Chine 1ère puissance économique mondiale 2ème puissance politique et militaire
La proclamation de la République Populaire de Chine suite à la victoire de la « révolution communiste » (prise de Pékin le 22 janvier 1949) représente indiscutablement une étape importante de l’histoire humaine pour au moins six raisons :
* Elle se produit dans le pays le plus peuplé du monde (environ 450 millions d’habitants en 1949, 1 338 612 968 aujourd’hui).
* Elle émerge au coeur de la civilisation la plus importante de notre planète avec ses cinq millénaires d’histoire, de pensée (confucianisme, taoïsme, Mencius…), d’inventions (papier, boussole, imprimerie xylographique…). De l’Antiquité au 18ème siècle, la Chine constitue la première puissance économique mondiale et le pays au niveau de vie le plus élevé.
* Elle marque l’aboutissement du long combat mené par les Chinois pour l’indépendance de leur pays (guerres de l’opium, révolte des Taïping, invasion franco-britannique de 1860 occasionnant l’incendie du Palais d’été, invasions japonaises, soutien des USA à Tchang Kaï-Chek)
* Elle conclut la longue guerre civile commencée en 1927 lorsque les nationalistes avaient décidé de procéder au massacre des communistes.
* Le renforcement des armées rouges chinoises pendant la Seconde Guerre mondiale a largement contribué à stopper la marche des troupes japonaises alliées de l’Allemagne nazie. Si tel n’avait pas été le cas, les armées de l’empereur Hiro Hito auraient pu prendre l’URSS à revers avec des conséquences probablement considérables sur l’histoire mondiale.
* En 1948 1949 1950, les Etats Unis choisissent une politique étrangère active et agressive pour défendre leurs intérêts économiques impérialistes au niveau mondial. C’est à ce moment-là que leur allié chinois, le Guomindang, est balayé par la Révolution chinoise. De ce point de vue aussi, la victoire des communistes chinois a pesé sur l’histoire. Le développement du mouvement tiers-mondiste et non-aligné dans les 20 ans suivants qui conduira à la période de haute combativité mondiale des années 68 s’explique en partie par la dynamique née à Pékin.
Ces avancées sont indéniables :
* en 1949, seulement 20% des Chinois savaient lire et écrire ; aujourd’hui 90% de la population bénéficient de cet acquis scolaire de base.
* en 1949, l’état sanitaire du pays était catastrophique. L’espérance de vie avoisinait 40 ans, en 1980 : 66 ans. L’OMS estime qu’elle se situe aux environs de 72 ans aujourd’hui.
* La faim constituait le fléau principal de la Chine avant 1949. Aujourd’hui, son auto-suffisance alimentaire est assurée. Avec 10% des terres de la planète, le pays nourrit 22% de la population mondiale.
* Avec 253 millions d’utilisateurs du web en 2008, la Chine est aujourd’hui le pays du monde qui compte le plus grand nombre d’internautes.
* Venant après un siècle de chaos et de guerre civile, la révolution a accouché d’un Etat dont les capacités d’intervention sont importantes comme l’ont prouvé les plans de relance économique ces 12 dernières années. Les banques, pour permettre aux branches professionnelles vétustes de survivre avaient accumulé d’énormes créances douteuses. En 1998, l’Etat a renfloué les quatre principales banques à hauteur de… 200 milliards de dollars, et cinq plus tard, en 2003, il a rajouté 45 milliards de dollars (soit, sur 6 ans, entre 30% et 60% du PIB !
* La Chine produisait en 2005 : 70% des jouets fabriqués sur la planète, 60% des bicyclettes, 50% des ordinateurs et des appareils photos, 35% des téléphones mobiles, 30% des téléviseurs et des climatiseurs, 25% des machines à laver… ! Cela prouve une qualification de la force de travail, une organisation sociale et économique autre que celle d’un pays du Tiers monde.
* Ces succès expliquent le poids politique actuel de la Chine sur la scène internationale et son entrée au G20.
* Les dirigeants chinois ont réussi plusieurs paris depuis 30 ans mais…
* Dans les campagnes ils ont poursuivi une « décollectivisation », « libérant l’initiative privée » et les possibilités d’enrichissement ; une minorité influente y a trouvé son compte et la production a nettement progressé. Une alliance objective entre ces nouveaux riches et l’appareil d’état local a fonctionné mais la grogne des paysans augmente d’autant plus que les surfaces agricoles diminuent et que la corruption est plus forte en milieu rural. Ces pauvres migrent vers les grandes villes et secteurs industriels qui les embauchent. Ils seraient aujourd’hui entre 150 et 200 millions à vivre dans des conditions déplorables.
* Les provinces côtières ont bénéficié d’un intense effort pour intégrer la Chine dans le commerce international. Elles concentraient en 2001 38% de la population, mais 91% des exportations, 91% des importations, 82% des investissements directs venus de l’étranger. On ne peut nier une réussite par rapport à l’objectif initial ; cependant, si l’économie chinoise s’est développée grâce à ses partenariats avec des multinationales, ce sont celles-ci qui empochent l’essentiel des bénéfices. Exemple : Les entreprises chinoises, premières productrices de télévisions couleur, ne possèdent aucun des 7000 brevets nécessaires, et doivent les rémunérer. Cependant aussi, notons que la compétitivité des entreprises chinoises est fondée sur de faibles salaires ; une telle situation ne tiendra pas longtemps dans un pays qui se revendique encore du rôle historique de la classe ouvrière.
* La détérioration de l’environnement atteint un point critique dans les grandes villes et zones industrielles
* Le Parti a réussi à conserver son rôle dirigeant tout en misant en permanence sur les changements cependant, il est probable que son rôle colossal sera source de tensions. Prenons la visite du vice-président chinois Xi Jinping dans la province du Jiangsu cette année. Il fait le tour des entreprises, des ports, des quartiers d’habitation, des zones rurales et des zones de développement économique puis donne la solution : renforcer le parti « dans la lutte contre la crise financière et le développement économique du pays ». Ce type de langue de bois n’aidera guère à trouver des solutions aux difficultés actuelles.
* Les grandes contradictions qui ont miné le régime soviétique se retrouvent dans la Chine actuelle (corruption et incompétence d’une partie de l’appareil Parti Etat, absence de respiration démocratique, brèches juridiques dans lesquelles s’engouffrent logiquement les opposants, poids de l’opinion internationale…) avec en supplément une crise écologique considérable dans plusieurs provinces. Des explosions sociales locales violentes ont éclaté ces dernières années ; dans le pays du monde qui a connu le plus de révolutions dans son histoire avec la France, « l’émergence harmonieuse » avancée par les dirigeants actuels peut connaître de gros ratés.
* Les affrontements récents autour des Ouigours dans l’Ouest du pays ont rappelé l’existence de nombreuses populations aux langues différentes qui vivent mal leur marginalisation au profit des Han.
Jacques Serieys
1er octobre 1949 : Proclamation de la République populaire de Chine
jeudi 1er octobre 2009.
Source : http://www.europe-solidaire.org
La proclamation de la République populaire de Chine, le 1er octobre 1949 à Pékin, a constitué l’un des événements majeurs du XXe siècle. Si la révolution avait échoué en 1937-1945, face aux forces d’occupation japonaises, le cours de la guerre mondiale en Orient en aurait peut-être été modifié. Si, en 1945-1947, elle avait échoué face aux armées contre-révolutionnaires du Guomindang, le pays serait probablement passé sous la coupe de l’impérialisme étatsunien. La face du monde en aurait été changée.
La victoire de la révolution chinoise a fait du plus grand pays du monde (par la population) un acteur indépendant dans l’arène internationale. Ce n’est pas rien ! Mais elle a aussi, et à plus d’une reprise, posé des questions nouvelles aux marxistes par ses succès et ses échecs (tous deux retentissants) – et ce, du fait, notamment, de sa longévité. Le bouillonnement révolutionnaire a commencé dès 1919 avec le Mouvement du 4 Mai et ne s’est terminé que cinquante ans plus tard dans le chaos de la Révolution culturelle. Par-delà ses hauts et ses bas, c’est l’un des processus révolutionnaires les plus longs du monde, avec la révolution vietnamienne. Il enchaîne des cycles successifs qui, chacun, offre son lot de surprises.
L’Octobre russe de 1917 avait déjà été une surprise pour la plupart des marxistes qui pensaient que la révolution mondiale ne pouvait débuter qu’en Europe occidentale. La victoire des bolcheviks a ouvert un cycle de luttes révolutionnaires qui s’est rapidement manifesté en Chine, soulevant des questions encore plus saisissantes pour l’époque : la modernisation d’un pays du « tiers-monde » (le terme est anachronique) peut-elle prendre des voies non capitalistes ? Comment le marxisme, issu de la pensée occidentale, peut-il être intégré à une culture orientale ?
Après la défaite, en Occident, de la révolution allemande (1923), le cycle révolutionnaire ouvert par l’Octobre russe se clôt en Orient avec, en 1927, l’écrasement de la Seconde Révolution chinoise (la première datant de 1911). Vu la responsabilité de Moscou dans la définition des orientations du Parti communiste chinois (PCC), cet échec sanglant a pour la première fois posé une question cruciale : quelles seraient les conséquences pour le mouvement communiste international de la bureaucratisation, de la stalinisation de l’Etat soviétique ? Elles s’annoncent très graves…
Une décennie plus tard en Extrême-Orient, l’invasion japonaise en Chine (1937) annonce la Seconde Guerre mondiale – de même qu’en Europe la Guerre civile espagnole. Elle inaugure un troisième cycle de luttes. Le courant dominant du mouvement communiste chinois est alors le maoïsme – encore une nouveauté. La résistance à l’occupation nippone est l’occasion d’enrichir l’expérience militante en de nombreux domaines, d’une conception très politique de la guerre populaire jusqu’à l’organisation directe de la paysannerie par un parti communiste (ce que les marxistes russes n’avaient pas fait avant 1917). La défaite japonaise de 1945 laisse le champ libre à la guerre civile entre le PCC et le Guomindang. Puis l’Octobre chinois de 1949 ouvre, comme hier l’Octobre russe, un cycle international de luttes révolutionnaires qui ne s’achève qu’en 1975 avec la victoire vietnamienne, la libération des colonies portugaises et la chute de la dictature Salazar. Il engage aussi l’impérialisme dans la guerre de Corée (1950-1953) puis dans la guerre d’Indochine (1965-1975), aux frontières chinoises. Washington déploie un système contre-révolutionnaire mondial sans précédent.
Cependant, le maoïsme n’est pas la réplique du bolchevisme et la République populaire n’est la copie conforme de l’Etat soviétique ni dans sa version originelle ni dans sa caricature stalinienne. Une vraie révolution est en cours, avec un bouleversement radical de la structure de classe du pays. Le statut des femmes, des paysans, des ouvriers change. Mais le PCC garde un strict monopole du pouvoir politique.
Le sort de la RPC se joue en trois crises, de plus en plus intenses : les Cent Fleurs (1957), le Grand Bond en avant (1959) et la mal nommée Révolution culturelle (1966-1968) qui désintègre un temps le Parti communiste. Au bout de ces années tumultueuses, c’est la bureaucratie qui l’emporte, consolidant son pouvoir, alors que l’élan révolutionnaire s’épuise. Sur le plan international, les conflits interbureaucratiques (URRS-Chine) prennent un tour d’une très grande violence.
A partir des années 1980, le PCC engage la transition capitaliste, en alliance avec le capital chinois transnational établi à Taiwan et en bien d’autres contrées. On assiste à un bouleversement à rebours de la structure de classe : ce qui avait été noué après 1949 est systématiquement défait. La contre-révolution bourgeoisie succède à la contre-révolution bureaucratique. La nouvelle bourgeoisie chinoise peut remercier Mao : c’est parce que la révolution chinoise a préservé le pays de la domination impérialiste qu’elle peut aujourd’hui occuper la place internationale qui est la sienne.
En 90 ans (1919-2009), la Chine en révolution et contre-révolution n’a cessé de nous confronter au neuf, à l’imprévu. Les 50 premières années, elle a contribué à enrichir la pensée stratégique, la réflexion sur les possibilités et les difficultés des combats d’émancipation, la compréhension des sociétés de transition. Ces trente dernières années, elle nourrit surtout l’analyse des voies de la reconstruction capitaliste ! En attendant qu’elle nous offre à nouveau des leçons révolutionnaires dans un avenir que l’on espère pas trop lointain…
Pierre Rousset
Pour une analyse plus détaillée, voir :
La Chine du XXe siècle en révolutions – I – 1911-1949 ou de la chute des Qing à la victoire maoïste http://www.europe-solidaire.org/spi...
La Chine du XXe siècle en révolutions – II – 1949-1969 : crises et transformations sociales en République populaire http://www.europe-solidaire.org/spi...
ROUSSET Pierre