Premier point, pas une création de poste supplémentaire, ni paramédical, ni médical. Ça commence bien.
Deuxième point essentiel, pas un lit de plus !
Troisième point important, aucune revalorisation salariale à la hauteur, à part la primette de 100€.
Quatrième point, pas un mot sérieux sur les EHPAD et leur crise : effectifs, qualifications, conditions de travail et financement.
Dernier point, les 754 millions annoncés (mesures de juin et futures) seront pris ailleurs sur le budget des hôpitaux publics par redéploiement budgétaire. Joli !
On voit qu’elle a particulièrement écouté les grévistes et leurs revendications. C’est un des mouvements les plus suivis de l’histoire hospitalière de notre pays. Plus de la moitié des services d’urgence sont en grève (249) et les autres approuvent le mouvement à 100 %. Cela fait maintenant 6 mois que les collègues aides soignant-es, infirmier-es, cadres, secrétaires, brancardier-es, médecins sont dans l’action. Le gouvernement, comme tous ces prédécesseurs, avait misé sur le pourrissement. Et paf dans la tronche ! Malgré un premier train d’annonces avant l’été, la période estivale a amplifié la lutte. Du jamais vu.
Tenue par l’Elysée et surtout par Bercy, réel chef d’orchestre de la macronie triomphante, on lui impose de tout régler sans dépenser un centime. Pire encore, une partie des crédits généreusement alloués pour résoudre ce conflit, et piqué aux hôpitaux, va aller vers le privé libéral lucratif. Génial, non ?, ce détournement de l’argent public vers les actionnaires et le libéral.
Mais non, on est bien loin des tueurs des services spéciaux britanniques. Il s’agit de trouver une réponse médicale ou paramédicale, quasi immédiate (24 h tout au plus), aux demandes des patient-es. Pas forcément une mauvaise idée.
Mais deux questions incontournables restent sans réponse : qui et comment ?
L’actuel SAMU déjà surchargé d’appels en tous genres, bien loin du traitement des seules urgences ? Des médecins libéraux, recrutés où et payés comment ? Pour rappel, la médecine de ville, et de campagne, est en complète déconfiture démographique, tout particulièrement dans le Centre Val de Loire, champion de France des déserts médicaux.
Et puis un numéro d’appel unique, type “15” ? Dans quels locaux ?
Et surtout que faire des patient-es lorsqu’ils ou elles appellent ? A chaque fois que la régulation médicale du SAMU oriente les gens vers l’extra-hospitalier, la décision est vivement contestée car la médecine de ville n’est plus en état de répondre et les appelant-es le savent très bien. C’est pour cela qu’ils s’adressent au 15. Et passons sur les volées d’insultes et de noms d’oiseaux qui accompagnent trop souvent la décision de la régulation.
Alors les maisons médicales, les ambulances à disposition, et dans les 24 h tout au plus, c’est un beau baratin quand, en plus, la Comptesse prétend que ce sera bouclé en trois ans.
On voit les difficultés de recrutements avec la maison médicale de La Source, vide de médecins, qui sera peut être pourvue avec des moyens humains venant du CHRO, si on trouve des volontaires à recruter !
On tourne en rond. Les urgences qui débordent et la médecine de ville en crise. Ce n’est pas en disant “l’hôpital va faire à la place” ou “la ville va faire à la place” que la pénurie médicale sera réglée.
Une autre mesure annoncée est la lutte (?) contre les médecins mercenaires.
Avec le manque de médecins des services d’urgences, l’intérim se fait des couilles en or. Les médecins mercenaires en premier, payés quatre à cinq fois plus cher pour une garde que les titulaires ou les contractuels des hôpitaux, mais surtout les patrons de ces officines qui s’engraissent sur la crise et enfournent de sacrés bénéfices aux dépens de l’assurance maladie. Car ce sont nos cotisations qui rémunèrent ces actionnaires.
Et qui sont ces intérimaires-mercenaires ? Trop souvent des médecins hospitaliers, urgentistes, anesthésistes… qui améliorent leurs fins de mois. Le différentiel entre les revenus dans le secteur public et le privé libéral ou lucratif est un réel problème que se garde bien d’affronter la Comptesse Buzyn. Prudence car on toucherait là à l’essence même de cette société marchande.
C’est donc le règne de la loi de la jungle, ce cher, très cher libéralisme, tant vanté par le macronisme et ses adeptes.
Car cette situation n’est pas tombée du ciel. C’est le fruit véreux du numerus clausus accouplé à la médecine libérale qui, “syndicalement”, a poussé les pouvoirs publics dans cette impasse pour conserver une clientèle juteuse en quantité. Moins de médecins = plus d’activité. Plus d’activité = plus de revenus, et le tour est joué. Le paiement à l’acte, comme la T2A, gangrènent tout le système de santé.
On peut faire semblant de chasser le mercenaire. Mais pour assécher ce trafic, il faudrait prendre le taureau par les cornes, tel Hercule avec celui de Minos, et revoir sur le fond les rémunérations des médecins, hospitaliers et de ville, supprimer le paiement à l’acte et unifier les salaires à la hauteur des responsabilités de ces acteurs de santé. Sans oublier le règlement de la crise démographique qui ne passera pas par des glissements de tâches vers les pharmaciens ou les paramédicaux.
On le voit, les annonces faites sont bien loin du compte.
C’est vrai, ils sont vraiment chiants. On a l’impression d’une génération spontanée. Ils envahissent tout. Le Sénat, ou les Conseils d’Administration, mais là ce n’est pas nouveau. Les associations, les partis politiques, les commerces le samedi. Rien à faire ils sont partout.
Ils pullulent les vieux. Et en vieillissant ils deviennent dépendants et tombent malades, quand ils ne meurent pas sans prévenir. Les EHPAD débordent, les caisses de retraite seraient à sec, les urgences sont engorgées. Il va falloir faire quelque chose.
En attendant une solution courageuse, comme dans “Soleil vert”, nos politiques cogitent. Que faire ? Parce que, petit détail, ça rapporte aussi beaucoup les vieux. Demandez aux actionnaires de Korian.
Pour les urgences engorgées, la Comptesse a trouvé. Bientôt, finies les fins de vie sur un brancard au fond d’un box blafard, terminées les heures d’attente pour un lit improbable pour ceux et celles qui ne sont pas arrivé-es au bout du bout.
La Comptesse Buzyn s’apprête, comme Hercule, à descendre aux enfers de la vieillesse pour enchainer Cerbère et le problème sera réglé.
On lance donc médiatiquement une annonce ahurissante. Les admissions hospitalières ne passeront plus par la case urgences pour les personnes âgées (c’est vrai il ne faut pas dire “vieux” mais on les traite comme… du bétail, à quand un EHPAD des mille vieux ?).
Mais comment mettre en place cette mesure. Les services gériatriques sont pleins à craquer. Les hospitalisations programmées demandent des mois de délais. Les médecins gériatres manquent tout autant que les urgentistes. Sur le CHR d’Orléans, l’équipe travaille au tiers de son effectif théorique et les lits font cruellement défaut. Cette annonce ressemble étrangement à du foutage de gueule caractérisé.
De plus l’annonce de budgets d’aide, une misère, est assortie à l’obligation de la mise en place de cette filière d’admission impossible à mettre en place faute de moyens et de locaux ! Chercher l’erreur.
Pour montrer enfin que ce gouvernement de Start-up est dans le coup, une des mesures consiste à s’engouffrer dans cette fuite en avant pour contourner le déficit humain organisé. C’est à une véritable ode à la machine que nous assistons. Il y avait les robots qui opèrent ou qui lisent les radiographies, il y a les lits qui roulent presque seuls (on économise un-e brancardier-e sur deux), il va y avoir et il y a déjà les logiciels gestionnaires de lits. Car le lit est devenu une denrée si rare, avec les milliers fermés, qu’il faut au moins ça pour en trouver un.
On a beau avoir des “bed-managers” comme ils disent, informatiques et/ou humains, cela ne fonctionne pas pour la simple et bonne raison qu’il n’y a pas ou très peu de lits disponibles. On lui a préféré l’ambulatoire plus juteux ou les fermetures pures et simples.
L’autre raison c’est que les déclarations de sorties des patients ne sont jamais faites en temps et en heure. Ce répit, dans la charge de travail très lourde dans les services, soulage un instant des équipes usées et permet surtout de trier les entrées en déclarant au compte gouttes les sorties. Il y aura beaucoup plus souvent un lit disponible pour un adulte jeune et son infarctus que pour un vieux Monsieur de 98 ans en insuffisance cardiaque majeure. C’est donc toujours le marchandage au téléphone qui prime. Il est chronophage et source de conflits permanents entre urgentistes et médecins des services d’hospitalisation.
Car c’est toujours par l’âge que commence la négociation, qui peut durer des heures, entre services des urgences et services lits. L’informatique la plus performante n’y changera rien tant que la rémunération de la prise en charge se fera sur la pathologie standardisée (la T2A) et non sur le coût réel, y compris en fonction de la durée de séjour, toujours beaucoup plus longue pour quelqu’un de très âgé.
Comme cela ne suffisait pas dans cet élan de modernité, on en rajoute avec l’équipement vidéo entre EHPAD et régulation SAMU. Pas de médecin, ni d’infirmière, dans les EHPAD, ce n’est plus un problème. Le médecin-régulateur gèrera à distance la prise en charge qui sera effective grâce à la pauvre aide soignante de nuit avec les 80 autres résidents.
Question de rythme à prendre. Une fois qu’on arrive à courir en travaillant ou à travailler en courant, tout en répondant aux sonnettes et au téléphone, le coup est pris. Le soin c’est cool finalement.
On ne l’appelle pas par hasard la Comptesse. La ministre sait que ses mesures géniales vont porter leurs fruits. Aucun doute n’est possible. C’est l’essence même du génie. Les urgences vont en conséquence se vider et donc les revenus engendrés vont eux aussi baisser. Logique T2A.
C’est pourquoi ils vont changer le mode de financement. C’est une “dotation populationnelle” qui assurera la relève. Quel barbarisme ! On ne sait pas dans sa tête si ça vient de population ou de populace.
En clair les financeurs délivreront une enveloppe forfaitaire dépendant de la population, en nombre d’habitant-es, et de ses caractéristiques socio-économiques ainsi que de la démographie médicale du territoire couvert par l’hôpital. Simple et transparent, non ?
C’est la porte ouverte au total arbitraire des ARS qui auront un nouveau moyen d’exercer leur pouvoir de financeurs sur les directions hospitalières et les hospitaliers. Car qui va scientifiquement évaluer les caractéristiques socio-économiques d’un territoire ? Un bel ordinateur et son logiciel “Big Brother” dernier cri ?
Ce sera plutôt à la gueule du client et des copinages politico-sanitaires. Comme d’habitude. Les petits services isolés savent ce qui les attend. Quand aux gros, ils devront maigrir de gré ou de force car la ministre a décidé du régime de “dotation populationnelle”. On sent qu’on progresse.
Jean Delhosto