La marche nationale des sans papiers, portant les trois revendications claires de régularisation des sans papiers, de fermeture des CRA (Centre de Rétention Administrative) et d’un logement décent pour tous, a fait les frais du climat découlant du meurtre terroriste du 16 octobre contre l’enseignant Samuel Paty.
L’omerta médiatique a occulté une initiative construite par un lancement aux quatre coins du pays avec des démarrages locaux le 19 septembre dont la manifestation finale parisienne du 17 octobre devait constituer le point d’orgue, avec l’objectif politique de marcher sur l’Élysée pour présenter les revendications.
Le vendredi, avant même le drame de Conflans-Sainte-Honorine, le pouvoir a tenté jusqu’au dernier moment de mettre des bâtons dans les roues en cherchant à imposer des changements d’itinéraire avec l’intention manifeste d’empêcher la tenue de la marche. Heureusement, la mobilisation de plusieurs associations démocratiques (LDH, CIMADE, DAL …) ou syndicales (Solidaires et l’UD CGT 75) a permis d’imposer un départ de République vers Saint-Lazare, en direction de l’Élysée mais avec un mur final de gendarmes mobiles à Saint-Lazarre qui a laissé Macron à l’abri. Et il fallait aussi compter sur l’entrée en vigueur le samedi à partir de 0H du nouveau dispositif de l’état d’urgence sanitaire.
Donc, dans ces conditions, malgré les embûches semées par le pouvoir, le chiffre de plus de 50.000 manifestants est un succès dont les initiateurs peuvent se réjouir. Il faut préciser que s’il y avait un seul cortège, c’était en fait deux manifs fusionnées à République qu’il fallait compter. Outre la marche des sans-papiers, il y avait aussi la marche « pour l’emploi et la dignité », complétée ensuite de la mention « et pour les service publics », appelée par certaines organisations de la CGT
Certes, le dernier point de l’abondante plate-forme de revendications sur la base de laquelle ces organisations CGT appelaient, exprimait la solidarité pleine et entière avec les travailleurs sans papiers, pour autant ce document tenait plus de la plate-forme pour un regroupement (« une tendance ! ») à l’occasion d’un prochain congrès confédéral que d’un ensemble de mots d’ordre percutants car exprimant les besoins urgents du moment du monde du travail.
Ce faisant, cette mobilisation souffrait d’une vocation à usage interne de ce regroupement syndical. Car à travers cette initiative, il s’agissait d’affirmer face à la direction confédérale un pôle revendicatif et combatif se détachant de l’enfouissement dans le « dialogue social ».
Le titre de l’appel n’était pas susceptible en lui-même (« pour l’emploi et la dignité », la CFDT peut titrer pareil …) de soulever l’enthousiasme. Mais là, où le bat blesse dans cet appel, c’est le paragraphe finale de la déclaration principale : « comme nous l’avons fait le 17 septembre, comme le feront les travailleurs de la santé et des organismes sociaux le 15 octobre, comme le font chaque jour des milliers de salariés dans leurs entreprises et administrations, nous sommes déterminés à lutter, à œuvrer au rassemblement avec toutes celles et ceux qui comme nous refusent l’injustice permanente et l’avenir délétère que le capital veut nous imposer. Nous affirmons la nécessité de construire un processus de lutte inscrit dans la durée et y apportons notre contribution avec cette marche pour l’emploi ».
Si l’objectif de dépasser le capitalisme (« … en finir avec l’exploitation capitaliste de l’être humain et de la nature… ») est clairement revendiqué par les signataires, pour autant la démarche immédiate ne se démarque pas de la pratique des « journées d’action » traditionnelles au lendemain desquelles tout continue comme avant. Ainsi, la présentation du 17 septembre comme une date importante en fournit une preuve : qu’a été le « 17 septembre » sinon la traditionnelle journée de rentrée CGT jouant le rôle d’os à ronger pour les militants qui voudraient que « çà bouge » après un été de réunions à n’en plus finir en tête à tête (le « dialogue social »!) avec le gouvernement ? Ainsi cette date aura permis de donner son compte à toutes les parties (la confédération comme ses opposants contestataires).
Et l’expression « processus inscrit dans la durée » renvoie trop souvent à une course d’épuisement dont l’issue est souvent confuse. Un tel processus a, par exemple, été celui que l’on a vécu en 2016 face à la loi Travail d’El Khomry. Avec le résultat que l’on sait … Là pour avancer, il va falloir rediscuter de comment on monte une mobilisation avec l’objectif de la grève générale, dont certains des signataires se revendiquent à juste titre mais avec encore un manque de précisions dans le contenu, les moyens et l’objectif.
Quant à la journée d’action de la santé du 15 octobre, il est regrettable qu’à l’heure d’un projet de loi de finance de la sécurité sociale aussi catastrophique en ces temps de pandémie, et au moment où le gouvernement ressortait état d’urgence sanitaire et couvre-feu, on soit arrivé à une manif nationale modèle de poche devant le ministère. S’il faut en retenir quelque chose, c’est que ce n’est manifestement pas de cette façon que l’on construit une grève générale.
Et pour finir cette critique, il faut aussi souligner que l’unité du mouvement social ne peut se résumer à coller à d’autres secteurs en lutte, il faut aussi poser la question de l’unité syndicale sur la base des revendications. Les initiateurs CGT entendent donner une suite à cette première action avec des « assises de la riposte » attendues à Martigues. A suivre….
NPA Loiret