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Maroc : La répression cachée !

Vers la fin de son règne, le roi du Maroc, Hassan II, avait assoupli son emprise sur le pays, libérant des prisonniers politiques de longue date et accordant davantage d’espace à la dissidence.

À la mort d’Hassan II en 1999, son fils, le roi Mohammed VI, lui a succédé. Il a maintenu un rythme prudent de réformes, renforçant la réputation d’exception du Maroc dans une région où les gouvernements répressifs sont légion.  En 2012, Hillary Clinton, alors secrétaire d’État américaine, avait salué le Maroc comme « un leader et un modèle » au Moyen-Orient.

Les soulèvements du printemps arabe de 2011 ont entraîné un changement de cap. Bien que les manifestations massives au Maroc n’aient jamais menacé de renverser le régime, les autorités ont commencé à mettre un frein, voire à revenir sur les réformes entreprises.

Une décennie plus tard, le Maroc est relativement stable et exempt de violence politique mais, ne constitue plus une exception à la norme répressive en vigueur dans la région. Pourtant, les autorités marocaines continuent de promouvoir avec zèle l’image d’un royaume « exemplaire », champion des droits humains.

Une pièce maîtresse de cette stratégie, que Human Rights Watch a documentée dans un nouveau rapport est ce que nous avons appelé un manuel de stratégie pour écraser la dissidence : un ensemble de mesures conçues pour faire subtilement taire les journalistes critiques, les dissidents et les militants des droits humains qui ont refusé d’adoucir leur ton ou de s’exiler.

Les médias progouvernementaux publient des histoires sordides visant les critiques et parfois leurs proches. Ces critiques se retrouvent parfois sous le coup d’une surveillance physique ou numérique, et de menaces anonymes. 

Certains vont même jusqu’à faire l’objet d’enquêtes criminelles aboutissant à des condamnations et à des emprisonnements à l’issue de procès inéquitables. D’autres sont accusés d’infractions liées à des comportements privés consensuels, comme des relations sexuelles hors mariage ou le recours à l’avortement. Des accusations de crimes graves tels que l’espionnage, le détournement de fonds, voire le viol ou l’agression sexuelle, sont parfois lancées.

Comme ces personnes ne sont pas condamnées pour les délits d’expression au Maroc, les autorités peuvent prétendre que la liberté d’expression y est bien vivante. Quant à la diffamation sur les sites progouvernementaux, elles peuvent affirmer que cela fait partie du paysage médiatique.

Les crimes graves doivent faire l’objet d’une enquête en bonne et due forme, et personne n’est au-dessus des lois. Mais au Maroc, les chances de procès équitable sont minces si l’accusé est un dissident.

Et si les tabloïds existent dans de nombreux pays, au Maroc, il n’y a pas de presse indépendante pour leur faire face.

Cette répression des voix critiques du régime est peut-être indirecte, mais les alliés du Maroc et l’ONU ne devraient pas hésiter à la dénoncer pour ce qu’elle est : une répression d’État qui ne devrait pas exister dans un pays qui aspire à être considéré comme respectueux des droits humains.

Maroc : Un « manuel » pour déguiser la répression des opposants

Surveillance, campagnes de diffamation, intimidation, prison après des procès inéquitables

(New York) – Les autorités marocaines emploient des mesures indirectes et sournoises pour réduire les activistes et journalistes indépendants au silence, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport publié aujourd’hui. Ces mesures visent à préserver l’image de pays « modéré » et respectueux des droits que le Maroc cherche à se donner, alors qu’il devient de plus en plus répressif.

Dans le rapport de 143 pages, intitulé « “D’une manière ou d’une autre, ils t’auront” : Manuel des techniques de répression au Maroc », Human Rights Watch documente une série de techniques qui, lorsqu’elles sont employées en combinaison, forment un écosystème de répression visant non seulement à museler les voix critiques, mais aussi à effrayer tous les détracteurs potentiels de l’État. Parmi ces techniques : des procès inéquitables soldés par de longues peines de prison pour des accusations criminelles sans rapport avec le travail ou les positions politiques des individus ciblés, des campagnes de harcèlement et de diffamation dans des médias alignés sur l’État et le ciblage de membres des familles des opposants. Les détracteurs de l’État ont également fait l’objet de surveillance vidéo et numérique et, dans certains cas, d’intimidations physiques et d’agressions sur lesquelles la police n’a pas enquêté sérieusement.

« Les autorités emploient tout un manuel de techniques sournoises pour réprimer les opposants, tout en s’efforçant de conserver intacte l’image du Maroc en tant que pays respectueux des droits », a déclaré Lama Fakih, directrice de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord de Human Rights Watch. « La communauté internationale devrait ouvrir les yeux, voir la répression pour ce qu’elle est, et exiger qu’elle cesse. »

Human Rights Watch a documenté la répression multiforme de huit personnes et deux institutions médiatiques, impliquant 12 procès et le ciblage de multiples individus connexes. Pour son enquête, Human Rights Watch a mené des entretiens avec 89 personnes à l’intérieur et à l’extérieur du Maroc, dont des personnes victimes de harcèlement policier ou judiciaire, des membres de leurs familles et des amis proches, des défenseurs des droits humains, des activistes sociaux et politiques, des avocats, des journalistes et des témoins de procès. Human Rights Watch a également assisté à 19 audiences de procès de divers opposants à Casablanca et Rabat, a examiné des centaines de pages de dossiers judiciaires et d’autres documents officiels, et a attentivement suivi les médias alignés sur l’Etat pendant plus de deux ans.

Depuis que le roi Mohammed VI est monté sur le trône du Maroc en 1999, Human Rights Watch a documenté des dizaines de condamnations de journalistes et d’activistes pour des accusations liées à leurs positions publiques, en violation de leur droit à la liberté d’expression. De tels procès continuent à être intentés à ce jour. Parallèlement, les autorités ont développé une approche différente pour les opposants connus, les poursuivant pour des crimes sans rapport avec leurs positions publiques tels que le blanchiment d’argent, l’espionnage, le viol et les agressions sexuelles, et même la traite d’êtres humains.

De telles allégations criminelles sont graves et devraient faire l’objet d’enquêtes sans discrimination, et les responsables devraient être traduits en justice dans le cadre de procès équitables pour toutes les parties, a déclaré Human Rights Watch. Le rapport évalue si le déroulement de tels procès, quand les accusés sont des opposants, respecte les normes internationales régissant le droit à un procès équitable.

Dans les procès examinés, Human Rights Watch a constaté que des opposants, des membres de leurs familles et des personnes qui leur sont associées, avaient été condamnés sur la base soit d’accusations qui violent intrinsèquement les droits humains internationalement reconnus, soit, lorsque les accusations étaient légitimes, sur la base de procédures violant de nombreuses garanties de procès équitables. Les problèmes de procédure comprenaient la détention provisoire prolongée sans justification individualisée, le refus des autorités de fournir leurs dossiers judiciaires aux accusés pendant de longues périodes, le refus des tribunaux de laisser la défense interroger ou contre-interroger des témoins-clés, et la condamnation d’accusés emprisonnés en leur absence, parce que la police ne les avait pas présentés au tribunal.

Dans leur quête agressive pour « faire tomber » des opposants, y compris pour des accusations graves, les autorités ont violé les droits de leurs familles, partenaires et amis, et même ceux des personnes dont les autorités prétendent qu’elles sont leurs victimes.

Un tribunal a par exemple condamné Afaf Bernani, une ancienne employée d’Akhbar Al Yaoum, le dernier quotidien d’opposition au Maroc, pour « diffamation envers la police ». Bernani avait accusé la police d’avoir falsifié un procès-verbal d’interrogatoire dans lequel elle semblait affirmer avoir été agressée sexuellement par Taoufik Bouachrine, son ancien patron et directeur du journal. Bernani a fermement nié avoir jamais porté une telle accusation. Bouachrine a été condamné à 15 ans de prison en 2019 pour de multiples accusations d’agression sexuelle. Bernani, depuis, a fui le Maroc.

Des enquêtes d’Amnesty International et du consortium journalistique Forbidden Stories ont révélé que les autorités marocaines étaient à l’origine du piratage des smartphones de plusieurs journalistes et défenseurs des droits humains, aux côtés, possiblement, de milliers d’autres personnes, par le biais du logiciel espion Pegasus entre 2019 et 2021. Une fois qu’il a infecté un smartphone, Pegasus permet à des parties liées à l’Etat d’accéder sans entraves à tout le contenu de l’appareil.

L’économiste et défenseur des droits humains Fouad Abdelmoumni, l’une des cibles de Pegasus dont Human Rights Watch a étudié le cas, a également fait l’objet de vidéosurveillance. Des parties non identifiées l’avaient menacé de représailles s’il ne modérait pas ses critiques des autorités. Après qu’Abdelmoumni ait passé outre ces menaces, des clips vidéo filmés en secret le montrant dans un cadre privé, dans des situations intimes avec sa fiancée, ont été envoyés à la famille de cette dernière. Au Maroc, les relations sexuelles hors mariage sont punies d’emprisonnement et restent une cause de stigmatisation sociale, en particulier pour les femmes.

Qu’elles se soient retrouvées ou non dans un tribunal ou en prison, les personnes dont les cas ont été examinés par Human Rights Watch ont toutes fait l’objet de féroces campagnes de diffamation sur une certaine constellation de sites Web. Un groupe de 110 journalistes marocains indépendants avait qualifié les sites Web en question, qui sont présumés avoir des liens avec les services de police et de renseignement marocains, de « médias de diffamation ».

Ces sites Web publient fréquemment des articles sur les détracteurs de l’État truffés d’insultes et d’informations personnelles, notamment des relevés bancaires et immobiliers, des captures d’écran de conversations électroniques privées, des allégations de relations sexuelles ou des menaces de les exposer, ainsi que des détails biographiques intimes sur des membres des familles, des amis et des sympathisants des personnes ciblées.

Des détracteurs marocains des autorités ont déclaré à Human Rights Watch que la seule perspective d’être pris pour cible par de tels médias les dissuadait de s’exprimer. « Il y a un climat d’inquisition », a expliqué Hicham Mansouri, un journaliste qui a obtenu l’asile en France après avoir passé 10 mois en prison au Maroc pour adultère. « Sexe, drogue, alcool… s’ils ne trouvent rien, ils fabriquent des accusations [contre vous]. »

D’autres techniques documentées dans le rapport incluent la surveillance physique et le ciblage de membres de la famille. Hajar Raissouni, une journaliste condamnée pour relations sexuelles hors mariage avec son fiancé et avortement illégal, a indiqué que la police l’avait interrogée au sujet de deux de ses oncles qui sont des opposants renommés. Les agents ont également fourni des détails sur sa relation avec son fiancé, y compris les dates et les heures auxquelles elle promenait son chien – et même le nom du chien.

Les techniques documentées par Human Rights Watch violent les obligations internationales du Maroc en matière de droits humains, notamment le droit à la vie privée, le droit à la liberté d’expression et d’association, ainsi que le droit à une procédure régulière et à un procès équitable pour les personnes accusées de crimes.

« Ce qui semble à première vue des cas banals d’application de la loi, ou des actes épars de harcèlement et de diffamation médiatique, s’avèrent, lorsqu’on les considère dans leur ensemble, un véritable « manuel » de techniques visant à écraser toute opposition au Maroc », a conclu Lama Fakih. « Les partenaires internationaux du Maroc devraient reconnaître ces pratiques pour ce qu’elles sont et interpeller le Maroc à leur sujet, haut et fort. »

Eric Goldstein

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Cette entrée a été publiée le 1 août 2022 par dans DROITS DEMOCRATIQUES, DROITS HUMAINS, ETAT POLICIER, MAROC.
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