perroquet de Castaner, a comme son mentor, soutenu sans aucune réserve, les forces de l’ordre lors de la répression sans retenue contre les manifestations des gilets jaunes dans l’Hérault où il sévissait auparavant. Ancien de la DGSE sous Sarkosy, ce grand serviteur de l’Etat aime la politique du LBD. Tenaillé par sa lutte contre l’extrême gauche, il aurait la fibre sociale et porterait à gauche. En tous cas pas la nôtre, de gauche. Plutôt la gauche caviar et financière qui a autant détruit notre modèle social que la droite.
Lors d’une audition à l’Assemblée Nationale sur les groupes sectaires d’extrême droite qui sévissent dans l’Hérault, il a banalisé leur réel danger expliquant qu’ils manquaient de moyens et de partisans. Et terminant son exposé, il n’a pu s’empêcher de s’en prendre dans ses propos à l’extrême gauche, les anars comme il dit, grands responsables des violences urbaines lors des manifestations à Montpellier, d’après lui. Les plus anciens d’entre nous se rappelleront peut être des propos paranoïdes de même nature proférés par Raymond Marcellin, ministre de l’intérieur entre 1968 et 1974. On prend les mêmes et on recommence.
Et surtout nous avons remarqué, depuis sa prise de fonction dans la cité johannique, sa politique particulièrement humaniste, avec le renvoi, dans leur pays d’origine, de jeunes migrants totalement abandonnés par les pouvoirs publics, les exposant à des dangers de mort. Mais qu’importe le sort de ces jeunes quand on sert l’Etat.
Cette crise montre ce dont la bourgeoisie est capable lorsqu’elle est déstabilisée dans ces affaires et sa recherche du profit. A part la répression pour imposer le confinement, rien n’est proposé sur le plan sanitaire sauf quelques bricolages en catastrophe.
Pour les entreprises, pas de souci. Lemaire et Macron ont des centaines de milliards à distribuer. Il faut maintenir intact, coûte que coûte le tissu économique pour pouvoir repartir plein pot après cette crise, qu’ils espèrent passagère. Pour la santé c’est plus compliqué de lâcher du flouse. Ce n’est pas trop leur style, le bien commun, la santé publique, les fonctionnaires… Tout ce qu’ils haïssent. Tout ce qui freine leur soif d’enrichissement sans limite.
Et puis il y a les petits malins pour qui cette crise est une aubaine. Fabricants de masques, de gel désinfectant, pour les petits joueurs et les avides de pub comme Shiseido qui arrose de gel la clinique Oréliance à Saran. Et puis les vrais requins comme le patron de Tesla, milliardaire, fondateur de Paypal, qui va lancer une fabrication de respirateurs.
On fait donc appel à l’armée, qui a, elle aussi, subit une cure d’austérité sans précédent dans les hôpitaux militaires. Même le Val de Grâce, navire amiral de la médecine militaire, a fermé. Les herbes folles ont remplacé, en plein Paris, soignant-es et soigné-es. On déménage les malades d’un bout à l’autre du pays par avion. Et l’hôpital militaire de Toulon pallie, pour l’instant, aux défaillances du Grand Est.
Restent les retraité-es. Médecins, dont certains dépassent les 70 balais, infirmières et aide-soignantes au corps brisé par des années de mauvais traitements répondent à l’appel. Et pour les infirmières, ils ont le culot de leur demander leur inscription à l’Ordre. Pendant la crise, on n’oublie pas les vieux reflexes les plus réactionnaires !
A Orléans, le directeur général n’en veut pas. Il faudrait les payer ! Le cynisme des comptables n’est même pas mis en veilleuse.
« Notre » préfet, grand serviteur de l’Etat, roi de la matraque, a lui même accompagné, avec les Agences Régionales de Santé, cette démolition du service public de santé et ce favoritisme sans faille vers les cliniques privées commerciales qui refusent en chœur la prise en charge du moindre malade infecté. Pas de ça chez nous ! C’est mauvais pour l’image.
Les médecins de ces structures proposent d’aller aider leurs collègues hospitaliers. C’est le minimum. Mais que se cache-t-il derrière cette solidarité de façade ? Une vraie démarche d’aide ou la recherche d’un revenu compensant le vide de leur activité commerciale ? Va savoir ? Ils seront de toute façon bien accueillis dans le monde de la pénurie.
Pour combler le vide abyssal de leur politique sanitaire, Ministres et Président déclarent leur amour pour le personnel hospitalier qui paye un énorme tribut lors de cette pandémie. Nous n’osons même plus parler de conditions de travail. Tout ça c’est du passé lointain : « Applaudissez-les, applaudissez-les tous les soirs à vingt heure » Ca leur donnera du cœur à l’ouvrage mais pas un centime de plus !
Là, on passe à la vitesse supérieure. Ces dernières années, ce sont les suicides de collègues qui secouaient le monde hospitalier. Ce n’était pas réservé à nos seules professions, agriculteurs, agents des télécom, policiers et tant d’autres illustrent régulièrement la page « faits divers » des journaux, accompagné à chaque fois de la même odieuse interrogation : « c’est vraiment à cause de son boulot ? ».
Les dirigeants de France-Télécom rendent des comptes à la justice en ce moment. Combien de directeurs d’hosto, d’ARS, de ministres de la santé ont du rendre des comptes ? Aucun ! Intouchables.
Maintenant nous allons compter les morts de collègues, paramédicaux et médecins, tué-es par ce virus. Avec le manque de personnel et de matériel, les collègues sont scandaleusement exposé-es, les bons petits soldats comme les campent les commentateurs médiatiques. La chair à canon, toujours les mêmes. Les sans grades, les oublié-es, les méprisé-es, ces salauds de fonctionnaires qui ruinent les actionnaires du CAC 40.
Alors les messages de sympathie sont… sympathiques. Crier sa solidarité à la fenêtre c’est bien, mais ce qui aurait été mieux, c’eût été de venir aux manifestations des blouses blanches car la tragédie du moment était écrite depuis des années par des politiques lamentables. De Douste-Blazy à Xavier Bertrand, de Jean-François Mattéi à Roselyne Bachelot, de Marisol Touraine à Agnès Buzyn sans oublier le petit dernier qui a validé à l’Assemblée Nationale leur politique sans état d’âme, toutes et tous n’avait qu’un seul credo, les économies et les économies.
Monsieur le Préfet, au moment où les équipes hospitalières réfléchissent à contrecœur aux critères de tri qu’elles vont devoir appliquer parce qu‘elles savent qu’elles ne pourront malheureusement pas répondre aux besoins de la population en détresse vitale, nous sommes rassuré sur votre sort. Si le virus avait la fâcheuse idée d’envahir votre organisme, ne vous inquiétez pas, vous serez soigné en priorité. On débranchera avec regret un trop vieux, une trop vieille, pour vous donner sa place. Il, ou elle, aura peut être droit à un requiem, musique bien peu militaire pour vos oreilles, lors de ses obsèques. Et pas plus de 20 personnes pour l’accompagner en sa dernière demeure ! Votre police veille.
PS : le rapport de la chambre régionale de la Cour des Comptes circule sous le manteau au CHR d’Orléans. Ces chers auditeurs ont exigé qu’il reste confidentiel tant que les élections municipales ne sont pas terminées. C’est la loi. Il ne faut pas que ce réquisitoire contre l’hôpital d’Orléans interfère avec les débats locaux pour ravir la mairie de la capitale régionale. Il devrait donc rester secret jusqu’à la fin du mois de juin. Géniale la transparence de ces sages auditeurs.
Si la colère ne nous avait pas envahis lors de la lecture des conclusions de ce torchon technocratique, véritable leçon de chose de l’énarquie française, on aurait éclaté de rire.
Ils vont jusqu’à proposer une vente à la découpe d’une partie des locaux de cet établissement « surdimensionné » et trop coûteux bien sûr. Et tout en se félicitant de la productivité et de la précarité du personnel, sic, ils valident la décision de supprimer encore quelques dizaines de postes. Chapeau bas !
Et puis ils tiennent absolument à la démolition de l’ancien bâtiment de La Source. Une vraie obsession !
A la lumière de la crise actuelle, au moment où la direction du CHRO envisage de réoccuper des locaux dans l’ancien hôpital de La Source pour y installer des lits de réanimation supplémentaires, la pertinence de leur analyse démontre leur totale coupure du monde réel. Un monde comptable, sans hospitalier et surtout sans malade, le monde du capitalisme.