Roger Jordan WSWS (Ces prises de positions n’engagent pas le NPA)
Alors que l’occupation du centre-ville d’Ottawa par le convoi de la liberté, un mouvement d’extrême droite, entrait dans son dixième jour dimanche, le maire Jim Watson a déclaré l’état d’urgence dans la capitale nationale du Canada. Les militants d’extrême droite et fascistes, dont beaucoup sont armés, campent de manière menaçante devant le parlement canadien et ont encombré les rues du centre-ville de quelque 500 véhicules. Ils ont juré de rester jusqu’à ce que toutes les restrictions liées à la COVID-19 soient éliminées par le gouvernement libéral fédéral.
Des manifestants montrent leur soutien au convoi de la liberté, composé de camionneurs qui se rendent à Ottawa pour protester contre l’imposition du vaccin contre la COVID-19 par le gouvernement canadien, le jeudi 27 janvier 2022, à Vaughan. (Photo : Arthur Mola/Invision/AP)
Une déclaration de la ville a expliqué: «La déclaration de l’état d’urgence reflète le grave danger pour la sûreté et la sécurité des résidents posé par les manifestations en cours et souligne la nécessité d’un soutien de la part d’autres autorités et ordres de gouvernement.» Plus tôt dans la journée, Watson a déclaré lors d’une entrevue à la radio: «La situation à ce stade est complètement hors de contrôle parce que les individus qui manifestent mènent la barque.»
Le Service de police d’Ottawa a également annoncé dimanche qu’il commencerait à arrêter les personnes qui apportent du carburant et d’autres fournitures aux occupants, qui ont commencé à construire des hangars en bois pour créer une cuisine et un abri communautaires.
La déclaration de l’état d’urgence fait suite aux manifestations d’extrême droite qui ont attiré samedi quelques milliers de personnes chacune à Ottawa et dans les capitales provinciales à travers le pays. La police a estimé qu’à son point culminant, environ 5.000 à 7.000 personnes ont participé à la manifestation d’Ottawa. D’autres manifestations du convoi de la liberté, pour la plupart de moindre envergure, ont eu lieu à Québec (Québec), à Toronto (Ontario), à Regina (Saskatchewan), à Edmonton (Alberta) ainsi qu’à Vancouver et Victoria (Colombie-Britannique). Néanmoins, les médias contrôlés par la grande entreprise ont couvert la manifestation de bout en bout, cherchant à donner l’impression que le convoi bénéficie d’un soutien populaire très important.
En réalité, le point de vue du convoi de la liberté est anathème pour la grande majorité des Canadiens. Canada Unity, l’une des organisations à la tête du convoi, appelle au renversement du gouvernement démocratiquement élu et à l’installation d’un régime de type junte qui régnerait avec des pouvoirs dictatoriaux pendant trois mois afin d’éliminer toutes les restrictions liées à la pandémie. Des croix gammées nazies et des drapeaux confédérés sont régulièrement exhibés lors des manifestations du convoi de la liberté.
L’ancien président américain Donald Trump et ses partisans fascistes, ainsi que des groupes d’extrême droite à l’échelle internationale, ont fortement soutenu le convoi. La police a confirmé qu’une grande partie de la force d’occupation du convoi vient des États-Unis, et a annoncé dimanche qu’elle enquêtait sur l’implication de groupes d’extrême droite canadiens, américains et internationaux dans une série de menaces par courriel contre des politiciens.
Le gouverneur de Floride, Ron DeSantis, un républicain d’extrême droite connu pour avoir persécuté des scientifiques prônant des restrictions contre la COVID-19, a juré d’examiner la possibilité d’un recours en justice contre la plateforme de collecte de fonds GoFundMe après que celle-ci a retiré la collecte de fonds du convoi de la liberté. Le sénateur républicain Ted Cruz, un autre partisan de Trump, a tweeté dimanche: «Que Dieu bénisse ces camionneurs canadiens. Ils défendent le Canada, l’Amérique, et ils défendent la liberté.»
Le convoi n’a pas réussi à paralyser le centre-ville d’Ottawa parce qu’il ne bénéficie pas d’un soutien important parmi les travailleurs. En fait, le mouvement est une création des médias de la grande entreprise et du Parti conservateur, l’opposition officielle, qui ont alimenté la manifestation initiale contre un mandat de vaccination transfrontalier et l’ont transformée en un mouvement extraparlementaire d’extrême droite.
Même après que la bande de racailles se fut déchaînée à Ottawa le week-end du 29 janvier, agressant des sans-abri et des travailleurs, jetant des pierres sur des ambulances et menaçant de violence les personnes commémorant la fusillade de la mosquée de Québec en 2017 par un tueur fasciste, la chef conservatrice par intérim Candice Bergen a eu la témérité de décrire les occupants comme des «patriotes Canadiens épris de paix». Dans des courriels internes adressés aux principaux conseillers du Parti conservateur, Bergen a insisté lundi dernier pour que les conservateurs encouragent le convoi à rester à Ottawa pour en faire «le problème de Trudeau.»
La stratégie de Bergen et des conservateurs est de provoquer un affrontement violent entre les manifestants d’extrême droite et la police ou l’armée, de le mettre sur le compte de «l’intransigeance» de Trudeau et de l’utiliser pour intensifier la pression sur le gouvernement libéral afin qu’il se plie aux exigences d’extrême droite du convoi. Les politiciens conservateurs, les médias de droite et le Service de police d’Ottawa ont appelé à une «solution politique» à l’impasse, c’est-à-dire à des concessions aux demandes fascistes formulées par les dirigeants du convoi.
D’autres sections de l’establishment et de l’appareil étatique du Canada exigent une présence policière plus importante et plus agressive, et ont même évoqué la possibilité de déployer l’armée. Le chef de la police d’Ottawa, Peter Sloly, qui a déclaré mercredi qu’il était envisagé de demander l’appui des Forces armées canadiennes, a déclaré samedi, lors d’une réunion d’urgence du conseil de la police d’Ottawa, que la manifestation du convoi de la liberté s’était transformée en «siège» et a demandé plus de ressources pour les forces de l’ordre.
Diane Deans, conseillère municipale d’Ottawa et présidente de la Commission de police d’Ottawa, a ajouté: «Ce groupe est une menace pour notre démocratie. Ce que nous voyons est plus important que le problème de la ville d’Ottawa. Il s’agit d’une insurrection à l’échelle nationale».
Les travailleurs ne peuvent placer aucune confiance dans les institutions de l’État capitaliste pour mener une lutte contre les forces d’extrême droite et fascistes qui campent actuellement dans le centre-ville d’Ottawa. Le renforcement de la police ou l’augmentation des pouvoirs militaires sous prétexte de combattre l’extrême droite fasciste créerait les conditions pour le déploiement inévitable de ces mêmes forces de répression étatique contre les travailleurs en grève ou qui manifestent.
L es travailleurs canadiens ont besoin d’un programme socialiste pour vaincre la menace de violence politique de l’extrême droite, mettre fin à la pandémie et s’opposer à la guerre. «Ces événements extraordinaires soulignent l’urgente nécessité d’une mobilisation de la classe ouvrière politiquement indépendante. Armée d’un programme socialiste et internationaliste, la classe ouvrière est la seule force sociale capable de mettre en œuvre une politique scientifique de Zéro COVID pour mettre fin à la pandémie une fois pour toutes, arrêter la course inconsidérée à la guerre impérialiste et stopper le danger de l’autoritarisme et de la violence politique fasciste.»
Après que des travailleurs de la santé de Toronto ont annoncé qu’ils prévoyaient une contre-manifestation samedi en opposition à la présence des partisans du convoi de la liberté, la présidente de l’Association des infirmières de l’Ontario a publié une misérable déclaration demandant à ses membres de ne pas y participer. À Ottawa, le syndicat de l’Alliance de la fonction publique du Canada (AFPC) est intervenu pour saboter une contre-manifestation lancée par deux utilisateurs de Reddit qui avait obtenu un large soutien. Les responsables de l’AFPC ont cyniquement justifié leur opposition à toute manifestation en invoquant la menace de violence contre les participants noirs, autochtones et LGBTQ. Pour les lâches professionnels qui peuplent la bureaucratie syndicale, la véritable menace de violence politique contre les travailleurs n’est pas une occasion de résistance organisée, mais d’étouffement de toute opposition indépendante de la classe ouvrière.
L’hostilité acharnée de la bureaucratie syndicale à l’égard de toute expression ouverte de l’opposition de la classe ouvrière au convoi de la liberté d’extrême droite et à son programme d’infection massive et de mort est enracinée dans ses intérêts de classe. Attachés à leur partenariat avec les grandes entreprises et le gouvernement libéral minoritaire, qui ne reste au pouvoir que grâce au soutien parlementaire du NPD, les syndicats ont plus peur d’un mouvement de masse dirigé par les travailleurs depuis la base que du danger de la violence politique fasciste. Cela a été résumé dans la déclaration de la semaine dernière du Congrès du travail du Canada, qui a demandé à tous de «respecter les résultats des élections fédérales» et de «laisser les politiciens élus se mettre au travail.» Dans la pratique, cela signifie la poursuite de l’alliance entre les libéraux et les néo-démocrates, qui ont déjà organisé le sauvetage de plusieurs milliards de dollars des banques et des grandes entreprises, et réduit l’aide financière aux travailleurs dans le cadre de la vague Omicron de la COVID-19.
Malgré les efforts des syndicats pour bloquer les manifestations contre le convoi de la liberté, des contre-manifestations ont eu lieu pendant la fin de semaine à Toronto, Ottawa et Vancouver.
Andrea et Sergio, deux étudiants de l’Université de Toronto, ont participé aux contre manifestations et s’expliquent sur les raisons de leur participation. «Ces manifestations contre le confinement ont reçu trop d’attention et trop de crédit», a déclaré Sergio. «Je pense qu’il est important de montrer votre soutien pour mettre fin à la COVID de la bonne manière et non de la manière dangereuse. Les choses que j’entends sont absolument insensées de la part de ces manifestants anti-confinement.»
Andrea a ajouté: «Il s’agit de s’assurer que tout le monde se sente en sécurité et soutenu, y compris les communautés marginalisées qui font face à des niveaux disproportionnés de COVID, et au manque de soutien du gouvernement. Je veux m’assurer que le gouvernement voit que même si le convoi a beaucoup de ressources et fait beaucoup de bruit, il y a des gens de ce côté qui se soucient vraiment de tout le monde et de leur sécurité.»
Andrea a comparé le traitement complaisant des manifestants d’extrême droite par la police à la répression impitoyable qu’elle a subie lors de manifestations de gauche. «J’étais là lorsque la police a nettoyé les campements de sans-abri à Trinity Bellwoods. C’était une opération de style militaire et hautement coordonnée.»