Une trentaine de médecins généralistes se sont assis quelques minutes, ce mardi 14 février matin, avant de prendre le train pour Paris. Ces grévistes vont participer à la manifestation qui rejoindra le Sénat où est examinée la loi Rist sur le financement de la Sécurité sociale.
Blouses blanches sur le dos pour la plupart, ces voyageurs-là ne passaient pas inaperçus en gare d’Orléans, ce mardi matin. Vers 9 h 30, un petit attroupement se forme dans le hall. Des pancartes surgissent. Des slogans sont exhibés.
Assis en cercle dans le hall
Dans le calme le plus total, ces médecins généralistes mais aussi quelques confrères spécialistes ou paramédicaux se saluent, discutent et finissent par s’asseoir en formant un cercle. Un sit-in d’une dizaine de minutes seulement.
Les conversations tournent fatalement autour de la loi Rist. Elle est débattue à partir d’aujourd’hui au Sénat, après avoir été adoptée à l’Assemblée nationale. Elle prévoit, entre autres, l’accès direct à certains professionnels de santé mais aussi de donner plus d’autonomie et de pouvoir aux IPA, infirmiers de pratique avancée. Parallèlement, les négociations sur la revalorisation des tarifs de consultations n’avancent pas.
Toutes les générations présentes
Toutes les générations de praticiens sont représentées : de jeunes internes, déjà désabusées, mais aussi des actifs et des retraitées. Beaucoup sont des femmes.
Chloé et Sarah n’ont pas 30 ans. Toutes deux sont internes, actuellement en stage dans plusieurs cabinets. C’est la première fois qu’elles vont manifester :
« C’est le futur de notre profession qui est en jeu. Il faut que les conditions de travail s’améliorent. Tout comme le système de santé. On veut pouvoir déléguer, pouvoir embaucher des secrétaires médicales et des assistants médicaux », explique Chloé.
Sarah, elle, estime « qu’on remanie tout. On change les règles en cours de partie. On a commencé nos études pour certaines raisons mais là, il y a de plus en plus d’administratif. On remet en cause la liberté d’installation ». De quoi la dégoûter. Déjà.
« Je m’interroge, oui. Je compte partir à l’étranger », reconnaît-elle.
Chloé n’en est pas à ce point mais réfute cette étiquette « d’enfant gâtée » : « Nos revendications ne sont pas des caprices ! »
« Je vois détruire une médecine que j’aimais »
Sylvie Lenoir ne dira pas le contraire. Cette femme médecin à La Chapelle puis Chaingy est à la retraite, à 65 ans. Elle vient pourtant marcher avec ses confrères : « Je vois détruire une médecine que j’aimais. Je ne peux pas mieux résumer », déplore-t-elle.
Le Dr Sylvie Lenoir, désormais à la retraite, déplore la destruction de sa profession et est venue soutenir ses confrères.
« J’ai vu le métier changer. Le travail a toujours été lourd mais depuis 15 ans, c’est pire. On est noyés dans une foule de tâches administratives, on fait le standardiste… »
Elle craint la mort à petit feu du médecin de famille : « Ce qui se profile, c’est une délégation des soins et l’impossibilité d’avoir un suivi humain et efficace, qui est fondamental. C’est dangereux pour les patients. Je suis passée de médecin de famille, à médecin traitant puis prestataire de service… »
« Espèce en voie de disparition » ?
Beaucoup ont ce sentiment d’être « une espèce en voie de disparition ». C’est d’ailleurs ce qu’on peut lire sur leurs blouses ou leurs pancartes. C’est pour lutter contre leur extinction qu’ils iront marcher cet après-midi, entre le ministère de la Santé et le Sénat avec leurs collègues du Loiret, dont beaucoup sont partis en voitures ou en cars spécialement affrétés.
Du côté de Stéphanie Rist
La proposition de loi visant « amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé » portée par la députée du Loiret Stéphanie Rist est examinée par le Sénat. Cette dernière a envoyé un communiqué de presse, lundi soir. « L’examen de cette proposition de loi se fait dans un contexte particulier de forte mobilisation ». Et de rappeler l’objectif : « libérer du temps médical, améliorer l’accès aux soins et reconnaître les compétences des professionnels de santé ». Elle rappelle « apporter son soutien quant à la nécessaire revalorisation du tarif de la consultation des médecins et à la valorisation de leur engagement, y compris financièrement dans le cadre de la permanence des soins, de l’exercice coordonné et des soins de proximité ». « Ne perdons pas l’objectif commun de pouvoir prendre en charge davantage de patients, dans des conditions de soins toujours plus qualitatives et sécurisées, dans l’intérêt du patient », insiste-t-elle. La députée affirme que « la proposition de loi maintient le médecin au cœur de la coordination du parcours de soins, tout en faisant davantage confiance aux compétences et à la complémentarité des professionnels de santé. Il est urgent d’avancer, l’enjeu nous oblige. »
Marie Guibal La République du Centre