Alors que le Medef fait aussi monter la pression, le haut-commissaire à la réforme des retraites, Jean-Paul Delevoye, vient d’essuyer un revers. Le syndicat Force ouvrière a mis sa menace à exécution : il se retire de la concertation sur la réforme des retraites, pour ne pas la cautionner. Le secrétaire général Yves Veyrier qui a adressé un courrier le 16 avril au haut-commissaire, s’en explique.
FO n’a jamais pratiqué la chaise vide dans les réformes majeures. Pour quelles raisons claquez-vous la porte ?
YVES VEYRIER. Dans les discussions menées par Jean-Paul Delevoye, il ne s’agit pas d’une négociation entre interlocuteurs à égalité, qui peut déboucher sur un compromis. Lorsqu’on est syndicats et employeurs, c’est de la négociation. Face à l’Etat nous sommes dans la consultation. C’est le gouvernement et le législateur qui ont le fin mot. Et toute la question est celle du degré de prise en compte de ce que nous défendons comme analyse, position et revendications. La question s’est posée dès le départ, puisque FO est opposée au système universel par points. Aujourd’hui nous sommes arrivés à la limite de l’exercice, car à l’évidence la question de l’âge et de la durée d’activité est discutée en dehors de la concertation.
Pourquoi êtes-vous opposé à un régime universel ?
Dans un système universel c’est l’Etat qui pilote la totalité du régime. On absorbe de fait la partie complémentaire gérée paritairement par les syndicats et les employeurs, c’est-à-dire l’Arrco et l’Agirc. Dernièrement sur le régime général par exemple, l’Etat a décidé unilatéralement de désindexer les pensions pour 2019 et 2020. Demain, les syndicats pourraient ne plus avoir leur mot à dire pour défendre les retraites et le niveau des pensions. Or, du fait notamment des contraintes budgétaires européennes, les gouvernements raisonnent à l’économie. Les réformes successives du régime général depuis les années 1990 le montrent bien.
Selon le gouvernement un système par points serait plus juste et plus simple…
Le système par points permet surtout d’agir facilement sur le niveau des droits. En jouant sur la valeur d’achat des points et de rendement au moment de la transformation en pension on voit bien, l’Etat aura la maîtrise et pourra ajuster comme bon lui semblera. Je doute qu’il soit généreux.
Seriez-vous favorable à un allongement de l’âge de la retraite, comme le Medef qui préconise de relever l’âge légal de 62 ans pour arriver à 64 ans en 2028 ?
Non. On rend responsable de la difficulté d’équilibrer les finances de la protection sociale, les régimes eux-mêmes. Le problème c’est l’emploi et les politiques économiques qui depuis des années n’ont pas réussi à réduire le chômage, et ont généré beaucoup d’emplois précaires. En 2015 1,4 millions de personnes âgées entre 53 et 69 ans vivent sans emploi ni retraite. Parmi elles un quart a une allocation-chômage, un autre quart vit sur les ressources du conjoint et 10 % au RSA. Commençons par nous interroger sur les 140 milliards d’euros (Mds€) d’aides publiques accordées chaque année aux entreprises. Pour quels résultats sur l’emploi ? Si l’on a moins de ressources pour financer les retraites c’est du fait de cette situation. Et demain on voudrait aussi demander aux régimes de retraite de financer la dépendance, qui est du ressort de la santé. Tout cela est inacceptable.
Après avoir claqué la porte, que comptez-vous faire ?
Cette décision de nous retirer des discussions est une demande de nos militants. Dans les conditions actuelles on ne retournera pas discuter. Maintenant, FO a bien l’intention de se faire entendre. Il nous faut convaincre les salariés. Si le gouvernement ne change pas son fusil d’épaule, la mobilisation, et s’il le faut une grève de toutes et tous, sera à l’ordre du jour. En 2010, tous les syndicats et un très grand nombre de salariés étaient contre le recul de l’âge de la retraite.