O.Veran, le Ministre de la santé vient de dévoiler la deuxième série de mesures censées répondre à la crise du système hospitalier, révélée aux yeux de tous par l’épidémie de COVID 19. Trente trois mesures, 4000 lits ouverts « à la demande », 2,1 Mrd (en 5 ans) pour rénover les EHPAD, 2,5 (en 5 ans) pour des « projets hospitaliers prioritaires », 1,4 (en 3 ans) pour combler le « retard numérique en santé ». L’avalanche des chiffres, après les 8,2 Mrd pour revaloriser les salaires des personnels, veut créer l’impression que « nous avons voulu changer de braquet et accélérer dans tous les domaines la transformation de notre systéme de santé ». Mais, si le gouvernement « accélère », c’est pour poursuivre dans la même direction, celle qui mène droit dans le mur.
O.Veran ose présenter comme une « avancée » l’ouverture momentanée, en cas de « suractivité saisonnière » de 4000 lits pour faire face à des « pics d’activité ». L’annonce serait risible si le sujet n’était pas aussi grave. 4000 lits c’est moins que les 4200 lits permanents supprimés pour la seule année 2018, c’est une goutte d’eau au regard des 100 000 lits supprimés au cours des 20 dernières années.
Les personnels seront également heureux d’apprendre que leurs services continueront d’être fermés et restructurés, mais ce sera désormais par « conseil national de l’éducation en santé » qui remplace le « COPERMO » . Le changement …de mots est « en marche »
Quant à la « tarification à l’activité », outil principal de transformation de l’Hôpital en entreprise rentable, elle n’est pas abolie. Une enveloppe de quelques millions d’€ sera seulement consacrée à expérimenter d’autres modes de financement.
Pour ceux qui souhaitaient un fonctionnement plus démocratique de l’hôpital afin de mettre la gestion au service du soin et non l’inverse, ils en sont une nouvelle fois pour leurs frais. Tout au plus certains médecins seront-ils encouragés à se mettre les « mains dans le cambouis » pour imposer l’austérité.
Le « trou noir » des créations d’emplois
Ce deuxième volet du « Ségur » de la santé, élude tout comme le premier, la revendication principale défendue depuis des mois par les personnels et ceux qui les soutiennent : l’augmentation massive des moyens humains, permettant d’accueillir, sur tout le territoire, et de bien soigner toute personne qui le nécessite ainsi que de faire face à des situations exceptionnelles. C’est le véritable « trou noir » sur lequel le pouvoir se montre intraitable. C’est pourtant la première condition pour que les urgences cessent d’être débordées, et les services bondés, et les personnels en permanence épuisés. C’est la condition pour que l’accès aux soins de tous, sur tout le territoire soit garanti.
Aucune enveloppe du Ségur n’est attribuée pour aller vers la création des 120 000 emplois nécessaires dans les hôpitaux et les 200 000 emplois dans les EHPAD pour atteindre la norme européenne d’un salarié pour un résident. Même les 15 000 postes évoqués ne sont pour l’instant pas financés .
Le « Ségur » est terminé, les exigences restent. Elles doivent continuer d’être au cœur des mobilisations des mois à venir, pour les imposer face à ce pouvoir décidé à poursuivre sa politique de santé destructrice quoiqu’il arrive.
J.C. Delavigne
Le 21/07/2020
Les Echos : Transformation du système de santé : Olivier Véran desserre l’étau sur les hôpitaux
Le ministre de la Santé, Olivier Véran, a clos les 50 jours de concertation du « Ségur » ce mardi. Il a annoncé une trentaine de mesures pour réinvestir dans l’hôpital et accélérer le plan Ma santé 2022, et veut rompre avec certaines rigidités et la technocratie. Ces annonces ont été bien accueillies.
Par
Solveig Godeluck
Publié le 21 juil. 2020
Tirer les leçons de la crise du Covid-19 . C’est dans cette optique que le ministre de la Santé, Olivier Véran, a conclu la concertation Ségur, qui a duré 50 jours, par une trentaine de mesures structurantes visant à réinvestir dans l’hôpital et à réorganiser le fonctionnement du système de santé. « Nous avons voulu changer de braquet et accélérer dans tous les domaines de transformation de notre système de santé », a-t-il expliqué.
De fait, le Ségur reprend et amplifie les grands axes de la stratégie Ma Santé 2022, dévoilée en septembre 2018 et déclinée il y a un an dans une loi, ainsi que des ordonnances et des textes réglementaires qui sont loin d’avoir été tous adoptés à ce jour. On y retrouve, pêle-mêle, plusieurs grands thèmes, tels que la structuration de l’offre de soins au niveau territorial, la coordination entre la ville et l’hôpital ou la réforme du mode de financement des soins, afin de moins dépendre du volume d’activité et d’accroître qualité et pertinence.
« Logiques renversées »
Mais il y a également des éléments nouveaux dans ce Ségur par rapport à tout ce qui a été entrepris par la prédécesseure d’Olivier Véran, Agnès Buzyn . A commencer par le déblocage du verrou financier qui paralysait depuis plus de dix ans les établissements. La semaine dernière, après une négociation expresse, les syndicats ont majoritairement approuvé un accord de revalorisations à hauteur de 8,2 milliards d’euros par an pour les hospitaliers publics et privés. Soit 183 euros nets par mois pour les salariés de la fonction publique hospitalière, et plus pour les soignants, ainsi que la possibilité de mensualiser des forfaits d’heures supplémentaires.
Ce sont « des sommes sans précédent », a souligné Olivier Véran , « mais ce n’est pas suffisant » pour répondre aux attentes des professionnels de santé et des Français : au-delà des revalorisations, avec ce Ségur, « nous renversons des logiques », a-t-il vanté. Le ministre a promis de « faire confiance » à l’hôpital, et aux acteurs de terrain en général.
Cela passe par l’assouplissement des procédures très technocratiques qui étouffent l’hôpital, notamment avec la possibilité d’ouvrir ou rouvrir 4.000 lits « à la demande », quand la grippe saisonnière (ou le coronavirus) s’invite. Le ministre a également promis la suppression du Copermo, ce comité de performance interministériel qui passe en revue les investissements hospitaliers et décide depuis Paris les restructurations et fermetures de lits, dans toute la France.
La suppression du Copermo, remplacé par un comité national de l’investissement en santé où siégeront des élus, est un énorme soulagement pour la Fédération hospitalière de France. « On sort de l’entre-soi des hauts fonctionnaires de Bercy », se réjouit son président, Frédéric Valletoux. De manière plus générale, la façon dont le plan d’investissement a été bâti, « avec une déconcentration des procédures, une plus grande confiance dans les territoires, une procédure nationale réservée aux gros investissements », témoigne à ses yeux d’une « nouvelle approche, moins nationale, moins techno ».
« Marges de liberté »
Au comité interhospitalier (CIH), qui représente la base des salariés de l’hôpital, le médecin Olivier Milleron est plus sévère sur le volet financier, qui ne répond pas aux attentes de 300 euros par mois pour tous les soignants. Mais il note tout de même « un vrai changement de ton par rapport à Agnès Buzyn » : « On nous disait que l’hôpital souffrait uniquement de problèmes d’organisation. A présent, nos remarques ont été prises en compte, sur la médicalisation de la gouvernance ou la réforme de la tarification, même si ce n’est pas toujours très précis ». Le CIH demande à être inclus dans le comité de suivi afin de s’assurer que ce ne sont pas des paroles en l’air.
Pour Martin Hirsch , le directeur général de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris, ce Ségur, non seulement « change complètement la donne sur les rémunérations », mais représente aussi « un cadre différent plutôt qu’une litanie de mesures ». Dans ce nouveau cadre, les plus grands espoirs lui semblent permis : rouvrir des espaces de discussion et de négociation au sein de l’hôpital, via les heures supplémentaires, l’intéressement, mais aussi permettre aux établissements de choisir l’organisation qui leur convient le mieux. « Aujourd’hui, je ne peux pas mettre de représentant des usagers dans mon directoire », souligne-t-il, disposé à saisir les « marges de liberté » qui lui seront offertes. Deux écueils demeurent cependant, selon lui : l’administration pourrait chercher à refermer cet espace de liberté, et les hospitaliers les plus conservateurs refuser le changement. « La balle est dans notre camp », conclut-il.
Solveig Godeluck
Le Monde.fr : Investissement, financement, gouvernance : les conclusions du dernier acte du « Ségur de la santé »
Le ministre de la santé, Olivier Véran, a dévoilé mardi ses propositions pour accélérer la « transformation du système de santé », durement éprouvé lors de la crise du Covid-19.
Par Camille Stromboni
Publié le 22/07/2020
Les 33 mesures dévoilées, mardi 21 juillet, par le gouvernement, dans le cadre des conclusions du « Ségur de la santé », ne sont pas toutes spectaculaires. Mais mises bout à bout, elles indiquent un changement de philosophie pour le système de soin, épuisé par des années de restrictions budgétaires, et fortement éprouvé par la crise sanitaire du Covid-19. « Nous avons agi vite et fort parce qu’il le fallait », a avancé Olivier Véran, ministre de la santé, pour qui « il s’agit de remettre de l’humain, mais aussi des moyens et du sens dans notre système de santé ».
Gouvernance, investissements, financement… Le gouvernement s’est attaqué à différents leviers pour « accélérer » la « transformation du système de santé ». Un plan plutôt bien accueilli par le collectif interhôpitaux (CIH), le collectif de soignants qui avait organisé la démission de près de 1 200 chefs de services en janvier 2020, pour alerter sur la gravité de la situation dans les hôpitaux. « Cela va dans le bon sens, estime Olivier Milleron, cardiologue à l’hôpital Bichat à Paris, et membre du collectif. Mais tout va dépendre de la mise en œuvre de ces propositions, plusieurs d’entre elles restent encore floues. »
Il y avait urgence à répondre à la colère des soignants. Emmanuel Macron l’a reconnu le 15 mai, lors d’un déplacement à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière : « On a sans doute fait une erreur dans la stratégie annoncée il y a deux ans. » Bien avant la crise du Covid, plus de la moitié des services d’urgence s’étaient mis en « grève », et les signaux d’alerte du malaise à l’hôpital se multipliaient, avec des mobilisations répétées chez les soignants.
Cette « ultime étape » du Ségur de la santé – la concertation enclenchée avec les soignants au lendemain de la crise sanitaire – intervient après de premiers « accords » signés le 13 juillet prévoyant une enveloppe de 8,2 milliards d’euros, destinée à augmenter les salaires des personnels hospitaliers. Les autres mesures annoncées mardi, à l’issue de six semaines de discussions, visent à « libérer les établissements de santé et les personnels d’un certain nombre de contraintes » et « redonner du pouvoir d’initiative et de décision à celles et ceux qui soignent », a assuré Nicole Notat, l’ancienne numéro un de la CFDT en charge de l’animation des discussions.
4 000 lits « à la demande ». C’était un des points de crispation central dans le monde médical : le manque de lits dans les hôpitaux. Pour y répondre, le gouvernement a annoncé le financement de 4 000 lits « à la demande », avec une enveloppe de 50 millions d’euros, qui sera débloquée à compter de l’hiver 2020. Les établissements pourront les ouvrir selon les besoins, notamment en fonction des pics saisonniers ou des pics exceptionnels d’activité.
« Nous allons changer de logique sur [cette] question du capacitaire », a défendu le ministre, qui a insisté sur sa volonté de « sortir des dogmes et des guerres de positions, qu’il s’agisse de la fermeture systématique des lits ou du refus systématique de toute réorganisation ».
Du côté du CIH, qui demandait un moratoire sur la fermeture de lits dans les hôpitaux, on s’interroge : « On a du mal à voir comment cela va être mis en place en pratique, comment trouver les personnels, les infirmières, les aides-soignantes, qui vont permettre ces ouvertures », explique Olivier Milleron.
« Cela ne va pas régler le problème, balaie pour sa part Christophe Prudhomme, de la CGT Santé. On ne récupère même pas les fermetures actées sous ce quinquennat, soit plus de 4 700 fermetures. » Pour le responsable, qui n’a pas signé les accords sur les revalorisations – plus de 80 % des adhérents ont rejeté le texte, devait annoncer la centrale mercredi 22 juillet –, ce nouveau volet de mesures est « très insuffisant ».
Redonner plus de places aux territoires. Autre annonce qui devrait être bien accueillie dans la communauté médicale : le « Copermo » va être supprimé. « Il a vécu », a tranché Olivier Véran, concernant ce « comité interministériel de la performance et de la modernisation de l’offre de soins hospitaliers », qui instruit et valide les investissements hospitaliers. Son sigle était devenu associé aux plans de fermetures de lits dans les hôpitaux.
« Nous voulons que dorénavant, les territoires soient aux commandes », a avancé Olivier Véran, évoquant l’association des élus locaux à « l’appréciation des besoins de santé et aux décisions d’investissements ». Le Copermo sera remplacé, à l’horizon 2021, par un conseil national de l’investissement. Il sera en charge d’examiner les projets supérieurs à 100 millions d’euros. « Pour le reste, il faut déconcentrer les décisions », a annoncé le ministre de la santé. Ce sera le rôle des conférences régionales d’investissement en santé, où les collectivités locales et les élus seront présents.
Interrogé sur le sujet sensible des restructurations en cours, qui comprennent des suppressions de lits, à Nancy notamment, Olivier Véran a rappelé que l’ensemble de ces plans étaient « gelés » depuis la crise du Covid. Pour la suite, « on va faire du cas par cas », a assuré le ministre, assurant que certains plans « satisfont les élus et les soignants », quand d’autres « posent problème ».
Renforcer l’échelon départemental des ARS. C’est également dans un souci d’être au plus proche des territoires que le gouvernement envisage de faire évoluer les agences régionales de santé (ARS), qui se sont retrouvées en première ligne durant la crise sanitaire. Des moyens supplémentaires seront déployés pour renforcer leur présence à l’échelon du département, tandis que les élus locaux y verront leur place renforcée. « Un maire doit se sentir chez lui lorsqu’il franchit les portes d’une ARS », a dit Olivier Véran.
6 milliards d’investissement, notamment vers les Ehpad. Annoncé quelques jours plus tôt par le premier ministre, Jean Castex, l’investissement pour le système de santé va s’élever à 19 milliards d’euros. 13 milliards d’euros, déjà annoncés à l’automne, serviront à la reprise de la dette des hôpitaux. Les 6 milliards supplémentaires seront dirigés, sur cinq ans, vers les établissements médico-sociaux qui accueillent les personnes âgées, à hauteur de 2,1 milliards. 2,5 milliards sont fléchés vers le développement des projets liant médecine de ville et médecine hospitalière, 1,4 milliard pour le numérique.
« Ce plan va dans le bon sens, estime Frédéric Valletoux, de la FHF (Fédération hospitalière de France), structure qui représente les hôpitaux et établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) publics. Nous avons le sentiment d’avoir été enfin entendus, avec une prise de conscience intervenue avec la crise sanitaire. » L’investissement n’avait cessé de se réduire ces dernières années, avec des politiques de restrictions, pour atteindre une enveloppe de 4,5 milliards, explique-t-il : « Nous avons pris énormément de retard. »
Une gouvernance qui pourra s’adapter au niveau local. Sur le volet de la gouvernance des hôpitaux, décriée par une partie du corps médical comme trop administrative et n’accordant pas une place suffisante aux médecins, le gouvernement compte « corriger les excès de la loi HPST [Hôpitaux, patients, santé et territoire] » de 2010. Autrement dit, le ministre de la santé envisage une gouvernance davantage « participative ». L’échelon du service, dans les hôpitaux, devrait retrouver une place plus importante dans les décisions.
La « remédicalisation » des instances décisionnelles est également à l’ordre du jour, ainsi qu’une organisation interne aux hôpitaux qui pourra être adaptée selon la situation locale. « On va vers une approche différenciée selon les territoires, c’est un renversement par rapport à un système hypercentralisé », salue Frédéric Valletoux, de la FHF.
« C’est encore assez flou, estime pour sa part Olivier Milleron, du CIH. Nous espérons que la prise de décision sera plus collégiale, et que les paramédicaux et les usagers vont bien y avoir plus de place. »
Des expérimentations pour des modèles mixtes de financement. Sur un sujet sur lequel il était très attendu, le mode de financement de l’hôpital avec le système de la « tarification à l’activité » (T2A), dénoncé depuis des années pour avoir encouragé une course à l’acte bien éloignée du soin, Olivier Véran a avancé une option prudente. « Nous allons faire confiance et proposer aux établissements de santé et aux acteurs de la ville, sur un territoire, de faire évoluer le financement des activités vers un modèle mixte », a-t-il annoncé. Cela passera par des expérimentations dans lesquelles pourront s’engager ceux qui le souhaitent.
Le financement pourrait alors être fondé plus fortement sur un « socle populationnel », c’est-à-dire sur les besoins de la population d’un territoire, ainsi que sur des indicateurs de qualité. Reste à savoir quelle part prendrait chacun de ces modes de financement, ce que n’a pas précisé le ministre. Une enveloppe de 100 millions d’euros est envisagée pour accélérer cette réduction de la part de la T2A.
Une concertation sur les règles du budget de la santé. Autre rénovation en perspective : celle de l’ONDAM (objectif national des dépenses d’assurance-maladie), régulièrement brocardé pour son trop faible niveau et sa répartition inadéquate entre les différents secteurs du soin (hôpital, médecine de ville, etc.). Le Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance-maladie ouvrira des travaux préparatoires en 2020, suivis d’une concertation dont les effets sont attendus pour le projet de loi de financement de la Sécurité sociale 2022.
Former plus de paramédicaux. Le gouvernement a également décidé de créer des places dans les formations paramédicales. Dès cette année, 2 000 places supplémentaires vont être ouvertes dans les IFSI (Institut de formation en soins infirmiers), soit une augmentation de 10 %. Les formations menant au métier d’aide-soignant doivent également voir leurs places doubler, d’ici à 2025. Pour permettre d’encadrer plus d’étudiants en santé en stage, 250 postes « d’enseignants universitaires » vont par ailleurs être créés, d’ici à cinq ans, pour des praticiens exerçant en ville comme à l’hôpital.
Camille Stromboni
Mediapart : Olivier Véran clôt le Ségur de la santé en recyclant les promesses
22 JUILLET 2020
PAR CAROLINE COQ-CHODORGE
Du Ségur de la santé, le ministre de la santé retient 33 propositions dont certaines ont déjà été formulées. Mais parmi elles se niche une promesse de rupture, si elle était suivie d’effet : le calcul du budget de l’assurance maladie à partir des besoins de santé, et non des impératifs budgétaires.
Le ministre de la santé Olivier Véran a clos, mardi 21 juillet, le Ségur de la santé. Des six semaines de négociations avec les acteurs du système de santé, rythmées par 100 réunions, il a retenu 33 propositions.
À ses côtés pour les présenter, l’ex-secrétaire général de la CFDT Nicole Notat a insisté sur le « moment inédit » et l’attente d’une « transformation en profondeur du système de santé ». Celle qui préside aujourd’hui une agence de notation sociale des entreprises a presque sermonné l’administration de la santé, dans les murs du ministère : « Les retards à l’exécution des décisions prises au niveau national entament la confiance des acteurs. »
21 juillet 2020, à Paris. Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales ; Brigitte Bourguignon, ministre déléguée en charge de l’autonomie ; Olivier Véran, ministre de la Santé ; et Nicole Notat, coordinatrice du « Ségur de la santé ». © Bertrand Guay / AFP
21 juillet 2020, à Paris. Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales ; Brigitte Bourguignon, ministre déléguée en charge de l’autonomie ; Olivier Véran, ministre de la Santé ; et Nicole Notat, coordinatrice du « Ségur de la santé ». © Bertrand Guay / AFP
En écho, le collectif Inter-Hôpitaux rappelle également au ministre : « L’expérience passée montre qu’il peut y avoir de grandes différences entre la parole et les actes. »
Dans un premier volet du Ségur, le gouvernement a déjà accordé 8,2 milliards d’euros aux personnels des établissements de santé et des Ehpad pour revaloriser leurs salaires. Mais ce n’est pas un solde de tout compte. Car avec constance, et bien avant la crise du Covid-19, les professionnels de santé réclament aussi une réforme profonde du système de santé qui l’extraie d’une spirale de restrictions budgétaires.
Ce Ségur n’est pas une rupture dans la politique de santé. Au contraire, il s’inscrit dans la droite ligne des réformes successives, dont la dernière d’entre elles, le plan « Ma santé 2022 » porté par Agnès Buzyn. Olivier Véran en a lui-même convenu : ce Ségur est « un accélérateur du plan “Ma santé 2022”, dans tous les domaines ».
« Il n’y a en réalité pas beaucoup plus de choses dedans », tacle Thierry Godeau, médecin à l’hôpital de La Rochelle et représentant des conférences médicales d’établissement des centres hospitaliers. L’infirmier Hugo Huon, président du collectif Inter Urgences, confirme : « Une quantité de mesures présentées ne sont pas nouvelles. »
C’est le cas de celle portant sur l’encadrement de l’intérim médical, comparé à du « mercenariat ». Seulement, Olivier Véran n’annonce rien de neuf : Agnès Buzyn avait déjà fixé un plafond tarifaire, qui n’est toujours pas respecté. L’actuel ministre promet cette fois des sanctions aux établissements récalcitrants.
Le docteur Godeau n’accorde sur ce sujet aucun crédit au ministre : « Il faudra alors que l’État assume de fermer les petits services d’urgence et les petites maternités », là où les médecins manquent cruellement et où les intérimaires imposent leurs prix.
Sur la réouverture des lits d’hôpital, réclamée à cor et à cri par les hospitaliers, l’ambition affichée est de petite envergure : 4 000 lits de médecine devraient être rouverts « à la demande », et de manière temporaire, pour faire face à « une suractivité saisonnière ou épidémique ». Ces 4 000 lits représentent 1 % des 400 000 lits des établissements publics. Depuis 2003, ce sont 73 000 lits qui ont été supprimés, suivant un objectif de gestion à flux tendu de l’hôpital, qui épuise les équipes.
La secrétaire générale de la CGT santé Mireille Stivala « ne voit pas trop le concept des lits ouverts à la demande. Ce sont des lits accordéons ? On va pousser les murs des hôpitaux ? Où va-t-on trouver le personnel ? Cela va être la foire d’empoigne entre les établissements pour obtenir quelques ouvertures ». Hugo Huon assure, lui, qu’« il n’y a pas de saisonnalité sur le manque de lits, il en manque tout le temps ».
Mireille Stivala relève également que les soignants n’ont pas été entendus sur leur revendication répétée d’un ratio minimum de personnels soignants auprès des malades. Car le nombre d’infirmiers ou d’aides-soignants n’a cessé de baisser dans les services hospitaliers ces dernières années.
Olivier Véran a en revanche satisfait les hospitaliers en annonçant la fin du Comité interministériel de la performance et de la modernisation de l’offre de soins (Copermo). Créé en 2012 par Marisol Touraine, il accordait aux établissements de santé des financements d’État pour d’importants investissements, mais contre des restructurations qui impliquaient souvent des fermetures de lits et des suppressions de postes, comme à Nantes ou à Nancy. Le Copermo sera remplacé par un « comité d’investissement », où siégeront les élus locaux. Est-ce un simple changement de nom ou un véritable tournant dans la conduite de l’investissement hospitalier ?
Autre recyclage d’une vieille promesse d’Agnès Buzyn : l’allègement d’un tiers de la dette des hôpitaux, soit 13 milliards d’euros. Les hospitaliers ont obtenu cette mesure, qui va accorder un peu d’air aux établissements surendettés, après leur grande manifestation du 14 novembre dernier. Le gouvernement ajoute 6 milliards supplémentaires d’investissements directs : 2,1 milliards pour rénover et équiper les Ehpad, 2,5 milliards destinés à des projets hospitaliers et 1,4 milliard pour investir dans le numérique, afin que l’hôpital se dote enfin « de systèmes d’information du XXIe siècle », a dit sobrement Nicole Notat.
Une partie de cette enveloppe extraordinaire permettra des investissements très ordinaires dans des « moniteurs, des pousse-seringues, des chariots, des brancards, des lits », a énuméré Olivier Véran, dans un inventaire de tout ce qui manque, ne marche ou ne roule plus à l’hôpital.
Le ministre de la santé s’est encore engagé à satisfaire une très ancienne demande du monde hospitalier : la fin du financement intégral de l’hôpital à l’activité, instauré en 2008 et sans cesse contesté depuis. L’instauration de la tarification à l’activité, ou T2A, a marqué le basculement de l’hôpital dans une logique de rentabilité économique.
Seulement, Emmanuel Macron avait déjà promis de diminuer la part de T2A à 50 % du financement de l’hôpital… en 2017, pendant la campagne présidentielle. En 2020, le gouvernement promet d’« accélérer ». Il fait en réalité un tout petit pas, en lançant des expérimentations locales sur un financement « populationnel », en fonction des besoins de santé du territoire. Pour le représentant des médecins Thierry Godeau, l’annonce est « toujours floue. On a du mal à avancer ».
Le Ségur de la santé donne en revanche satisfaction aux hospitaliers sur la gouvernance de l’hôpital. Depuis la loi Bachelot de 2009, le directeur était le « seul patron » à l’hôpital. Les médecins seront désormais associés à la décision. Un membre du personnel paramédical doit aussi entrer au directoire de l’hôpital. La présence des usagers devrait être aussi renforcée.
L’annonce la plus forte du ministre de la santé est encore à l’état de promesse. Elle concerne le calcul de l’Objectif national de dépenses de l’assurance maladie (Ondam), voté chaque automne par les parlementaires dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). L’Ondam a été au cœur des discussions du Ségur, puisqu’il est devenu, ces 10 dernières années, un outil de restriction budgétaire des dépenses de santé. Il est en effet toujours insuffisant pour couvrir les besoins de santé. Il « sera très nettement réévaluée en 2021, vous le verrez », a promis Olivier Véran.
Le ministre s’est aussi engagé sur un « débat démocratique » sur l’Ondam au sein du Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie (HCAAM), où siègent tous les acteurs de la santé. « Au fond, l’enjeu, c’est de faire de l’Ondam l’expression non seulement d’une trajectoire de finances publiques mais aussi et surtout d’une politique de santé », a-t-il expliqué.
« Il y a là une ouverture », reconnaît le docteur Godeau. Le collectif Inter-Hôpitaux ne cache pas son impatience dans un communiqué : « La modification de l’Ondam pour l’adapter aux besoins de santé publique est une urgence. »
Le prochain projet loi de financement de la sécurité sociale, qui sera présenté par le gouvernement en septembre, sera crucial. Il devra donner corps aux promesses faites aux hospitaliers, tout en affrontant un gigantesque déficit de la sécurité sociale, de plus de 50 milliards d’euros.