Suite au fort engagement d’une grande partie des personnels hospitaliers, des négociations ont lieu qui pourraient conduire à une amélioration de leurs conditions salariales. Le secteur social et médico-social a été également sur le pont, souvent oublié par les médias, négligés par le pouvoir. Secteur en rade depuis longtemps qui devrait se mobiliser pour faire valoir ses droits.
Le gouvernement a publié le 14 mai un décret instituant une prime exceptionnelle pour les hospitaliers : 1500 euros pour les personnels exerçant dans les départements les plus touchés par l’épidémie (rouge) et les militaires ; 500 euros pour les autres départements.
Les hospitaliers qui ont été mis à disposition dans les établissements médico-sociaux publics perçoivent la prime de 1500 euros quel que soit le département, mais les hospitaliers des établissements médico-sociaux publics en sont exclus (sauf si leur établissement relève directement d’un hôpital). Enfin, les salariés des établissements de santé privés lucratifs et non lucratifs devraient également percevoir cette prime, selon les déclarations officielles mais les modalités n’ont pas été précisées pour le moment.
Des pétitions fleurissent réclamant l’attribution de la prime Covid dans des associations (comme à l’APF, Association des Paralysés de France).
Les syndicats, quant à eux, réclament non pas une prime mais 300 euros nets mensuels supplémentaires pour tous.
Les établissements médico-sociaux et les services sociaux sont exclus de ces mesures, mais un communiqué du 8 mai du gouvernement annonçait une prime afin de reconnaitre la mobilisation des personnels des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) ainsi que des établissements et services accompagnant les personnes adultes et enfants en situation de handicap qui sont financés ou co-financés par l’Assurance maladie. La prime, versée aux personnels présents lors de l’épidémie, est alors de 1500 euros dans les 33 départements fortement touchés par l’épidémie et 1000 euros pour les autres. Coût total : 700 millions d’euros. Pour les établissements et services dépendant des collectivités territoriales, cela n’est pas encore déterminé.
Dans une interview accordée le 16 mai au Journal du Dimanche (JDD), Olivier Véran, ministre des Solidarités et de la Santé, a confirmé l’annonce faite par le Président de la République, à savoir une augmentation des rémunérations pour les personnels soignants. C’est ce qui doit être abordé, entre autres, au Ségur de la santé (rue Ségur, adresse du ministère), réunissant à partir du 26 mai les partenaires sociaux et les collectifs hospitaliers. De façon plus générale, il a admis que les personnels étaient très mal rémunérés : « nous payons cette faute initiale, dans les hôpitaux comme dans le secteur médico-social, à domicile ou dans les établissements« , convenant qu’il fallait une augmentation des salaires au-delà des primes, tout en estimant (ce qui ne rassure pas quant à ses intentions) que si les infirmières veulent travailler davantage pour gagner plus elles devraient être autorisées à effectuer des heures supplémentaires payées (ce qui n’est pas possible actuellement dans les hôpitaux). Par ailleurs, il y a de fortes craintes qu’il en profite pour remettre en cause les 35 heures.
Travailleurs sociaux à la traîne
Dans la Fonction Publique Hospitalière, un travailleur social (éducateur·trice spécialisé·, assistant·e social·e), selon la CGT Santé du Nord, débutait à 1,5 Smic en début de carrière pour finir à 2,8 Smic en 1980, alors qu’aujourd’hui il débute à 1,2 Smic et termine à 1,9 Smic, soit une perte évaluée à 17000 euros par an en fin de carrière. Dans le secteur privé non lucratif (Convention collective de l’enfance inadaptée de 1966), ces travailleurs sociaux débutent à 1379 euros (avec une formation bac + 3, parfois davantage, beaucoup de ces professionnel·les ayant déjà une licence ou un master avant de démarrer leur formation).
En 2019 et 2020, les négociations ces dernières années ont consisté à concéder annuellement environ 1 % d’augmentation à 1,7 million de salariés du secteur social et médico-social dans plus de 41000 établissements et services (fin février, avant la crise sanitaire, le gouvernement se glorifiait d’injecter ainsi 310 millions d’euros pour revaloriser les salaires de ceux « qui accompagnent au quotidien les plus fragiles », parce qu’il faisait un petit effort sur la branche aide à domicile, avec 2,7 %, bien loin de compenser son retard).
Il importe que les professionnels du social et du médico-social, qui ont largement été oubliés dans le contexte de cette épidémie, beaucoup ayant continué à travailler sans que les grands médias ne s’en fassent l’écho (à part pour les Ehpad, et encore après les avoir négligés pendant de nombreux jours), soient enfin pris en compte.
Les Rencontres Nationales du Travail Social en Lutte ont lancé un appel (ici) à manifestation le mardi 16 juin, dans le cadre des appels à manifestations monstres pour la santé, avec cortèges du social et médico-social bien visibles. Des professionnels et étudiants, syndiqués ou non, exerçant dans le champ du social et du médico-social se sont réunis en visio-conférence pendant toute la dure du confinement :
« Nous nous sommes mobilisé.es, tout le long de la crise sanitaire, auprès des personnes que nous accompagnons souvent sans aucune protection sanitaire, preuve du mépris du gouvernement pour les personnes les plus fragilisées par le système et celles qui les accompagnent. Outre les nombreuses professions mobilisées en première ligne dans cette crise dans les domaines du transport, du nettoyage ou de la distribution, nous l’avons aussi été pour ce qui relève des soins, aux côtés des collègues des EHPAD et de la santé, qu’on ne peut d’ailleurs réduire à leur seule dimension curative. Alors que nous subissons les mêmes attaques, nos combats doivent être liés. En effet, nous faisons face à la même logique néolibérale qui a introduit et poussé à l’extrême la mise en concurrence, et dont l’objectif est de faire du soin et du social des secteurs lucratifs. »
Et de constater que le secteur connaît les mêmes problèmes : tarification à l’acte, lean management (taylorisme à visage humain), dérive gestionnaire, standardisation des pratiques, manque de moyens, salaires de misère générant une perte de sens. Il est à craindre que l’état d’urgence sanitaire accentue les dérives constatées. « Nous devons élargir les revendications de l’hôpital public à l’ensemble des professionnel.les du médical, du social et du médico-social, et plus largement à tou.tes les salarié.es, étudiant.es et privé.es d’emploi qui ont été percuté.es par la gestion catastrophique de cette crise sanitaire. Nous voulons construire un monde solidaire, juste et égalitaire. »
Dans le passé, le social et le médico-social ont dû attendre quelques années avant d’avoir quelques retombées d’avancées obtenues par le secteur sanitaire suite à des luttes au cours desquelles social et médico-social étaient également engagés mais pas suffisamment. La mobilisation massive des professionnels du secteur pourrait faire en sorte que les choses changent et qu’enfin ce secteur parent pauvre du social soit enfin reconnu, par l’opinion publique, les médias et le pouvoir._____
Don de congés
LREM a déposé une proposition de loi pour permettre aux salariés du privé et du public de donner des jours de congés aux personnels soignants. Ces jours offerts pourraient être transformés en euros ou en chèques-vacances. Elle doit être discutée à l’Assemblée le 3 juin, mais déjà une commission parlementaire planche sur le sujet. Cet après-midi (28 mai), une élue a proposé que les étudiants travailleurs sociaux qui ont été engagés activement pendant la crise sanitaire puissent bénéficier de ces dons. Je le note juste pour constater que, quand même, une députée y a pensé. Pour le reste, comme le disent la CGT et SUD, ce sont des budgets qui sont nécessaires, pas la charité.