L’attaque et les sanctions contre les deux cardiologues, du CHRO, réputés (avant leurs sanctions) vient de l’institution via l’ARS (Agence Régionale de Santé) qui doit réguler et avoir un œil sur les actes médicaux du public et du privé ! (cf. article en bas de La République du Centre)
Vraisemblablement la clinique ORELIANCE, bien connue pour sa cardiologie aux dépassements d’honoraires, serait à l’origine des dénonciations à l’ARS ! En effet le président de l’ordre des médecins (qui est monté à l’assaut) est radiologue dans cette clinique qui, par ailleurs, s’est plainte de voir son activité baisser en cardiologie ! Surtout depuis l’arrivée des deux cardiologues au CHRO (Centre Hospitalier Régional d’Orléans).
De plus l’instance réglementaire (ARS) encadrant l’activité libérale au CHRO a donné un avis de principe en catastrophe. Le sujet était inabordable et la direction de l’hôpital couvrait nettement certaines dérives. Brutalement, et très rapidement, l’affaire a été délocalisée à la commission régionale de l’activité libérale où siègent des médecins tourangeaux.
Pour mémoire, ORELIANCE appartient au groupe St Gatien, clinique de Tours qui fait beaucoup de cardio, notamment de la chirurgie cardiaque. Et qui donc travaille beaucoup avec ORELIANCE via son réseau. Réseau qui s’est aussi, sans doute, activé dans les instances régionales de l’ordre des médecins et de l’ARS pour briser l’équipe du CHRO, qui par ailleurs avaient des pratiques inacceptables.
Clairement, ce qui fait réagir l’ARS, ce n’est pas l’abattage pratiqué au CHRO mais le lobbying du privé qui se voit concurrencé et battu sur son propre terrain de jeu. Dans le monde de la médecine libérale, vive la concurrence quand c’est le privé lucratif qui gagne. Sinon gare à l’Etat qui veille aux intérêts des actionnaires et se balance comme de l’an 40 de la santé publique.
Nous aurions aimé une telle sévérité envers les multiples dépassements d’honoraires mis en place par les cliniques du privé. C’est le patient qui raque directement ou par l’intermédiaire de sa mutuelle qu’il doit se payer !
Lors de l’attribution du marché du regroupement des cliniques d’Orleans par l’ARH de l’époque, son responsable médical, très proche du PDG du groupe St Gatien, a poussé très fort pour qu’ils gagnent la partie contre les autres concurrents.
Il ne fallait pas faire d’ombre aux copains de St Gatien ni au CHU de Tours. Résultats, il y a deux services de chirurgie cardiaque à Tours et rien ailleurs dans la région.
Tout le monde savait en interne au CHRO que les deux cardiologues bossaient comme des bêtes et en dehors des clous mais la direction fermait les yeux car ça lui rapportait du fric à travers la redevance payée par les médecins qui font du libéral au CHRO, et qui peut être élevée comme sur les actes de cardio interventionnelle.
On peut attendre une redevance de 80 % du montant de l’acte (Tarif sec soc de base) versée à l’hôpital. Le médecin, lui gagne sur d’éventuels dépassements d’honoraires. En plus le médecin qui fait du privé reçoit parallèlement l’intégralité de son salaire public. Clairement il est payé deux fois, son salaire identique à celui de ses collègues, et pendant le privé, les honoraires en plus de ses consultations ou de ses interventions privées.
Le reproche qui leur est fait, à juste titre, est de travailler comme dans le privé lucratif où ils seraient cités en exemple pour leur productivité et leur organisation.
L’ARS qui se préoccupe de l’état de santé et de la sécurité des malades, on aura tout vu ! Le directeur général, qui se plaint alors que ses adjoints exhortent en permanence les médecins à faire du chiffre…. terrible !
Certains se demandent pourquoi l’ARS ne fourre pas son nez chez certaines maternités qui « césariseraient » à tour de bras, avec des interventions de thyroïde, toujours justifiées ?
Ces pratiques déviantes et délirantes dureront tant qu’on ne supprimera pas le secteur libéral à l’hôpital public avec, en parallèle, une meilleure rémunération des médecins hospitaliers. C’est le fric qui pourrit les soins.
Mais qui a fait rentrer cette culture du fric dans l’hôpital public ? Du secteur libéral, aux primes au mérite, Happytal, les labos pharmaceutiques qui imposent des tarifs prohibitifs des médicaments pour engraisser leurs actionnaires, sur le dos de nos cotisations sociales, à la tarification à l’activité chère à Bachelot, Bertrand, Touraine, Buzyn !
« Cette décision de l’ARS est profondément injuste » : les deux cardiologues du CHRO suspendus dénoncent un rapport « à charge »
Les Dr Yafi et Rehal, suspendus par l’ARS depuis le mois d’août, sont aujourd’hui mis sur la touche du service de cardiologie interventionnelle du CHRO. Ils répondent point par point, en exclusivité pour La République du Centre, au rapport qui les met en cause.
Les Dr Waël Yafi, praticiens au CHRO depuis 2015, et Kamel Rehal, embauché en 2018, nous ont reçus pendant plus d’une heure et demi ce lundi 21 septembre dans les locaux du service de cardiologie. Ils se défendent des accusations de suractivité et de mise en danger de la vie des patients dont ils font l’objet dans le rapport des experts du Gaci.
Comment réagissez-vous à cette suspension décidée par l’ARS ?
Dr Waël Yafi : « Cette décision de l’ARS est profondément injuste. Notre avocat travaille actuellement à un recours hiérarchique avant d’envisager de saisir le tribunal administratif d’Orléans. Et je suis très étonné qu’un rapport confidentiel puisse être en possession de journalistes, c’est forcément parce que quelqu’un l’a diffusé dans un but mal intentionné. Il y a la volonté de certains de me faire partir de cette région. C’est fait pour me nuire, à ma carrière, à ma famille. »
Dr Kamel Rehal : « Je conteste tous les points du rapport du Gaci et la décision de l’ARS. Nous avons envoyé des argumentaires mais personne n’a regardé nos explications. Il faut savoir que je n’ai pas eu d’activité libérale en 2018 et 2019. Or, chaque courrier que j’ai reçu est un copier-coller de ce qui a été envoyé au Dr Yafi, qui a commencé avant moi. J’ai débuté en janvier 2020. Nous avons un service à l’hôpital qui comptabilise les actes et j’ai un taux d’activité libérale de 18% (le taux autorisé est de 50% concernant les actes, NDLR) et de moins de 15% de mon temps (la limite est fixée à 20%). On a essayé de faire comprendre que nous n’avions pas le même dossier. Il n’y a rien de fondé. Le rapport du Gaci, c’est de l’acharnement de A à Z. »
Dr Yafi, reconnaissez-vous avoir dépassé votre quota d’activité libérale ?
Dr Yafi : « J’ai travaillé en Angleterre, à Manchester, avant de venir ici. J’ai acquis de la technique, dans le domaine de l’occlusion chronique, en particulier. Je suis quelqu’un de très dynamique. Ici, les journées vont normalement de 9 heures à 18 heures.
« Moi, mes journées commencent à 7 heures et se terminent à 19 ou 20 heures. Je ne prends jamais de pause. En 2018 et 2019, j’ai travaillé presque tous les samedis. »
Quand on me dit que je peux faire 20% d’activité libérale, cela veut dire que je dois 80% de mon travail au service public. Si je calcule, sur la base d’une journée « normale », je dois 1.597 heures par an. Or, j’ai fait 1.744 heures au service de l’hôpital. Et je ne dépasse pas les 50% d’actes autorisés. Je suis dans les clous.
« On est surveillés par une commission d’activité libérale qui se réunit tous les trois mois. En 2018 (date du début de l’activité libérale du Dr Yafi) et 2019, elle s’est réunie huit fois et personne ne m’a reproché quoi que ce soit. Les PV sont consultables. C’est seulement en novembre 2019 qu’un rapport est venu dire que je dépassais les 20% de temps d’activité libérale. Après ce rapport, j’ai été contacté par la direction de l’hôpital qui m’a reçu en janvier 2020 et m’a demandé de diminuer mon activité. Ce que j’ai fait dès le mois de février 2020. Après, est arrivé le Covid et je n’ai fait que de l’activité « urgence », qui est publique. »
« J’ai toujours été dans les règles. Je travaille beaucoup, beaucoup, beaucoup (il le dit trois fois, NDLR). Mais avant novembre 2019, personne ne m’a rien dit. C’est pour ça que je suis choqué par cette décision de l’ARS. D’ailleurs, en 2015, 2016, 2017, je n’avais pas d’activité libérale et j’avais déjà une activité très importante. J’ai toujours beaucoup travailler en public comme en libéral. »
Comment justifiez-vous ce volume d’activité très supérieur à ce qui se pratiquait dans votre service avant votre arrivée ?
Dr Yafi : « En 2018-2019, je me suis occupé de 818 infarctus. Et la prise en charge ne peut se faire qu’en public, pas en libéral. Le Dr Rehal en a fait 407 et nos deux autres collègues 187 et 51. C’est pour vous donner une idée de l’ampleur de mon travail, pas seulement en libéral. Oui, je suis très actif et j’ai certaines compétences techniques qui permettent un accès rapide aux artères. »
Dr Rehal : « J’ai commencé mon activité au CHRO en juin 2018. En six mois, j’ai fait 211 angioplasties. L’année suivante, sur une année complète, j’ai fait 476 angioplasties, soit à peu près le double, ce qui est normal.
« Je ne vois pas comment on peut parler d’un volume exponentiel. »
C’est vrai que ce volume est supérieur à celui de nos confrères parce que nous assurons plus d’astreintes, plus de gardes et plus de vacations en coronarographie. Nous étions quatre opérateurs mais le travail de coronarographie reposait surtout sur nos épaules. »
Dr Yafi : « En 2006, ce service faisait 677 angioplasties. En 2014, on était à 670 angioplasties. Pourquoi il n’y a pas eu de progression alors que l’augmentation est de l’ordre de 7 à 10 % par an au niveau national ? Quand je suis arrivé, en 2015, il n’y avait que deux praticiens à temps plein.
« On est dans un désert médical ici. Il y avait la volonté de faire progresser ce service. Les patients étaient « sous-traités ». »
On a remonté la pente, et oui, il y a eu un rebond à plus de 2.000 interventions par an. Quand on a traité ce « stock » de patients, la courbe est revenue à un niveau plus normal en 2019, avec environ 1.800 patients traités. On a ouvert une deuxième salle, recruté du personnel. »
D’où venaient ces patients ?
Dr Yafi : « Avant, les gens partaient à Paris. Il n’y avait aucun correspondant dans les hôpitaux de Montargis, Gien ou Pithiviers. On a développé un sacré réseau pour que ces patients soient adressés à Orléans. »
Le rapport du Gaci vous reproche d’avoir « feuilletonné » les interventions, avec des patients qui ont subi quatre ou cinq anesthésies locales, quitte à mettre en danger leur santé. Comment justifiez-vous ces choix ?
Dr Yafi : « Quand il y a des lésions sur trois artères du cœur, il y a deux écoles : soit on fait tout d’un coup, soit on échelonne. Selon nous, cette seconde méthode est plus sûre pour le patient, avec moins d’inflammations, moins de risques. Il peut y avoir un risque si l’intervention se fait via l’artère fémorale. Mais aujourd’hui 98 % se font par voie radiale (au niveau du poignet, NDLR), le risque est minime. C’est plus « safe ».
« Est-ce qu’il y a eu des plaintes ? Des complications ? Des morts ? Non. »
DR WAËL YAFI
Le feuilletonnage coûte plus cher mais le patient est gagnant. »
Les experts s’étonnent également de l’âge de certains patients presque centenaires ou au contraire très jeunes.
Dr Yafi : « L’âge ne contre-indique pas le geste. Je suis fier si j’ai rendu un patient âgé autonome. Je ne le fais pas pour le plaisir mais pour améliorer sa qualité de vie. Et je n’ai jamais fait d’intervention sur un patient en soins palliatifs. On me reproche aussi d’avoir posé, pour rien, un stent sur l’artère presque bouché d’un homme de 32 ans venu pour un arrêt cardiaque ! Il y a là quand même un certain degré de légèreté. C’est presque de la diffamation ! On n’est pas là pour faire du mal mais pour soigner. »
Toutes vos décisions étaient-elles prises en collégialité, comme il est d’usage ?
Dr Rehal : « Tous les matins, à 8h30, nous avions le staff (réunion de l’équipe médicale) de garde en soins intensifs. Le chef de service et le cadre du service étaient toujours présents. Et chaque vendredi, il y avait un staff pour les cas litigieux. Parfois, on en discutait par téléphone. Ce n’est pas toujours collégial mais dans la majorité des cas. Surtout pour les lésions complexes. Sauf en cas d’urgence vitale ou en pleine nuit. »
Quel était votre chiffre d’affaires en 2018, Dr Yafi ? Confirmez-vous avoir perçu un million d’euros d’honoraires ?
Dr Yafi : « Je travaille beaucoup, le chiffre d’affaires est important mais dans les règles. Je n’ai jamais pratiqué les dépassements d’honoraires et on savait centime par centime ce que je gagnais. J’ai pensé que si personne ne me reprochait rien, c’est que tout allait bien. J’ai fait venir les techniques les plus modernes dans ce service. C’est quelque chose de gratifiant. Je n’ai pas volé cet argent. Et je reverse près de 40% de mes revenus libéraux à l’hôpital. »
Comment voyez-vous votre avenir au sein du service ?
Dr Rehal : « On souffre de cette situation et du rapport du Gaci. On n’est pas bien. Cela nous cause du stress au travail, en famille. C’est de l’acharnement.
« On ne dit pas qu’on est irréprochables à 100% mais on aimerait une vision impartiale. »
Les experts n’ont examiné qu’1,6 % des dossiers pour juger de la prise en charge de nos patients. Je suis prêt à faire une contre-expertise de tous mes dossiers. Les responsables hiérarchiques ne veulent plus qu’on rentre en salle de coronarographie. Mais moi, je suis formé pour ça, je veux en faire. »
Dr Yafi : « Je suis profondément choqué. Pour moi, quand on travaille bien et beaucoup on doit être récompensés, pas sanctionnés. J’ai été très déstabilisé par cette histoire. J’ai été arrêté pendant trois semaines pour syndrome dépressif. J’avais demandé à avoir un peu de repos mais aujourd’hui je ne suis pas contre reprendre mon activité. J’avais la tête dans le guidon. Je regrette que quelqu’un ne m’ait pas ouvert les yeux de façon plus confraternelle que ce rapport à charge. On se sent poussés vers la sortie. Mais on n’a rien à cacher. »
Propos recueillis par Alexandre Charrier et Marie Guibal