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Les promesses du gouvernement sur la justice des mineurs

Les tribunaux pour enfants attendaient vendredi 27 septembre, avec l’examen en conseil des ministres du projet de loi de finances 2020, pour être fixés sur les moyens supplémentaires dont le gouvernement entend les doter pour accompagner la réforme de la justice des mineurs. Une justice sinistrée que Nicole Belloubet, garde des sceaux, entend moderniser à marche forcée. La justice des mineurs est donc une priorité du budget 2020, avec la création de 70 postes de juges des enfants et de 100 postes de greffiers dans les tribunaux pour enfants. Un vrai effort au moment où la réforme entrera en vigueur.

La délinquance juvénile et les fantasmes qui y sont associés ont fait capoter les velléités de réforme depuis douze ans. Le gouvernement d’Edouard Philippe a pris un chemin de traverse et fait le choix de passer par une ordonnance. Présentée en conseil des ministres le 11 septembre, elle sera soumise au Parlement au premier semestre 2020, à l’occasion d’une loi de ratification. Un code pénal des mineurs va remplacer à partir du 1er octobre 2020 la totémique ordonnance de 1945 relative à l’enfance délinquante.

Il y avait une nécessité technique à réformer un texte qui a perdu sa lisibilité au gré des modifications législatives. Mais sous couvert de réforme technique de réécriture et de simplification, le texte défendu par Mme Belloubet est bien un projet politique. Il réaffirme les principes fondateurs de la justice des mineurs : une justice spécialisée, avec un juge unique en charge de la protection de l’enfance en danger (volet civil) et de la délinquance des mineurs (volet pénal), le primat des mesures éducatives sur les sanctions pénales, et le principe de l’atténuation de responsabilité en fonction de l’âge, qui réduit le quantum de peine par rapport aux majeurs.

 

Logiciel unique

Mais les textes ne suffisent pas. L’appel des juges de Bobigny, « devenus les juges de mesures fictives », signé en novembre 2018 dans Le Monde, l’a brutalement rappelé. C’est pourquoi le ministère de la justice crée des emplois dans les tribunaux pour enfants dès 2020 et va augmenter l’enveloppe destinée à financer le secteur associatif habilité, à qui revient la mise en œuvre de nombre des mesures éducatives décidées par la justice.

Par ailleurs, dans le cadre du chantier numérique de la justice, « les deux logiciels qui coexistent sans se parler pour le suivi des mesures éducatives par le secteur public ou le secteur associatif vont être remplacés par un système unique, baptisé Parcours, et centré sur le jeune », prévient Madeleine Mathieu, directrice de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). Une frise chronologique restituant l’ensemble des mesures concernant un enfant, des informations aujourd’hui dispersées, sera ainsi présentée dans son dossier.

« Avec la suppression de l’instruction prévue par la réforme, cela va redonner au juge des enfants la main sur la continuité du parcours d’un jeune », souligne Mme Mathieu, pour qui le projet du gouvernement dépolitise les mouvements de balancier qui ont affecté la justice des mineurs : « Après l’ordonnance de 1945, d’une grande bienveillance dans l’esprit mais assez lourde en matière de peines, les années 1960, 1970 et 1980 ont été marquées par un assouplissement, avec l’accent mis sur l’accompagnement éducatif ; jusqu’au tournant des années 2000, où un changement complet du regard de la société sur les mineurs, censés être responsables, s’est traduit par un rapprochement avec le droit pénal des adultes. »

Le gouvernement actuel s’était inscrit dans cette tendance répressive. Jusqu’ici, sa seule décision concrète avait été de créer vingt centres éducatifs fermés, ultime étape avant l’emprisonnement, soit une hausse de 38 % sur le quinquennat. Pour corriger le tir, la Protection judiciaire de la jeunesse « va lancer en octobre les états généraux de l’hébergement », annonce sa directrice. Une véritable urgence tant la situation est critique dans les foyers collectifs, les centres éducatifs renforcés ou même les foyers jeunes travailleurs.

Nouvelle procédure pénale

« A partir du moment où on améliore les conditions de vie du mineur et des personnels d’une structure, on améliore le taux d’occupation et donc la facilité pour le juge d’y placer un jeune. Cela permet de banaliser la mesure de placement dans le parcours d’un jeune. Ce n’est plus un dernier recours qui signe l’échec des mesures en milieu ouvert », plaide la directrice de la PJJ. Les moyens devront être au rendez-vous.

 

Sur le fond, le principal changement inscrit dans la réforme du gouvernement concerne le déroulement de la procédure pénale. Un premier jugement sur la culpabilité et l’indemnisation des éventuelles victimes interviendra dans les trois mois suivant les faits, tandis que le jugement sur la peine sera remis à une seconde audience, six ou neuf mois plus tard. L’audience de mise en examen par le juge des enfants est supprimée. L’objectif est de réduire les délais de jugement, actuellement 18 mois en moyenne.

 

Les faits sont rarement contestés devant le juge des enfants et une déclaration rapide de culpabilité est censée faire accepter plus facilement le travail éducatif mis en place avant la décision sur la peine. Laurent Gebler, juge des enfants à Bordeaux et président de l’Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille, se réjouit de la suppression de la phase d’instruction et de la création d’une mesure éducative judiciaire unique avec un contenu modulable dans le temps (soins, réparation, scolarisation, etc.) en lieu et place des multiples mesures existantes.

Accélérateur de sanctions

Le temps entre l’audience de culpabilité et celle sur la peine sera occupé par une « mise à l’épreuve éducative », qui peut comporter des mesures éducatives et de contrôle judiciaire. Cette étape est déterminante pour décider d’une sanction adaptée à la personnalité du mineur. Mais les délais imposés apparaissent très courts aux juges comme aux éducateurs chargés de la mettre en œuvre. Vito Fortunato, éducateur PJJ du Syndicat national des personnels de l’éducation et du social (SNPES-PJJ/FSU), craint de voir l’accompagnement éducatif, qui nécessite du temps, se transformer en un simple contrôle formel d’obligations.

 

La réforme prévoit de sauter carrément cette étape pour les mineurs multirécidivistes, connus des éducateurs et des juges, avec études de personnalité récentes dans leur dossier. Dans ce cas, le parquet pourra demander au juge des enfants ou au tribunal pour enfants de décider de la sanction dès l’audience sur la culpabilité.

 

Le principal manque de cette réforme est de ne s’attaquer qu’à la justice pénale des mineurs et de laisser de côté le volet civil. Or, comme le rappelle le ministère de la justice, les deux tiers des jeunes placés en centre éducatif fermé ont été suivis auparavant par les services de la protection de l’enfance. Un chiffre qui signe l’échec des dispositifs de prise en charge socio-éducative des enfants maltraités ou souffrant de carences familiales. Adrien Taquet, nommé en janvier secrétaire d’Etat chargé de la protection de l’enfance, devrait néanmoins présenter mi-octobre une réforme sur ce volet.

Jean-Baptiste Jacquin   Le Monde

 

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Cette entrée a été publiée le 27 septembre 2019 par dans anticapitalisme, DROITS HUMAINS, ENFANCE, FRANCE, JUSTICE.
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