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Espagne – Le gouvernement espagnol PSOE-Podemos adopte une loi du travail anti-ouvrière

Le gouvernement de coalition Parti socialiste (PSOE)-Podemos a adopté une loi réactionnaire sur le travail contre la classe ouvrière. Elle a été conçue par les syndicats, les grandes entreprises et le ministère du Travail dirigé par Podemos; supervisé par l’Union européenne (UE); adopté grâce au soutien parlementaire des partis de droite; et a reçu la bénédiction de l’aristocratie financière espagnole.

La réforme s’ajoute à celle approuvée par le Parti populaire (PP) de droite en 2012, l’attaque la plus dure subie par les travailleurs espagnols depuis la fin de la dictature fasciste de Francisco Franco en 1978.

La réforme du PP a fait de l’Espagne l’un des pays de l’UE ayant le plus de contrats temporaires. Cela a entraîné une destruction massive d’emplois, des réductions de salaire et le départ de centaines de milliers de jeunes du pays pour chercher du travail ailleurs. Suite à la crise économique mondiale de 2008, l’objectif explicite était de réduire les salaires et donc d’augmenter les exportations pour augmenter les profits de la classe dirigeante.

Le gouvernement espagnol vient de voter une nouvelle réforme du travail : c’est la réforme la plus agressive depuis la création du Statut des Travailleurs (en 1980). C’est une réforme qui bafoue la négociation collective, qui encourage le licenciement libre et gratuit et qui donne tous les droits aux patrons qui voudront, à l’avenir, licencier, baisser les salaires, changer les horaires, etc.

Rappelons que le chômage touche 5 millions de travailleurs en Espagne (soit 23% de la population), que ce taux est de 50% parmi les moins de 34 ans. Le gouvernement de Mariano Rajoy a même eu le culot de déclarer que cette réforme ne favorisera pas la création d’emploi en un premier temps et que le chômage risque d’augmenter encore dans les premiers mois. Le projet de développer à nouveau le secteur immobilier pour créer de nouveaux emplois, en construisant des bâtiments en bord de mer est envisagé comme une issue à la crise, alors que c’est ce même secteur qui a poussé l’Espagne vers le gouffre, sans parler des ravages écologiques que cela entraînera.

Voici, d’après le syndicat Solidaridad Obrera, quelques clés pour comprendre cette réforme :

Le licenciement :
- Les indemnités de licenciement abusif sont réduites de 45 à 33 jours par année travaillée.

- La plupart des licenciements ne seront plus considérés comme « abusifs ».

- L’absentéisme pourra être envisagé comme motif de licenciement.

- Le licenciement collectif -permis par la loi lorsque les entreprises font appel à des raisons d’ordre économique, technique, organisationnel- aura une indemnité de 20 jours par année travaillé et pourra être appliqué si une entreprise déclare une baisse de son revenu pendant trois mois consécutifs, même si elle obtient toujours des bénéfices.

- Les organismes et entités du public qui ne seraient pas productifs pourront adopter des mesurer pour licencier et que le licenciement soit considéré comme légal. De ce fait, les licenciements dans le public deviennent plus faciles, puisqu’il ne suffira que d’une « insuffisance dans le budget » pendant neuf mois consécutifs, comme raison majeure pour procéder ainsi.

Les contrats :
- Un nouveau type de CDI est créé : l’entreprise recevra 3 000 euros de prime si elle embauche un jeune de moins de 30 ans. La période d’essai est d’un an : pendant ce temps, le licenciement est libre et gratuit.

- Le salaire de ce travailleur sera composé d’un 25% de l’allocation chômage et du reste, payé par l’entreprise.

- À partir du 31 décembre, il ne sera pas possible d’enchaîner des CDD qui dépassent les 24 mois chacun.

- Le CDI ordinaire disparaît et seul reste celui qui favorise les emplois stables.

- L’âge maximum pour accéder à un contrat de formation et apprentissage est de 30 ans. Une fois que le taux de chômage aura atteint un 15% (à présent il est à 23%), l’âge maximum descendra à 25.

Les négociations
- Le délai maximum d’une négociation collective sera de deux ans. Après, tous les droits acquis seront supprimés et il faudra négocier à nouveau.

- Les entreprises ayant des difficultés pourront ne pas respecter les négociations.

Baisse des salaires et flexibilité
- La baisse des salaires, justifiée par des raisons économiques, techniques, organisationnelles ou productives est autorisée.

- Les travailleurs ne seront plus classifiés par catégories mais par des « groupes professionnels », ce qui permettra qu’ un travailleur soit obligé d’exercer différentes fonctions et différents postes au sein d’une même entreprise.

- De la même manière, les patrons pourront modifier les journées et les horaires de travail, ainsi que le lieu de travail des travailleurs.

- Les démarches administratives pour réduire la journée de travail ou suspendre un contrat seront simplifiées, voire éliminées dans certains cas.

Congés maladie et prestations
- La collaboration entre les entreprises et les mutuelles se voit renforcée, afin d’évaluer sur l’incapacité temporelle des travailleurs.

- Les employés qui recevront des indemnités chômage devront réaliser des missions d’ordre général au profit de la communauté.

- Un compte qui compilera toute l’information reçue par le travailleur, au long de sa vie active, sera crée.

Le premier ministre espagnol Pedro Sanchez (PSOE), deuxième à gauche, marche à côté du chef de Podemos, Pablo Iglesias, deuxième à droite, et de la première vice-première ministre Carmen Calvo, à gauche, au Palais Moncloa à Madrid, en Espagne, le mardi 14 janvier 2020.(Photo: AP Photo/Manu Fernandez)

La nouvelle loi vient effectivement confirmer la réforme du PP. Malgré les tentatives de Podemos, du PSOE et des médias libéraux comme El País, eldiario.es et Público, de présenter la nouvelle réforme comme étant «progressiste», la vérité est que des aspects clés de la loi PP de 2012 demeurent

La continuité avec la réforme du travail du PP est telle que Mariano Rajoy, le premier ministre de droite qui a supervisé la loi, a déclaré au journal conservateur ABCque le PSOE et Podemos «ont laissé la réforme du travail dans l’état qu’elle était».

Juan Ramón Rallo, un économiste néolibéral, a écrit dans El Confidencial digital: «Honnêtement, je pense que c’est une bonne nouvelle que cette réforme ait vu le jour. Comme je l’ai dit à l’époque, elle consolide tous les éléments centraux de la réforme du travail de 2012 et les transforme désormais en un consensus partagé allant de Vox [parti de l’extrême droite] à Podemos.»

La loi a été soutenue par divers partis de droite tels que Citoyens, l’UPN régionaliste navarrais et le nationaliste catalan PDeCAT. Les deux plus grands partis de la droite espagnole, le PP et Vox, ont voté contre, non pas parce qu’ils n’étaient pas d’accord avec son contenu, mais parce qu’ils espéraient que son rejet provoque une crise dans la coalition gouvernementale.

Les principales factions de l’aristocratie financière espagnole se sont prononcées pour défendre la réforme. Ana Patricia Botín, PDG de Santander, la plus grande banque d’Espagne, a déclaré: «Je pense que ce qui a été décidé est très important et que cela a été fait par consensus, c’est positif», faisant référence à l’accord apporté à la loi par les syndicats et l’association du grand patronat CEOE. Botín est pleinement consciente que la précédente réforme du travail a aidé les banques espagnoles à empocher plus de 20 milliards d’euros l’année dernière après avoir licencié 19.000 employés.

Le changement majeur de la nouvelle loi est lié aux règles limitant la plupart des contrats temporaires à un maximum de trois mois. Les agences d’intérim devront adapter les conditions des travailleurs à celles de l’entreprise à laquelle ils sont affectés. Cependant, étant donné que les employeurs manipulent souvent frauduleusement les contrats de travail, conscients que les inspecteurs du travail sont rares et surchargés – à tel point qu’ils ont menacé à plusieurs reprises de faire grève au cours de l’année écoulée – ces mesures auront probablement un impact limité.

Surtout, la nouvelle loi vise à renforcer le rôle des bureaucraties syndicales des Commissions ouvrières (CCOO) et de l’Union générale du travail (UGT) dans la négociation collective.

Alors que les conventions collectives sectorielles primeront désormais sur les accords d’entreprise ou régionaux, la négociation collective deviendra l’instrument central de négociation des salaires et des conditions de travail. Cela n’a rien à voir avec le renforcement de la capacité des travailleurs à négocier avec les employeurs. Cela vise plutôt à renforcer le rôle des syndicats en tant que gendarmes du travail composés de bureaucrates de la classe moyenne supérieure qui imposent des réductions de salaire, des licenciements et des conditions de travail précaires.

Les syndicats ont récemment fait leurs preuves. Lors d’une grève de 9 jours des métallurgistes à Cadix impliquant 22.000 travailleurs, les syndicats CCOO et UGT ont trahi la grève, acceptant des salaires inférieurs à l’inflation, tout en aidant la répression impitoyable exercée par le gouvernement PSOE-Podemos qui a envoyé la police et des chars de type militaire contre les travailleurs. Ils se sont ensuite précipités pour démobiliser ou annuler des grèves dans tout le pays, terrifiés à l’idée que le militantisme des travailleurs puisse échapper à leur contrôle.

Sur fond d’une augmentation croissante de l’inflation et de la pauvreté qui frappe de larges couches de la classe ouvrière, la classe dirigeante considère les syndicats comme essentiels pour écraser la résistance et imposer des réductions de salaire. Pour cette raison, l’État a récemment inondé les CCOO et l’UGT de millions d’euros. En 2021, ces organisations anti-ouvrières ont reçu 56 pour cent de plus qu’auparavant, soit 3,5 millions d’euros supplémentaires. Les dépenses qui leur sont consacrées sont passées de 9 millions en 2020 à 17 millions dans le dernier budget de l’État. Cela n’inclut pas les subventions aux niveaux local, régional et européen qui s’élèvent à plusieurs millions de plus.

En fait, les syndicats et Podemos n’ont jamais eu l’intention d’annuler la réforme de 2012. Yolanda Díaz, dirigeante de facto de Podemos, actuelle ministre du Travail et avocate de la nouvelle loi, a déclaré qu’elle «abrogerait la réforme du travail malgré toute résistance» lors du congrès CCOO tenu en octobre 2021. Cependant, l’Espagne s’était déjà engagée auprès de l’Union européenne pour préserver cette loi. En échange, l’Espagne devait recevoir 70 milliards d’euros du fonds de sauvetage de l’UE, le Next Generation Plan, à distribuer à ses sociétés et à ses banques.

L’Accord opérationnel, comme on l’appelle, a été signé par le gouvernement espagnol le 10 novembre. Il stipule clairement que «le déblocage effectif des fonds aux États membres se fera par tranches et sera conditionné à l’exécution satisfaisante des étapes et objectifs». Parmi ces étapes déjà franchies figure la réforme du travail de 2012, également imposée par l’Union européenne, et que le gouvernement espagnol s’est engagé à ne pas toucher.

Cela démasque les commentaires mensongers du chef de l’époque de Podemos et vice-premier ministre du gouvernement PSOE-Podemos, Pablo Iglesias. Approuvant le plan de sauvetage de l’UE de canaliser 750 milliards d’euros vers les banques et les grandes entreprises en juillet 2020, il a déclaré que l’UE «semble avoir tiré les leçons de la crise précédente, cette fois nous n’aurons pas d’austérité, mais un plan ambitieux de relance budgétaire».

En fait, l’homme qui a dirigé l’équipe supervisant les engagements de l’Espagne à débourser les fonds en décembre est Declan Costello, ancien chef de la mission de la Commission européenne pour la Grèce. À ce titre, Costello supervisa les plans d’austérité brutale mis en œuvre en Grèce par l’allié de Podemos, Syriza, sous le premier ministre Alexis Tsipras, qui ont dévasté la classe ouvrière.

La dernière réforme du travail démasque Podemos pour ce qu’il est: un parti pro-capitaliste qui a donné la priorité aux profits aux dépens des vies en pleine pandémie responsable d’une surmortalité de 122.000 personnes en Espagne; accordé des milliards d’euros aux sociétés et aux banques; et été le fer de lance de menaces de guerre contre la Russie dotée d’armes nucléaires en pleine crise ukrainienne.

Une véritable lutte contre les attaques contenues dans ces réformes du travail ne peut être préparée que par une rébellion de la classe ouvrière contre les syndicats et le gouvernement PSOE-Podemos. Cela implique une lutte contre le diktat des banques et de la machine d’État policier soulevant des questions politiques clés: avant tout, celle de la perspective et de la direction révolutionnaires.

Santiago Guillén    WSWS

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Cette entrée a été publiée le 22 février 2022 par dans ANTISOCIAL, CRISE POLITIQUE, CRISE SOCIALE, ESPAGNE.
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