Le groupe américain IBM serait sur le point d’engager la suppression de plusieurs dizaines de milliers de postes dans le monde d’ici la fin de l’année. En Europe, les coupes pourraient s’élever à 10 000.
IBM (ci-dessus le siège social d’Armonk) devrait procéder des réductions d’effectifs à partir du quatrième trimestre 2020. (crédit photo: IBM).
L’ombre d’une vague supplémentaire de licenciements plane sur IBM. Un mois après avoir annoncé la scission de son activité Managed Infrastructure Services pour se concentrer sur le cloud, le groupe américain se préparerait à engager un vaste plan de réorganisation mondial. Selon la presse allemande, 30 000 à 40 000 emplois pourraient être supprimés d’ici la fin de l’année. Ces informations leur ont été rapportées par Ver.di, le poids lourds des syndicats européens, suite à une réunion du comité d’entreprise le 28 octobre. D’après l’organisation, ce plan se déroulera dans un premier temps sur la base d’un appel au volontariat mais des licenciements ne sont pas à exclure.
Handelsblatt et WirtschaftWoche, deux magazines d’outre-Rhin précisent de leur côté qu’en Europe, les coupes pourraient s’élever à 10 000 dont 2 300 en Allemagne. Le site d’informations interne de Big Blue Watching IBM, qui a succédé en 2016 à Alliance@IBM, évoque pour sa part 2 000 emplois dans le viseur de la compagnie en Pologne. Pour l’heure, aucune information n’a été communiquée sur les conséquences de cette réorganisation en France, mais on devrait en savoir plus demain. « Après l’annonce de scission de GTS-IS début octobre, nous attendons le 5 novembre une autre annonce importante de la direction d’IBM France portant sur des actions de rééquilibrage des effectifs lancées au niveau de l’Europe », a indiqué la CFDT de l’entreprise sur son site.
Un recentrage des activités vers le cloud et l’IA
En octobre dernier, Arvind Krishna, le CEO d’IBM, avait évoqué des suppressions de postes suite au processus de séparation des branches Managed Infrastructure Services et Global Technology Services. Dans la liste de ses priorités, le dirigeant nommé en janvier dernier avait clairement indiqué qu’il s’engageait à mener deux batailles stratégiques, celle de la transition vers le cloud hybride et celle de l’intelligence artificielle. La société nouvellement créée sous le nom de NewCo devra disposer de davantage d’agilité pour concevoir, exécuter et moderniser l’infrastructure des plus grandes organisations dans le monde, avait-il alors souligné.
Une volonté confirmée par la direction d’IBM France: « Nos décisions en matière de personnel sont prises afin de fournir le meilleur accompagnement à nos clients dans l’adoption d’une plateforme de cloud hybride ouverte et de capacités d’IA », nous a fait savoir la direction de la communication de la filiale française. « Nous continuons à faire des investissements importants dans la formation et le développement des compétences des IBMers afin de répondre au mieux aux besoins de nos clients », a t-elle assuré.
IBM France pourrait réduire jusqu’à 28% de son effectif
Scission et recentrage d’activité, baisse du chiffre d’affaires, dépassé par Alibaba Cloud… IBM traverse une mauvaise passe débouchant en France sur un plan social d’une ampleur inédite qui pourra toucher jusqu’à 28% de sa masse salariale, soit 1 400 postes.
La prochaine réunion avec les organisations syndicales chez IBM France interviendra début décembre. Elle devrait confirmer plus précisément le nombre de postes touchés par le plan social.
Les temps sont durs pour les salariéEs d’IBM. Après avoir enchaîné des trimestres de recul de son chiffre d’affaires, le groupe a choisi – comme HP – le chemin de la scission d’activité pour tenter de reverdir son bilan. Début octobre 2020, le géant américain a ainsi annoncé (cf. article au-dessus) une spin-off de son entité Managed Infrastructure Services jusqu’alors rattachée à sa division Global Technology Services, afin de recentrer sa stratégie sur le cloud hybride. Cette décision est malheureusement adossée à une autre qui frappe l’effectif de big blue en plein coeur. Fin octobre 2020, de source syndicale allemande, on apprenait en effet un projet massif de réduction de masse salariale avec, au niveau mondial, jusqu’à 40 000 postes touchés dont 10 000 en Europe. La France s’avère frappée de plein fouet.
« Nous avons appris vendredi lors du dernier comité les chiffres d’un PSE qui devrait se faire début décembre », nous a indiqué un porte-parole de la CFDT, l’une des 5 représentations syndicales d’IBM aux côtés de la CFE-CGC, l’UNSA, la CFTC et la CGT. « On nous avait dit que tout IBM serait touché et c’est vérifié. Toutes les entités sont ciblées et font l’objet de suppression de postes à grande échelle ». Le plan social qui s’annonce chez IBM France s’avère particulièrement dur.
Jusqu’à 34% de postes menacés sur Systems et GTS
Sur 5 200 personnes composant l’ensemble de l’effectif France du fournisseur, ce sont en effet entre 1 200 et 1 400 postes qui sont menacés. Certaines entités devraient cependant être plus touchées que d’autres en proportion : jusqu’à 34% pour les entités Systems et GTS et même 38% pour GMNB. Les fonctions support ne sont pas épargnées avec jusqu’à 27% d’employés touchés ou encore 22% pour GBS et 14% pour Cloud&Cognitive. « C’est le plus gros plan qu’IBM France ait jamais vécu. On va essayer d’avoir un maximum de départs à la retraite sur la base du volontariat, ce qui doit être réalisable compte tenu de la pyramide des âges et négocier pour limiter le nombre de départs contraints », nous a précisé la CFDT.
Le recentrage d’IBM vers le cloud est attendu au tournant. D’après une dernière étude de Synergy Research, big blue s’est fait damer le pion par le challenger Alibaba Cloud. Il est désormais relégué dans la catégorie des « gros acteurs de niche » aux côtés de Salesforce, Oracle et NTT, loin derrière AWS, Microsoft Azure et Google Cloud. Dépassé sur le terrain du cloud et peinant à reprendre les devants en termes d’innovation face à une concurrence de plus en plus agressive, IBM a bien tenté de marquer des points – avec un certain succès – sur le terrain de l’IA et du ML avec son offre Watson dont le ticket d’entrée élevé constitue sans doute un frein à une adoption à plus grande échelle. Pour son dernier trimestre d’activité (juillet-septembre 2020), le groupe a vu son chiffre d’affaires reculer de 2,6% à 17,54 milliards de dollars, avec toutefois une consolation puisque le résultat net est ressorti à 1,7 milliard de dollars contre 1,67 un an plus tôt.
Pas d’explication claire de la part d’IBM France
Contacté pour une réaction et des précisions concernant ce plan social et le contexte de sa mise en place, IBM France nous a simplement précisé : « Nos décisions en matière de personnel sont prises afin de fournir le meilleur accompagnement à nos clients dans l’adoption d’une plateforme de cloud hybride ouverte et de capacités d’IA et nous investissons dans ces domaines. Nous continuons également à faire des investissements importants dans la formation et le développement des compétences des IBMers afin de répondre au mieux aux besoins de nos clients ».
Le plan social annoncé début novembre par IBM est d’ampleur inégalée puisqu’il prévoit la suppression de 1180 à 1385 postes en France. Il s’agit d’un « PSE (plan de sauvegarde de l’emploi) mixte, qui doit être présenté officiellement aux organisations syndicales le 16 décembre, avec un plan de départs volontaires mais aussi sans doute des licenciements s’il n’y a pas assez de volontaires », a expliqué Pierry Poquet, délégué syndical central Unsa (1er syndicat).
La CFE-CGC (2e), qui confirme ces informations, a interpellé mercredi la nouvelle présidente d’IBM France, Béatrice Kosowsky, afin de lui « demander des garanties face à l’ampleur des restructurations ».
La direction d’IBM France a indiqué que ses « décisions en matière de personnel sont prises afin de fournir le meilleur accompagnement à (ses) clients dans l’adoption d’une plateforme de cloud hybride ouverte et de capacités d’IA » (intelligence artificielle).
« Cette réduction de près du quart des effectifs va avoir lieu avant la réorganisation majeure annoncée par Arwind Krishna, PDG d’IBM Corp, concernant la scission d’IBM en deux sociétés distinctes d’ici fin 2021 », explique la CFE-CGC.
Vers une réduction de 50% des effectifs ?
« Cette scission entre d’un côté, NewCo, qui reprendra les activités d’infogérance (service d’infrastructure, NDLR) et de l’autre, RemainCo, prévoit un transfert d’environ un millier de postes en France vers la nouvelle structure », a expliqué Frank Setruk, délégué syndical central CFE-CGC. Ce qui pourrait conduire, selon lui, à la « réduction de près de 50% des 5000 effectifs actuels d’IBM France ».
Pour M. Poquet (Unsa), « c’est un changement de stratégie, IBM se sépare de toute l’infogérance, se débarrasse des anciens métiers et des plus vieux salariés (les salariés âgés de plus de 50 ans sont majoritaires en France, NDLR) pour se focaliser sur les nouveaux (cloud, intelligence artificielle) avec moins de monde, plus jeune ».
« La situation pour ceux qui vont rester est également très préoccupante car quels vont être les impacts de ces départs massifs sur leur charge de travail ? Pourront-ils mener à terme leurs missions l’an prochain ? », s’interroge la CFE-CGC.