LIVRE PHOTO « LA RÉVOLUTION RUSSE »Les travailleurs d’Odessa, en Ukraine, saluent l’Armée rouge après la libération de 1919 de l’Armée blanche contre-révolutionnaire, qui a tenté de réimposer la domination des classes propriétaires terriennes et capitalistes.
Alors que les travailleurs ukrainiens défendent la souveraineté de leur pays, armes en main, contre l’invasion de Moscou, cet extrait du Combat final de Lénine: discours et écrits 1922-23 est un élément spécial expliquant pourquoi les communistes soutiennent l’indépendance ukrainienne. Le livre décrit comment V.I. Lénine, le dirigeant central de la première révolution socialiste du monde, a mené une bataille politique au sein du Parti bolchevique pour poursuivre le cours prolétarien internationaliste qui a porté les travailleurs et les paysans au pouvoir en octobre 1917. L’enjeu était de savoir comment les anciens peuples opprimés de la « prison des nations » tsariste pouvaient rejoindre l’Union soviétique sur un pied d’égalité. Après la mort de Lénine, une bureaucratie montante au sein de l’État et du parti dirigée par Joseph Staline a renversé le programme de Lénine dans une contre-révolution politique sanglante. Les extraits sont tirés de documents que Lénine a envoyés au Bureau politique et à un congrès du parti défendant sa position communiste. Copyright © 1995 par Pathfinder Press. Reproduit avec permission.
PAR VLADIMIR LÉNINE
6 octobre 1922
Je déclare la guerre à mort au chauvinisme de la Grande Russie. … Il faut absolument insister pour que le Comité exécutif central de l’Union soit présidé à son tour par un Russe, un Ukrainien, un Géorgien, etc.
Absolument!
Bien à vous,
Lénine
30 décembre 1922
On dit qu’un appareil uni était nécessaire. D’où vient cette assurance? Ne venait-elle pas de ce même appareil russe qui, comme je l’ai souligné dans l’une des sections précédentes de mon journal, nous a pris le relais du tsarisme et légèrement oint de pétrole soviétique? …
L’appareil que nous appelons le nôtre nous est, en fait, encore tout à fait étranger à nous. C’est un méli-mélo bourgeois et tsariste. Il n’y a eu aucune possibilité de s’en débarrasser au cours des cinq dernières années, étant donné le manque d’aide d’autres pays et étant donné que nous avons été « occupés » la plupart du temps par des engagements militaires et la lutte contre la famine.
Il est tout à fait naturel que, dans de telles circonstances, la « liberté de faire sécession de l’union » par laquelle nous nous justifions ne soit qu’un bout de papier, incapable de défendre les non-Russes contre l’assaut de cet homme vraiment russe, le grand chauvin russe, en substance un coquin et un tyran, comme l’est le bureaucrate russe typique. Il ne fait aucun doute que le pourcentage infinitésimal de travailleurs soviétiques et soviétisés se noiera dans cette marée de riffraff chauvin de la Grande Russie comme une mouche dans le lait. …
Avons-nous été assez prudents pour prendre des mesures pour fournir aux non-Russes une véritable protection contre le Derzhimorda véritablement russe? Je ne pense pas que nous ayons pris de telles mesures, même si nous aurions pu et dû le faire.*
Je pense que la hâte de Staline et son engouement pour l’administration pure, ainsi que son dépit contre le fameux « socialisme nationaliste », ont joué un rôle fatal ici. En politique, le dépit joue généralement le rôle le plus bas. …
Nous avons ici une importante question de principe : comment comprendre l’internationalisme ?
31 décembre 1922
Une présentation abstraite de la question du nationalisme en général n’est d’aucune utilité. Une distinction doit nécessairement être faite entre le nationalisme d’une nation oppressrice et celui d’une nation opprimée, le nationalisme d’une grande nation et celui d’une petite nation.
En ce qui concerne le deuxième type de nationalisme, nous, ressortissants d’une grande nation, avons presque toujours été coupables, dans la pratique historique, d’un nombre infini de cas de violence; de plus, nous commettons des violences et insultons un nombre infini de fois sans nous en rendre compte. Il suffit de rappeler mes souvenirs de la Volga de la façon dont les non-Russes sont traités; comment les Polonais ne sont pas appelés par un autre nom que Polyachishka, comment le Tatar est surnommé Prince, comment les Ukrainiens sont toujours Khokhols et les Géorgiens et autres ressortissants caucasiens toujours Kapkasiens.
C’est pourquoi l’internationalisme de la part des oppresseurs ou des « grandes » nations, comme on les appelle (bien qu’ils ne soient grands que dans leur violence, seulement grands comme Derzhimordas), doit consister non seulement dans l’observance de l’égalité formelle des nations, mais même dans une inégalité, à travers laquelle la nation oppressrice, la grande nation, compenserait l’inégalité qui s’obtient dans la vie réelle. Quiconque ne comprend pas cela n’a pas saisi la véritable attitude prolétarienne à l’égard de la question nationale ; il est encore essentiellement petit bourgeois dans son point de vue et est donc sûr de descendre au point de vue bourgeois.
Qu’est-ce qui est important pour le prolétaire ? Pour le prolétaire, ce n’est pas seulement important, il est absolument essentiel qu’il soit assuré que les non-Russes placent la plus grande confiance possible dans la lutte de classe prolétarienne. Que faut-il pour assurer cela? Pas seulement l’égalité formelle. D’une manière ou d’une autre, par son attitude ou par des concessions, il est nécessaire d’indemniser les non-Russes pour le manque de confiance, pour la suspicion et les insultes auxquelles le gouvernement de la nation « dominante » les a soumis dans le passé. …
Le Géorgien [Staline] qui dédaigne cet aspect de la question, ou qui se moque négligemment des accusations de « socialisme nationaliste » (alors qu’il est lui-même un vrai et vrai « socialiste nationaliste » et même un vulgaire Grand Russe Derzhimorda*), viole, en substance, les intérêts de la solidarité de classe prolétarienne, car rien ne freine autant le développement et le renforcement de la solidarité de classe prolétarienne que l’injustice nationale. Les ressortissants « offensés » ne sont sensibles à rien tant qu’au sentiment d’égalité et à la violation de cette égalité, ne serait-ce que par négligence ou par plaisanterie à la violation de cette égalité par leurs camarades prolétariens. C’est pourquoi, dans ce cas, il vaut mieux en faire trop plutôt que de sous-estimer les concessions et la clémence envers les minorités nationales. C’est pourquoi, dans ce cas, l’intérêt fondamental de la solidarité prolétarienne et par conséquent de la lutte de classe prolétarienne exige que nous n’adoptions jamais une attitude formelle à l’égard de la question nationale, mais que nous prenions toujours en compte l’attitude spécifique du prolétaire de la nation opprimée (ou petite) envers la nation oppressrice (ou grande).
Lénine
* Derzhimorda, un policier dans la pièce L’inspecteur du gouvernement de l’écrivain russe Nikolay Gogol, personnifie le fonctionnaire arrogant de l’État sous le tsar.