La députée Renaissance de la première circonscription du Loiret, Stéphanie Rist, médecin rhumatologue à temps très partiel au CHR d’Orléans, ne chôme pas à l’Assemblée Nationale. Dans son domaine de prédilection, la santé, elle propose une nouvelle loi qui souhaite faire évoluer l’accès aux soins.
Par Jean-Paul Briand
La députée Stéphanie Rist
Nommée Rapporteure Générale du projet de Loi de financement de la Sécurité sociale pour 2023 et après avoir élaboré, en 2021, la loi qui porte désormais son nom « visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification », la députée Stéphanie Rist récidive. Accompagnée par Aurore Bergé, Présidente du groupe Renaissance à l’Assemblée Nationale, elle a présenté, le 18 octobre dernier, une proposition de loi « portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé ».
La loi propose l’accès direct aux infirmiers en pratique avancée, aux kinésithérapeutes et aux orthophonistes
L’objectif prioritaire de cette nouvelle loi est de trouver une solution rapide aux énormes difficultés qu’éprouvent des milliers de Français pour se faire soigner. Phénomène particulièrement intense en Région Centre-Val de Loire, championne toutes catégories de la désertification médicale.
Sous couvert de décloisonner les métiers sanitaires et de faire évoluer les différentes compétences entre professionnels de santé, la loi propose l’accès direct (sans prescription médicale) aux infirmiers en pratique avancée (IPA), aux kinésithérapeutes et aux orthophonistes. Par ailleurs cette loi souhaite la création d’un titre d’assistant en médecine bucco-dentaire en pratique avancée, sans que l’on sache encore qu’elles seront les compétences de cette nouvelle profession.
Mise en œuvre des transferts d’activités
Cette proposition de loi va faire grincer les dents des syndicats médicaux. Elle sera sans doute rejetée par nombre de pédiatres et de généralistes qui vont dénoncer un nivellement par le bas et une perte de revenus. Elle devrait néanmoins avoir l’appui du Conseil national de l’Ordre des médecins. En effet, lors de l’ouverture du volet santé du Conseil national de la refondation, le 3 octobre 2022, dans la ville du Mans, François Braun, le ministre de la Santé, avait préparé le terrain auprès des différents Ordres des professions de santé (médecins, infirmiers, sages-femmes, kinés, pharmaciens, dentistes et podologues). Réunis au sein du Comité de liaison des institutions ordinales (Clio), les sept Ordres des professions de santé ont répondu au Ministre en proposant d’améliorer l’accès au médecin traitant. Le Clio souhaite que cet accès aux soins soit facilité « en développant le partage d’actes et d’activités entre médecins et autres professionnels de santé et d’accélérer la mise en oeuvre des mesures existantes en faveur de l’élargissement des missions des professionnels de santé, des transferts d’activités ».
L’Ordre des médecins a été obligé de lâcher du lest
Longtemps crispé sur les prérogatives des archiatres français, régnant quasiment sans partage sur les autres professions de santé, l’Ordre des médecins a dû faire de notables concessions. La délégation de tâches médicales vers d’autres métiers est enfin acceptée. Cette évolution spectaculaire a été probablement consentie afin d’éviter qu’un groupe transpartisant de parlementaires votent une limitation de la liberté d’installation des praticiens libéraux ou le conventionnement sélectif pour lutter contre les déserts médicaux. Les nombreuses propositions de loi allant en ce sens, de gauche comme de droite, ont jusqu’alors toujours été repoussées. Devant ces menaces et une pression de plus en plus difficile à contenir, l’Ordre des médecins a été obligé de lâcher du lest.
La coopération attendue peut se transformer en une compétition délétère
Partage des tâches ou des compétences, transfert de tâches et de compétences, délégation de tâches, substitution de rôles, tous ces termes désignent des réalités qui peuvent être comprises différemment et avoir des aspects juridiques distincts. Si ces distinctions et définitions ne sont pas clarifiées et acceptées par tous les intéressés alors la coopération attendue peut se transformer en une compétition délétère entre acteurs médicaux et paramédicaux. Elle sera dommageable pour les malades et la loi proposée par Stéphanie Rist et Aurore Bergé ne permettra pas l’« amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé »
Déserts médicaux: La prescription de la députée Stéphanie Rist contestée par ses pairs !
Défendue par la députée du Loiret Stéphanie Rist (Renaissance), la proposition de loi portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé arrive à l’assemblée. Le texte, dont les premiers amendements seront discutés mercredi, devrait être adopté jeudi soir par les députés.
Par Zoé Cadiot (Paris)
Stéphanie Rist (à G) Cl ZD Magcentre
« Effectivement, le retour syndical des médecins marque une vive opposition à un texte qui propose pourtant une amélioration d’accès aux soins. La plupart d’entre eux ne veulent pas de ces avancées pour les autres professionnels. Mais nous sommes là pour les citoyens et non pour une partie ou une catégorie de citoyens ». Quelques heures avant l’arrivée de sa proposition de loi dans l’hémicycle, dont les premiers amendements devraient être examinés mercredi matin, la députée du Loiret et rhumatologue Stéphanie Rist marquait une nouvelle fois sa détermination à faire adopter son texte qui prévoit « l’accès direct » des patients aux infirmiers en pratique avancée, aux kinésithérapeutes et aux orthophonistes. Sans oublier les assistants dentaires qui pourront, avec la création annoncée d’un nouveau statut, réaliser certains actes comme les détartrages.
Nouvel accès aux soins
« Concrètement, ce texte va permettre aux patients de pouvoir consulter directement sans ordonnance préalable d’un médecin ces professionnels de santé et donc favoriser un meilleur accès aux soins », expliquait lundi la députée loirétaine, qui n’ignore pas la réalité des déserts médicaux. « L’offre de soins médicaux étant insuffisante par rapport aux besoins de la population, il est indispensable de trouver des solutions. Et l’une d’elles est de faire confiance dans les diplômes universitaires obtenus par ces professionnels ». D’où la possibilité envisagée de les autoriser également à faire certaines prescriptions de soins et de médicaments.
Fortes réserves
Si ces mesures sont plébiscitées par les infirmiers et les associations de patients, elles provoquent de fortes réticences dans la communauté médicale. Outre les dangers d’une médecine à deux vitesses, ils dénoncent de véritables risques de prises en charge et de pertes de chances pour les malades. « N’est pas médecin qui veut », alerte notamment le collectif « Médecins pour demain » qui s’émeut que des actes médicaux soient réalisés par des professionnels non médecins. Même son de cloche chez les généralistes du syndicat MG France qui refusent de voir ces professionnels de santé faire des choses pour lesquelles ils n’ont pas été formés. Oui, « ceux qui organisent le détournement de nos compétences prennent de grosses responsabilités dans la perte de chance », prévient également l’Ordre des médecins.
Convaincre les médecins
Face à cette levée de boucliers, la députée Renaissance du Loiret, tente de rassurer ces blouses blanches, qui étaient encore peu dans la rue pour réclamer notamment une revalorisation du prix de la consultation. « Même s’il n’est plus l’unique porte d’entrée dans le parcours de soins, le médecin généraliste reste bien par son expertise et ses compétences, au centre du parcours de soins du malade », martèle Stéphanie Rist qui devrait voir sa proposition de loi « portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé » adoptée jeudi soir par les députés. Pas sûr toutefois que ces assurances suffisent à calmer les esprits. D’autant que tout le monde sait qu’il est aussi difficile d’avoir un rendez-vous chez le médecin que chez un kiné ou un dentiste.