Le Dr Stéphane Bathellier, responsable du Samu du Loiret, ne mâche pas ses mots. Il est aux premières loges pour voir la santé de ses concitoyens se dégrader, ainsi que la médecine prodiguée. Pour lui, une solution : augmenter le nombre d’étudiants en médecine. Dès la rentrée 2022.
Le Dr Stéphane Bathellier est en colère. Le patron du Samu 45 dénonce une inertie dans la région pour lutter contre la pénurie de médecins.
« On en parle depuis plus de 30 ans. On a été les premiers à être en pénurie. On saisit les politiques, on fait remonter mais personne ne s’attaque au problème de fond qui est le nombre de médecins formés dans la région. »
« Prendre le taureau par les cornes »
Selon lui, c’est là que le bât blesse. Mais « ce n’est pas une fatalité. Il faut prendre le taureau par les cornes », martèle-t-il.
Pour lui, la solution est simple. Et doit être mise en œuvre dès la rentrée 2022, à la faculté de médecine de Tours.
« Il faut 200 étudiants de plus par an pendant 10 ans dans la région. Dans cinq ans, ils seront internes : ce n’est pas si loin ! Il y a une telle fuite, une telle aspiration à un temps de travail plus raisonnable. Il faut l’accepter. »
Il faut donc plus d’étudiants en médecine, en ouvrant le numerus clausus. Le doyen invoquerait le manque de place pour les accueillir.
« Il faut une médecine dans la durée, avec un suivi »
Pas question pour lui de laisser la situation se dégrader encore.
« Oui, la fac de Tours n’est pas immense. Mais les étudiants font presque tout par visio, même avant le Covid. Et d’autres hôpitaux de la région, comme Orléans, seraient super contents d’accueillir des externes, de les former. On a des projets d’universitarisation de certains services. On a envie que ça bouge !«
Car, comme il le rappelle, 26 % des Loirétains n’ont pas de médecin traitant. « Là, on rentre dans le dur concernant la prise en charge. » Et le Samu le constate au quotidien :
« Le ressenti qu’on a, qui n’est pas mesurable, c’est qu’il y a un retard de diagnostic, un renoncement aux soins et pas de cohérence dans les parcours de soins. On voit des gens qui ont une ordonnance pour un an ! On ne peut pas régler les problèmes que ponctuellement. On éduque les gens à une santé au coup par coup. Mais il faut une médecine dans la durée, avec un suivi. Une médecine globale. »
Comme au bon vieux temps du médecin de famille.
Installation obligatoire en zone déficitaire
Pour fixer ces praticiens, il va plus loin : « Les 200 étudiants de plus auraient l’obligation de s’installer dans une région déficitaire de France, pour leur laisser un peu de souplesse. »
Ça, c’est pour le temps long. En parallèle, à plus court terme, il suggère de :
Répartition inéquitable
Le Dr Stéphane Bathellier interroge aussi la répartition inéquitable des internes et des externes dans la région.
« Qui décide de ça ? On ne sait pas trop. On est la variable d’ajustement du CHU de Tours, qui se sert d’abord au détriment des hôpitaux de périphérie. En chirurgie viscérale, on a le même nombre d’opérations : à Tours, ils ont seize internes et nous, quatre… »
Son constat de pénurie est identique pour les dentistes, infirmiers, ambulanciers, aides-soignantes, sages-femmes.
« On ne forme pas assez de professionnels de santé. Les gens sont à bout, arrêtent. Le Covid a eu un effet catastrophique et le post-Covid est plus compliqué à gérer que le Covid. »
Marie Guibal La République du Centre