(fiche Wikipédia actualisée)
Orpea est un groupe privé français fondé en 1989 par le neuropsychiatre Jean-Claude Marian, actif dans le domaine de la santé et de l’hébergement des personnes âgées. Il gère une chaîne d’Ehpad privés, de maisons de retraite et de cliniques de soins. Le groupe contrôle un réseau de 1 156 établissements et 116 514 lits dans 23 pays, principalement en Europe. Il est introduit en bourse en 2002.
Ses méthodes de gestion sont régulièrement au cœur de scandales.
Historique
En 1989, le docteur Jean-Claude Marian crée Orpea, entreprise spécialisée dans les maisons de retraite.
En 1999, Orpea se diversifie dans les maisons de convalescence et les cliniques psychiatriques avec Clinea.
En 2002, le groupe est introduit en Bourse. En 2003, Orpea achète 29,3 % de son concurrent Medidep.
En 2006, la famille Peugeot devient actionnaire d’Orpea, dont les marges de rentabilité sont jugées excellentes.
Jusqu’en 2014, Orpea était le 1er exploitant privé français de maisons de retraite, année de la fusion-absorption du groupe Medica par le groupe Korian, (principal concurrent d’Orpéa) devenu depuis leader français et européen.
Développement international
En 2015, Orpea acquiert Senecura en Autriche qui a développé, dans une vingtaine de ses établissements, des synergies avec des écoles
maternelles et des salons de coiffure qui lui versent un loyer. Ce modèle est ensuite développé en Suisse et en Allemagne.
En 2017, Orpea acquiert le groupe Anavita en République tchèque spécialisé dans les maisons de retraite médicalisées. Orpea poursuit son
internationalisation avec l’ouverture de 1 000 lits au Portugal et 2 000 lits au Brésil en partenariat avec le groupe SIS.
En 2018, le groupe acquiert quatre sociétés aux Pays-Bas.
En 2019, Orpea investit en Amérique latine avec l’achat de 50 % de Senior Suites au Chili, de 20 % de Brasil Senior Living au Brésil et d’un
établissement en Uruguay.
En 2020, après le rachat du groupe Sinoué, Orpea poursuit le renforcement de son offre de soin en santé mentale en France et acquiert le groupe Clinipsy.
En 2020, le groupe s’implante également en Irlande avec l’acquisition du groupe TLC, acteur dans les maisons de retraite, et devient ainsi le deuxième acteur en Irlande.
Activité
En janvier 2022, Orpea possède 1 156 établissements dans 23 pays, représentant 116 514 lits :
• France, Belgique, Luxembourg, Pays-Bas, Irlande : 586 établissements
• Allemagne, Suisse, Italie : 268 établissements
• Autriche, Pologne, République tchèque, Lettonie, Slovénie, Croatie, Russie : 142 établissements
• Espagne, Portugal, Chili, Brésil, Uruguay, Colombie, Mexique : 158 établissements
• Chine : 2 établissements
Chiffres clés
En avril 2020, le groupe annonce qu’il ne versera pas de dividende au titre de l’exercice 2019 dans le contexte de crise sanitaire.
Lors du premier semestre 2021, le bénéfice net d’Orpea est en hausse de 40 % à 102,4 millions d’euros tandis que le chiffre d’affaires augmente de 8,7 % à 2,07 milliards d’euros.
Actionnariat
Jean-Claude Marian, son fondateur, a progressivement vendu sa participation. Une première fois en 2013 en vendant 15 % du capital à l’Office d’investissement du régime de pensions du Canada puis il solde ses derniers titres en janvier 2020.
Philippe Charrier est le président du conseil d’administration.
Au 21 novembre 2020 les actionnaires qui détiennent plus de 5 % du capital sont l’Office d’investissement du régime de pensions du Canada (14,5 %) et la holding Peugeot Invest (5,05 %).
Le 24 janvier 2022, suite à l’annonce de la parution du livre-enquête Les Fossoyeurs de Victor Castanet, le groupe Orpea voit le prix de son action chuter de 19 % en bourse.
Orpea demande à ce que son cours de bourse soit suspendu pour la journée du lendemain. Malgré cette suspension temporaire, l’action Orpea continue sa chute : deux jours plus tard, le 27 janvier 2022, celle-ci a déjà perdu plus de la moitié de sa valeur.
Le 4 février 2022, Élise Lucet, animatrice de l’émission Cash Investigation de France 2, annonce la diffusion dans les semaines suivantes d’une enquête effectuée sur plus d’un an dans les Ehpad privés, celles gérées notamment par les groupes Orpea et Korian, promettant de nouvelles révélations. Le jour même, le cours des titres de ces deux sociétés chutent respectivement de 12,44 % pour Orpea et de 16,81 % pour Korian.
Espionnage de salariés
L’affaire est dévoilée en 2012 par le magazine L’Expansion. Fin 2014, la Confédération générale du travail (CGT) dépose une plainte contre X auprès du parquet de Paris, dénonçant « un système visant à infiltrer le syndicat » : trois comédiens professionnels avaient été embauchés en 2010 comme brancardier ou agent d’entretien et envoyés en observation sur les sites de L’Haÿ-les-Roses, Andilly et Lyon dans le cadre d’un contrat passé avec la société de renseignements privée GSG, afin d’espionner les salariés de
ces trois établissements, notamment ceux syndiqués.
Le groupe propose un accord secret à la CGT en février 2015, comprenant des améliorations des conditions de travail des salariés et dont le coût est estimé à quatre millions d’euros pour Orpea, rapporte Mediapart ; il est finalement refusé.
2015, accusation de maltraitance
La presse rapporte à plusieurs reprises des mauvaises conditions d’accueil des personnes âgées dans des établissements Orpea, en raison notamment d’un sous-effectif de personnel soignant et d’une logique de rentabilité incompatible avec une prise en charge correcte des pensionnaires.
En 2015, vingt-huit familles de pensionnaires de l’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) « Le Village », à Boissise-le-Roi (Seine-et-Marne), écrivent à Marisol Touraine, la ministre française de la Santé, au préfet de Seine-et-Marne, au directeur départemental de la concurrence et de la répression des fraudes ainsi qu’au procureur de la République pour émettre un « signalement pour maltraitance par négligence active et passive », estimant que la qualité de la prise en charge des
résidents « s’est détériorée » depuis le rachat de l’établissement par Orpea en 2013.
Les familles pointent essentiellement un manque de personnel.
2016 et 2017, allégations de maltraitance et de mauvaises conditions de travail
Au Mans, en novembre 2016, des salariés de l’établissement « Les Sablons » pointent des conditions de travail « exécrables » débouchant sur une dégradation de la qualité de service, depuis l’arrivée d’une nouvelle direction en mai 2015. Ils citent des attitudes méprisantes, des cas de harcèlement, des arrêts maladie, des démissions et plusieurs licenciements pour faute grave.
2005 2006 2007 2008 2012 2016 2018 2019 2020
Chiffre d’affaires (en millions d’€) 309,2 415 544 702 1 429 2 841 3 419 3 740 3 922
Résultat net (en millions d’euro) 41 97 257 220 232,8 159,3
Nombre d’employés 65 511 68 891
Nombre de lits 25 000 116 514
En décembre 2016, France 3 Alsace fait état de soupçons de maltraitance dans la maison de retraite de l’Aar, située à Schiltigheim. Des membres du personnel et des familles témoignent d’un manque récurrent de personnel, conduisant notamment à ce que les couches des personnes âgées ne soient parfois changées qu’une seule fois par jour, à ce que des pansements ne soient changés qu’une seule fois par semaine, à ce que des résidents tombés au sol tardent à être relevés ou à ce que des résidents ne puissent pas
manger, faute d’aide.
La direction de l’établissement nie tout dysfonctionnement.
Cinq réclamations et sept signalements conduisent l’agence régionale de santé à diligenter une inspection de l’ehpad en décembre 2015. L’agence remarque que 12 directeurs se sont succédé dans l’établissement en six ans.
À Niort, en 2016 et 2017, l’ehpad de Sevret est l’objet de critiques de salariés et de familles, qui dénoncent un turn-over important (licenciement, démissions, etc.), un manque de personnel chronique et la maltraitance de résidents.
À Échillais (Charente-Maritime), une partie du personnel de l’ehpad se met en grève en juillet 2017 et pointe, de concert avec des résidents et familles de résidents, des cas de maltraitance et une dégradation des conditions de prise en charge des personnes âgées, conséquence d’un manque de personnel ; des salariés évoquent aussi des faits de harcèlement moral à leur égard.
2018, un système économique à la source de mauvais traitements
En janvier 2018, le site Mediapart pointe de nombreux dysfonctionnements dans l’Ehpad « Les Bords de Seine » à Neuilly-sur-Seine. Les résidents, les proches de résidents, et les salariés dénoncent le manque récurrent de personnel et une politique d’économie « de bouts de chandelle » sur le matériel (couches, gants, etc.) et les denrées alimentaires qui aboutissent à de mauvais traitements (douches rares, résidents couverts de leur urine, etc.) et à des cas de dénutrition et de déshydratation chez les résidents, ainsi qu’à un fort turn-over.
Ces faits ont fait l’objet de plusieurs signalements par des familles à l’agence régionale de santé. Mediapart souligne néanmoins que ces problèmes
ne sont pas propres à l’établissement, touchant de nombreux Ehpad en France.
En septembre 2018, le magazine Envoyé spécial (magazine hebdomadaire de la rédaction de France 2) diffuse un reportage réalisé par Julie Pichot dédié aux conditions d’hébergement et de prise en charge des personnes âgées dépendantes dans les Ehpad privés à but lucratif, en particulier des groupes Korian et Orpea.
Le reportage dénonce, témoignages de familles de résidents et d’employés à l’appui, un manque régulier de personnel (d’aides-soignants notamment), une prise en charge médicale insuffisante et une chasse aux coûts notamment dans le budget par résident alloué aux repas, tandis que le groupe Orpea dégage 89 millions d’euros de bénéfice en 2017.
Interrogé en juin 2018, Yves Le Masne, directeur d’Orpea, répond notamment : « il y a aujourd’hui 87 % des familles qui nous recommandent » et « notre premier souci, ce sont nos résidents et nos salariés ».
Selon le magazine Télérama, le groupe Orpea a voulu empêcher, en 2018, la diffusion du reportage de Julie Pichot dans Envoyé spécial en introduisant un référé, qui est rejeté par le tribunal de grande instance de Nanterre le jour même de sa diffusion.
En novembre 2018, en se fédérant, les syndicats de plusieurs pays européens tentent de contraindre Orpea d’améliorer les salaires et des conditions de travail.
Enquête préliminaire du parquet national financier de 2021
Le dossier trouve son origine dans le rachat d’une maison de retraite indépendante par Orpea en 2008, dans les Bouches-du-Rhône. La transaction, d’un montant de près de neuf millions d’euros, aurait été réalisée via des intermédiaires, détenteurs de sociétés à l’étranger, dans le but d’alléger l’imposition des vendeurs.
Les enquêteurs suspectent également l’existence de rétrocommissions, pour un montant de deux millions d’euros.
Les soupçons portent sur des aspects fiscaux notamment pour complicité de fraude fiscale et blanchiment d’argent aggravé. Le parquet de Marseille avait initié cette affaire suite à une plainte de l’administration fiscale, en ouvrant une enquête préliminaire pour fraude fiscale, complicité de fraude et blanchiment aggravé.
Début 2017, le parquet de Marseille se dessaisit du dossier au profit du parquet national financier. En octobre
2021, Orpea fait l’objet d’une enquête préliminaire de la part du parquet national financier et une perquisition de son siège social est ordonnée.
2022, nouvelles allégations de maltraitance
Le journaliste indépendant Victor Castanet publie le résultat de trois années d’enquête dans son ouvrage Les Fossoyeurs publié chez Fayard le 26 janvier 2022.
Les différents volets de l’alerte
Ce livre-enquête décrit un certain nombre de problèmes éthiques et sanitaires : une obsession de la rentabilité, des comportements négligents, des méthodes managériales contestables, une troublante proximité avec des hauts fonctionnaires et des élus, en particulier Xavier Bertrand, ministre de la Santé puis des Affaires sociales de 2005 à 2009, et la pratique de rétrocommissions et de marges arrières dans ce secteur médicosocial, en particulier le groupe Korian.
Une alerte lancée le 9 octobre 2014 par l’ancien ministre de la santé Claude Evin, alors directeur de l’agence régionale de santé d’Île-de-France, avait dénoncé les procédés similaires du groupe Korian auprès du ministère chargé des personnes âgées, dirigé par Laurence Rossignol, cette alerte est restée sans aucune suite administrative.
Deux jours avant la publication de l’ouvrage, le quotidien Le Monde publie quelques bonnes feuilles de l’ouvrage de Victor Castanet. La famille de Françoise Dorin témoigne de comportements négligents envers la comédienne. Mediapart dénonce simultanément des irrégularités dans l’établissement des CDD : des employés fictifs sont mentionnés à la place de la personne en CDI que le CDD est censé remplacer.
Le 30 janvier 2022, plusieurs familles de résidents annoncent vouloir intenter une action collective en justice contre le groupe Orpea. Celle-ci est menée par l’avocate Sarah Saldmann.
Réactions des pouvoirs publics
La ministre déléguée chargée de l’autonomie, Brigitte Bourguignon, annonce le 26 janvier que le gouvernement lance une enquête administrative et réclame « des explications »56.
Les deux dirigeants du groupe (le nouveau PDG, Philippe Charrier et le DG pour la France, Jean-Christophe Romersi) sont convoqués par le gouvernement à un entretien le 1er février.
France Info annonce le 27 janvier dans la soirée que : les agents de l’agence régionale de santé d’Île-de-France, ont passé la journée de jeudi à inspecter l’établissement « Les Bords de Seine » à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine), dans lequel de nombreux dysfonctionnements sont mis en lumière par l’enquête de Victor Castanet.
Le 1° février, à l’issue de l’entretien entre les dirigeants Orpéa et la ministre déléguée chargée de l’autonomie, la ministre rapporte qu’ils « ne se remettent pas en question, ont l’air de dire qu’ils ont des explications pour tout, des preuves pour tout ».
En réaction, la ministre Brigitte Bourguignon annonce l’ouverture de deux enquêtes administratives confiées à l’IGAS et à l’IGF pour le volet financier, et une large consultation des représentants des familles, élus départementaux, acteurs du secteur et partenaires sociaux.
La ministre Brigitte Bourguignon dénonce sur LCI le « cynisme pur » de la direction du groupe à l’issu d’une première audition, fustigeant « des dirigeants qui ne se remettent pas en question ».
Le 2 février 2022, la commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale auditionne Philippe Charrier, PDG du groupe Orpea, et son directeur général France, Jean-Christophe Romersi. Les membres de la commission se disent « outrés » et « déçus » ne pas avoir reçu les réponses aux nombreuses questions qu’ils ont posées sur les informations contenues dans le livre-enquête de Victor Castanet.
Réactions du groupe Orpea
Le groupe Orpéa dans un communiqué de presse daté du 24 janvier 2022 dénonce une enquête à charge, conteste formellement l’ensemble de ces accusation, et annonce avoir saisi ses avocats au sujet d’éventuelles suites judiciaires.
Victor Castanet affirme avoir fait l’objet d’un certain nombre de pressions et de menaces de la part du groupe, et qu’un intermédiaire lui aurait proposé une somme de 15 millions d’euros à la moitié de son enquête pour qu’il ne publie pas, offre qu’il a refusée.
Après l’annonce de la parution du livre-enquête et une suspension de vingt-quatre heure de la cotation de l’action du groupe à la bourse de Paris, celle-ci chute de 52 % du 24 janvier 2022 au 27 janvier 2022.
À la suite de la parution du livre-enquête de Victor Castanet, Orpea annonce dans un communiqué de presse « mandater immédiatement deux cabinets reconnus pour leur confier une mission indépendante d’évaluation sur l’ensemble des allégations rapportées dans ce livre.
Le 30 janvier, le groupe annonce le limogeage de son DG Yves le Masne, et son remplacement par Philippe Charrier, président du conseil d’administration d’Orpéa qui en devient ainsi le PDG, ce dernier « aura pour mission de garantir, sous le contrôle du conseil [d’administration], que les meilleures pratiques sont appliquées dans toute l’entreprise et de faire toute la lumière sur les allégations avancées ».
Le 2 février, Le Canard enchaîné révèle que Yves le Masne aurait vendu plus de 5 456 actions du groupe pour une somme de 588 157 euros en juillet 2021, soit trois semaines après avoir appris la préparation du livre à charge de Victor Castanet, et six mois avant la parution de l’ouvrage dans les librairies, ce qui « pourrait s’apparenter à un délit d’initié » ; l’Autorité des marchés financiers en aurait été informée par Yves le Masne le 4 août 2021.