Mokrane Aït Ouarabi
Créé le 5 mars courant, le Front contre la répression et pour les libertés a rendu public ses textes fondateurs et exigé dans le sillage la libération de tous les détenus d’opinion mis en prison depuis février 2019.
Dénonçant «un véritable climat de terreur imposé dans le pays et engendrant des atteintes massives et systématiques aux droits humains», le Front contre la répression réclame «l’arrêt des poursuites judiciaires contre les militants, la réhabilitation pleine et entière des détenus, l’ouverture du champ médiatique à l’opposition politique et la libération de l’action politique organisée».
Aussi, et dans le même contexte, ce Front, composé de partis politiques, d’organisations de défense des droits de l’homme, d’associations, de syndicatistes et de blogueurs, demande «la consécration de l’effectivité des libertés individuelles et collectives par l’abrogation de toutes les lois liberticides et de toutes les dispositions pénales contraires aux conventions internationales ratifiées par l’Algérie, notamment les articles 87 bis et 144 du code pénal, qui visent à criminaliser l’action politique et militante, entraver la liberté de la presse, les libertés académiques et étouffer les contestations sociales».
Pour ce Front, ces «revendications» constituent «les moyens primordiaux pour parvenir à asseoir l’alternative démocratique dans notre pays». «Notre démarche vise à organiser et animer un espace civique en faveur d’un mouvement d’opinion, qui concrétise par la mobilisation politique le droit légitime à une citoyenneté pleine et entière et à l’exercice de nos libertés démocratiques», souligne le Front dans sa charte fondatrice, considérant que l’ambition de ses fondateurs «est de rendre effectif et efficient le travail de synergie de toutes les forces vives du pays, qui s’inscrivent dans ces objectifs de combat démocratique».
Le Front contre la répression assure qu’il demeure ouvert à «tous ceux qui veulent s’inscrire dans ce combat déterminant pour notre avenir». «Tout en garantissant l’implication de toutes les volontés citoyennes, nous nous engageons à consacrer la pratique démocratique à la fois dans l’organisation et dans le fonctionnement de cet espace, et à mener des actions par tous les moyens démocratiques que nous pensons nécessaires pour atteindre nos objectifs», précise-t-on encore, estimant que «cet espace civique met au cœur de l’exécution de son programme la collaboration de tous ses membres et la mutualisation de leurs compétences, ceci dans le respect de leurs opinions, de la collégialité et de l’autonomie de chaque partie engagée». «Les membres du Front, ajoute-t-on, ont un devoir de solidarité entre eux et de respect des décisions collectives librement prises dans le cadre établi ci-dessus ainsi que de l’éthique prônée dans la présente charte.»
Le Front a mis en avant ce qu’il qualifie de «régression des libertés et de répression sans précédent qui visent à inhiber les luttes pour une démocratie fondée sur la liberté et l’égalité». S’élevant contre ce qu’il considère comme «des politiques antipopulaires menées au pas de charge», le Front contre la répression met en garde contre «une vaine tentative d’aller à contresens de l’histoire».
Car, poursuit-on, «la soif de justice et les espérances pour l’avènement d’un Etat de droit, civil, social et démocratique, reposant sur les principes d’égalité et de liberté, demeurent vivaces au plus profond de la conscience des masses populaires». «Aucun Etat ni société ne peuvent, en effet, fonctionner durablement et efficacement sans que les institutions politiques n’incarnent les idéaux et objectifs ancrés dans les convictions de leurs citoyens», conclut-on.
ALGERIE : Naissance d’un «front contre la répression et pour les libertés»
06/03/2022 mis à jour: 15:50
De gauche à droite, Saïd Salhi, Wahid Ben Hella, Mahmoud Rechidi et Ali Laskri, lors de la conférence d’hier au siège du MDS à Alger
Le Front contre la répression et pour les libertés est né. En préparation depuis des mois à l’initiative des forces du Pacte pour l’alternative démocratique (PAD), il a été proclamé, hier, lors d’une conférence organisée au siège du Mouvement démocratique et social (MDS), dont le coordinateur, Fethi Ghares, figure parmi les détenus politiques et d’opinion.
En effet, des militants de divers horizons, des acteurs de la société civile, des membres des familles des détenus d’opinion et des citoyens ont donné naissance à cette structure chargée de défendre les libertés et les droits de l’homme. Sa mise en place, comme l’ont souligné les participants, «intervient dans un contexte marqué par l’accentuation de la répression ciblant les activistes du hirak du 22 février 2019 et des militants politiques pacifiques.»
Dans une déclaration, lue et débattue à l’occasion de cette conférence, les participants ont dressé un tableau sombre de la situation des libertés en Algérie, marquée par «une lourde chape de plomb» et l’instauration d’«un climat de peur». «Nous sommes les témoins malheureux d’une justice aux ordres du pouvoir politique et d’une législation liberticide.
Plus de 300 détenus politiques et d’opinion croupissent dans les prisons du régime. Ils sont condamnés à travers des parodies de procès, produit de montages honteux de dossiers sans fondements juridiques où les droits des victimes et de la défense sont bafoués. D’autres sont maintenus en détention sans jugement au moyen de renouvellements multiples de mandats de dépôt alors qu’ils présentent toutes les garanties de ne pas se soustraire à l’appareil judiciaire», souligne le document.
Selon la même source, «la stratégie de la répression et de la terreur est un violent déni des libertés citoyennes, un fondement essentiel de la démocratie, une violation des droits de la personne humaine et une remise en cause du pluralisme et du multipartisme reconnus par la législation en vigueur». «Des milliers de citoyens font l’objet de poursuites judiciaires pour avoir exprimé une opinion, participé à une activité de protestation citoyenne pacifique ou simplement pour avoir exprimé leur solidarité envers des citoyens victimes de l’arbitraire d’Etat.
Aujourd’hui, militants politiques, syndicaux, associatifs, journalistes et activistes du hirak peuplent les tribunaux de la Nouvelle Algérie», dénoncent les initiateurs, rappelant aussi que les partis et les associations autonomes, «qui refusent de se conformer à la ligne générale édictée par le pouvoir autoritaire, subissent des pressions incessantes et des représailles multiples, voire même des cabales judiciaires». «Ils sont interdits de fait d’antenne dans les médias publics et même dans les médias privés par le chantage sur la publicité publique.
La presse est soumisse à une contrôle d’un autre âge, tandis que la justice est réduite à un simple appareil et instrumentalisée pour le seul maintien du système et de ses privilégiés. L’ampleur de la répression, accentuée par de fallacieuses accusations puisées de la rhétorique antiterroriste.
L’usage de l’arbitraire judiciaire et de l’abus législatif (art 87 bis et 144 du Code pénal…) témoigne d’une volonté soutenue pour imposer une gouvernance aux antipodes des exigences de changement exprimées par des millions d’Algériens depuis près de trois ans», ajoute-t-on dans la même déclaration.
Précisant qu’aucun Etat ni société ne peut, en effet, fonctionner durablement et efficacement sans que les institutions politiques n’incarnent les idéaux et objectifs ancrés dans les convictions de leurs citoyens, les participants lancent un appel aux patriotes. «L’heure n’est pas aux lamentations ou au renoncement.
C’est le moment de défendre nos droits et libertés et d’assumer notre devoir à promouvoir la solidarité partout où nous sommes et par tous les moyens de la démocratie», précisent-ils.