Anahit et Guegam (au premier plan) ont été accueillis plus de deux mois chez Brigitte et Dominique. © La République du Centre
La richesse de l’aventure qu’ils ont vécue, de l’élan de solidarité qu’ils ont reçu, tranche avec les montagnes de difficultés administratives auxquelles ils se sont heurtés.
D’abord une grande vague de chaleur humaine. Puis, une douloureuse douche froide. Le 13 mai, les Olivetains Brigitte et Dominique ont vu le couple de réfugiés qu’ils accueillaient depuis plus de deux mois, contraint de regagner son pays en guerre. « Je ne vous dis pas le déchirement quand on les a quittés ! », glisse pudiquement Dominique.
De pudeur il n’a point quand il revient sur les raisons pour lesquels Anahit et Guegam ont dû reprendre le train : « J’ai honte de la France ! Faire ainsi le tri entre les personnes. Comme si les bombes, elles, faisaient une différence entre les Ukrainiens d’origine et les autres. »
Car le problème est le suivant : Anahit et Guegam sont Arméniens. « Ils ont fui la situation en Arménie. Ils sont installés en Ukraine depuis plus de vingt ans. Ils disposent d’une carte de résidents ukrainiens permanents. On leur dit qu’ils ne peuvent pas être reconnus comme demandeurs d’asile. Car techniquement, ils peuvent retourner dans leur pays d’origine. »
Or, sans le statut de demandeur d’asile, « ils n’ont le droit qu’à trois mois de présence sur le sol français ». Voici ce qu’ont découvert, avec stupéfaction, la famille d’accueil et leurs hôtes, lors d’un rendez-vous à la préfecture. Alors que deux mois s’étaient déjà écoulés. Et que des liens forts s’étaient évidemment créés : « On vivait ensemble vingt-quatre heures sur vingt-quatre. »
« Ils ne voulaient pas prendre le risque d’être dans l’illégalité »
Anahit et Guegam, la petite soixantaine, ne parlant pas français, ont eu beaucoup de mal à intégrer ce qui se passait. « Ils n’ont pas compris pourquoi on les avait laissés venir », résume Dominique.
L’Olivetain précise que la préfecture leur a signalé que peut-être, sous réserve de fournir une série d’éléments et de témoignages, le dossier pouvait être réexaminé. « Mais ils devaient partir le lendemain. Leur décision était prise. Ils ne voulaient pas prendre le risque d’être dans l’illégalité », souligne-t-il.
Le couple d’Arméniens était arrivé « parmi le flot de réfugiés » : « Ils étaient venus par leurs propres moyens, sept jours de voyage en car, avaient été accueillis par l’association Imanis… On a dû se dépatouiller avec tout« , se rappelle Dominique.
Guegam est cuisinier. Anahit réceptionne des marchandises dans le même établissement de restauration. Ils vivaient dans un bâtiment qui a été soufflé par une bombe.
Le couple d’Arméniens est aujourd’hui, en Ukraine, reparti : « Nous les avons ramenés gare de l’Est, remis dans les mains de la Croix-Rouge. Cinq jours plus tard, nous avons eu un message comme quoi ils étaient bien arrivés. » Dans leur petit village de Zaporijjia, Brigitte et Dominique les espéraient plus que tout à l’abri. Mais hier, un message d’Anahit est venu confirmer leurs craintes. Des missiles russes sont tombés au centre de la ville mercredi matin.