Une jeune femme assiste à un rassemblement LGBT quelques jours avant la Journée internationale de commémoration des transgenres à Kiev, en Ukraine, le 18 novembre 2018. –
Joanne est Ukrainienne et transgenre. Elle a quitté son pays pour se mettre à l’abri en Pologne. Ce pays voisin, elle a pourtant failli ne pas le rejoindre. Car les papiers d’identité des femmes trans indiquent encore souvent un sexe masculin. Or, l’Ukraine est en guerre et les hommes âgés de 18 à 60 ans n’ont pas le droit de partir, ils doivent rester pour se battre.
Joanne avait pu au moins mettre à jour son certificat de naissance, mais “J’ai eu un problème« , dit-elle, « parce qu’on m’a dit qu’un certificat de naissance n’était pas suffisant pour passer la frontière. Il fallait une pièce d’identité et je n’en ai pas. J’ai eu peur qu’on ne me laisse pas passer« .
Joanne a finalement réussi, mais bien d’autres de la communauté transgenre n’ont pas eu cette chance. « Vous devez être en possession de tous les documents nécessaires. Dans ce cas-là, c’est génial, mais dans le cas contraire, ce n’est pas bon du tout« , ajoute Joanne.
Le mouvement LGBT a pris de l’ampleur ces deux dernières années en Ukraine, mais les personnes trans se heurtent encore à de nombreux obstacles.
Marche de soutien aux personnes transgenres, Kiev, Ukraine, le 22 mai 2021.Efrem Lukatsky/Copyright 2021 The Associated Press. All rights reserved.
Changer d’état civil par exemple est un véritable parcours du combattant qui passe notamment par des évaluations psychiatriques ambulatoires ; un processus long et douloureux qui implique pour de nombreuses femmes trans de continuer à vivre avec des papiers d’identité indiquant la mention sexe masculin. Et en temps de guerre, la situation est encore pire que d’habitude.
« C’est très difficile pour la communauté LGBT. Elle se sentait déjà marginalisée et discriminée avant la guerre et beaucoup de gens disent que maintenant, lorsqu’ils tentent de traverser la frontière, la police prend la décision de les laisser passer ou non en fonction de la marque du genre inscrite sur leur passeport… Nous considérons cela comme un autre exemple de transphobie légale« , explique Igor Medvid, de l’association HPLGBT.
Selon les associations transgenres, quelques personnes sans papiers d’identité à jour ont pu partir dans les premiers jours de la guerre, mais, depuis, passer la frontière est devenu presque impossible. Pas question cependant de baisser les bras.
« Il existe deux organisations transgenres en Ukraine et toutes les deux conseillent de ne pas perdre ses papiers d’identité et de ne pas user de procédés illégaux, tels que les pots-de-vin, etc. Parce qu’il y a de très grandes chances de se faire prendre et de terminer en prison. Cela ne fait qu’empirer la situation« , dit Anastasiia Yeva Domani, PDG de l’ONG Cohort.
Au lieu de cela, il est recommandé aux personnes de se déplacer vers l’Ukraine occidentale pour attendre la fin des combats.
Dans une Ukraine en feu, où les magasins et notamment les pharmacies, sont fermés, il est difficile aussi pour les transgenres de se procurer les traitements hormonaux de substitutions essentiels. L’ONG d’Anastasiia par exemple fait office de fournisseur pour les trans qui restent en Ukraine.
D’autres activistes appellent à l’ouverture d’un corridor humanitaire pour aider les membres de la communauté trans à quitter le pays.