La publication du « panorama 2015 de l’absentéisme pour raison de santé dans les collectivités » de Sofaxis a de nouveau été l’occasion pour certains médias de dénoncer les prétendus privilèges des fonctionnaires et de réchauffer la mesure censée y mettre fin : la restauration d’une carence en cas d’absence, un jour au minimum, potentiellement trois. Les motifs invoqués pour légitimer une telle mesure sont l’égalité de traitement entre le public et le privé et l’efficacité supposée de cette mesure.
Examinons d’abord l’argument de l’égalité. Le régime général de la Sécurité sociale indemnise les absences pour maladie après trois jours de carence. Il paraît donc juste d’exiger de même des fonctionnaires pour les « responsabiliser ». C’est toutefois oublier que trois quarts des salariés du privé bénéficient d’une prise en charge de leur salaire, par leur employeur, ce dès le premier jour d’absence. Pour les fonctionnaires, l’État-employeur fait de même.
L’absence courte, la seule qui soit sensible à l’effet de l’instauration d’une carence, ne représente donc que 20% du volume.
Voyons ensuite l’argument de l’efficacité. Le différentiel d’absence entre le public et le privé serait en partie imputable à la suppression de la journée de carence le 1er janvier 2014. La rétablir permettrait de réduire l’absentéisme abusif des fonctionnaires. Là encore, c’est méconnaître la réalité de la structure de l’absentéisme au travail. Ainsi, 80 % de volume d’absence maladie est imputable aux absences longues (durée supérieure à 30 jours). L’absence courte, la seule qui soit sensible à l’effet de l’instauration d’une carence, ne représente donc que 20 % du volume. Si l’écart moyen entre le volume d’absence des salariés du privé et du public est de 5 jours par an, alors au mieux l’absence courte n’en représente donc qu’un seul. C’est là tout le gain potentiel de la restauration d’une carence et c’est bien maigre.
Ce gain est d’autant plus faible que l’analyse de l’évolution de l’absence dans des établissements publics depuis 2010 (incluant notamment la situation avant 2012 et l’instauration d’une journée de carence) montre que cette mesure engendre certes des effets attendus mais aussi des effets plus surprenants.
Les effets attendus sont la baisse du nombre d’absences courtes (d’une durée inférieure à 5 jours), ainsi que la baisse du nombre de jours que ces absences portent. C’est précisément ce que visait cette mesure. Les effets plus surprenants sont au nombre de trois.
Simultanément, on a certainement évité d’aborder les véritables problématiques de l’absence, le manque de considération, le mépris des usagers, le vieillissement de la population active, la dégradation des conditions de travail dans une fonction publique de moins en moins à même d’assurer ses missions