Des Syriens fuient leurs maisons dans le quartier de Ghwayran, dans la ville de Hasakeh, dans le nord du pays, le 22 janvier 2022, au troisième jour des combats entre le groupe État islamique (EI) et les forces kurdes en Syrie après que l’EI a attaqué une prison abritant des djihadistes dans la région. © AFP – –
Les combats se poursuivaient dans la nuit de samedi 22 à dimanche 23 janvier, pour le troisième jour consécutif, entre le groupe État islamique et les forces kurdes dans le nord-est de la Syrie, à la suite d’une attaque jihadiste d’ampleur contre une prison, faisant près de 90 morts. Mais le bilan pourrait être plus élevé, car le sort de dizaines de gardiens et de détenus reste inconnu, selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme.
Avec notre correspondant à Beyrouth, Paul Khalifeh
Les forces kurdes appuyées par des hélicoptères de la coalition internationale dirigée par les États-Unis ont lancé un assaut samedi soir pour tenter de reprendre la prison de Ghwayran, dans la ville de Hassaké.
Le plus grand centre de détention de jihadistes au monde, où sont incarcérés 3 500 membres du groupe État islamique, dont des chefs importants, est tombée aux mains de l’organisation extrémiste jeudi, après une mutinerie soutenue par une audacieuse attaque de l’extérieur.
Les prisonniers ont saisi les armes de la garnison, dont des véhicules surmontés de mitrailleuses lourdes et des lance-roquettes.
Les forces kurdes et la coalition internationale ont acheminé samedi d’importants renforts pour lancer l’assaut.
L’Observatoire syrien des droits de l’homme rapporte que les alentours de la prison ont été repris, signalant toutefois des combats intermittents dans certains points.
En revanche, la prison où sont retranchés des centaines de détenus armés, auxquels se sont joints des renforts venus de l’extérieur, était encore aux mains du groupe État islamique samedi soir.
L’aviation américaine est entrée en action à plusieurs reprises, bombardant des bâtiments où se sont retranchés des membres du groupe extrémiste. Plus de 130 jihadistes qui ont fui la prison ont été capturés. Mais des dizaines d’autres ont réussi à passer à travers les filets, affirme l’ONG basée en Grande-Bretagne.
En Syrie, le groupe État islamique a rebâti sa capacité de nuisance
Paul Khalifeh
Vingt mois après la disparition du califat auto-proclamé du groupe État islamique en Syrie, l’organisation applique une stratégie de guérilla dans l’est du pays. Le week-end dernier, vingt-cinq soldats syriens et miliciens supplétifs ont été tués dans une série d’attaques. Depuis mars 2019, les troupes de Damas et leurs alliés ont perdu 2 000 hommes et le groupe extrémiste un millier de combattants, selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme.
On parle peu de cette guerre dans les médias, pourtant les opérations militaires se déroulent à un rythme quasi-quotidien sur un vaste territoire ; une guerre en bonne due forme qui a pour champ de bataille le désert central de Syrie, appelé la Badia, qui s’étend de la ville de Homs, dans le centre du pays, à la frontière avec l’Irak, à l’Est, et jusqu’à la Jordanie, au Sud. C’est une guerre sans front visible qui se déroule sur un territoire de 60 000 kilomètres carrés.
Dans le désert central syrien, la Badia, les opérations militaires entre l’EI et les troupes de Damas et leurs alliés sont quasi-quotidiennes. © RFI/ Studio graphique
Malgré des dizaines d’offensives et d’opérations de ratissage, l’armée syrienne et ses alliés ne sont toujours pas parvenus à établir un contrôle total sur la zone désertique.
La puissance de feu utilisée contre le groupe État islamique est pourtant impressionnante : l’Observatoire syrien des droits de l’homme fait état d’une centaine de raids aériens russes depuis début décembre. Quelque 600 frappes menées par des hélicoptères et des chasseurs-bombardiers en novembre.
En dépit de tous ces raids et de nombreuses offensives terrestres, le groupe Etat islamique dispose toujours d’une confortable mobilité et d’une capacité à mener des attaques simultanées à des endroits éloignés les uns des autres de plusieurs dizaines de kilomètres. Cela signifie, dans le jargon militaire, que le système de commandement et de contrôle de l’organisation reste opérationnel et efficace.
Les régions sous contrôle kurde pas épargnées
La guérilla du groupe État islamique est aussi active dans les régions contrôlées par les forces kurdes, soutenues par les États-Unis, à l’est de l’Euphrate. Dans cette région, les actions de l’EI prennent surtout la forme d’attentats à la bombe contre des patrouilles des forces kurdes, ou des tirs de mortiers et de roquettes contre des puits de pétrole. Le 2 décembre, dix ouvriers sur un champ pétrolier dans l’est de la Syrie ont été tués.
L’Observatoire syrien des droits de l’homme a recensé depuis le début du mois une trentaine d’attaques imputées à Daech dans les régions contrôlées par les Kurdes, où l’armée américaine déploie encore plusieurs centaines de soldats.
Une armée de 10 000 hommes
Les services de renseignements américains estiment que le groupe Etat islamique a reconstruit une armée de 10 000 hommes en Irak et en Syrie. Des sources syriennes assurent qu’en Syrie seulement, l’organisation extrémiste peut en mobiliser davantage.
Cette armée est composée essentiellement de rescapés des anciens bastions du califat auto-proclamé, mais aussi de nouveaux combattants recrutés auprès des tribus bédouines et d’ex-détenus des camps d’incarcération installés dans les régions contrôlées par les Kurdes.
Le groupe État islamique avait anticipé le démantèlement de son califat territorial. Il avait aménagé des caches et stockés armes, munitions et vivres dans le désert en prévision d’une guérilla.