A la suite de la révélation par Mediapart d’une note sur l’hôpital recommandant une marchandisation de la santé, Eric Lombard condamne « l’exploitation » qui en a été faite et veut sanctionner deux syndicalistes, mettant ainsi en cause la liberté de la presse et la liberté syndicale.
Dans un communiqué publié ce mardi 21 avril (que l’on peut télécharger ici (pdf, 119.3 kB)), l’Union des syndicats CGT du groupe Caisse des dépôts s’en inquiète à juste titre : « La teneur très néo-libérale de cette note, commentée par l’Humanité, Marianne et même l’AGEFI, a créé la stupéfaction des personnels de la CDC, tout autant que l’indignation des agents hospitaliers et des élus et parlementaires, suscitant même l’interpellation du gouvernement et semant le trouble dans le débat citoyen nécessaire autour de l’urgence vitale de l’investissement dans l’hôpital public », souligne le communiqué. Avant d’ajouter : « Plutôt que de démentir publiquement les propositions scandaleuses de cette note, plutôt que de corriger le tir, en intervenant sur l’idéologie et le système managérial qui ont conduit à de tels errements au sein même d’une institution financière publique, la direction de la CDC a choisi de lancer la chasse aux lampistes ! Ainsi, une militante de la CGT, salariée de droit privé, et une militante fonctionnaire du SNUP (FSU) viennent de recevoir une convocation pour un entretien préalable à sanction, au motif de diffusion d’une note interne ”confidentielle”. Comme par hasard, sur plusieurs dizaines de destinataires internes de cette note, seules 2 syndicalistes, membres des seuls syndicats à s’être exprimé publiquement sur le sujet, font l’objet de cette convocation. Comment ne pas voir dans cette procédure, une manœuvre de discrimination et une tentative inadmissible d’entrave à la libre expression syndicale ? ».
Cette tentative d’intimidation du mouvement syndical n’a pas de précédent récent au sein de l’établissement. Attaché au consensus, le précédent directeur général, Pierre-René Lemas n’a ainsi jamais usé de telles méthodes et s’appliquait à conduire avec les syndicats un dialogue respectueux. Je peux d’autant plus en attester que j’avais fait l’objet d’une plainte en diffamation d’un directeur de l’établissement, ourdie à l’Elysée, et Pierre-René Lemas, attaché à la liberté de la presse, avait fait en sorte que cette plainte soit retirée.
Eric Lombard, lui, n’a visiblement pas ce souci. Son premier souhait, semble-t-il, est de rien faire qui déplaise à l’Elysée. C’est d’ailleurs l’histoire même de cette note qui en atteste. Alors que le chef de l’Etat a longtemps défendu une approche néolibérale, et que la politique de la santé en a fait les frais, cette note a été conçue dans ce même état d’esprit. Mais dans l’intervalle, dans les turbulences terribles de la crise sanitaire, l’Elysée a abandonné cette approche, et se dit désormais en faveur de l’État-providence, qu’Emmanuel Macron dénonçait peu avant. La note est donc arrivée à contretemps, soulignant le pas de deux et les incohérences du pouvoir.
Or, au lieu d’en faire le constat, et d’assumer cette politique sinueuse, Eric Lombard a d’abord mis en cause, lors d’une visioconférence, « l’exploitation qui a été faite de cette note », la jugeant « cocasse ». A mots à peine couverts, il a donc mis en cause le travail de Mediapart, qui pourtant s’était attaché à décrire minutieusement les travaux conduits au sein de la CDC.
Et maintenant, donc, ce sont deux syndicalistes qui sont menacés de sanction. Ce qui constitue une très mauvaise manière de la part du patron de la CDC. Plutôt que de mettre en cause simultanément la liberté de la presse et la liberté syndicale, il serait mieux avisé de réfléchir à cette question grave : pourquoi la CDC a-t-elle été fréquemment emportée ces dernières années – bien avant d’ailleurs son arrivée – dans ces dérives néolibérales, et même trop souvent dans des dérives affairistes ?